15/06/2025

Taiwan Today

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Laissez votre Qi croître

01/08/2011
Huang Yu-sheng et ses élèves.
Dans les dernières 20 minutes des 3 heures de cours données par David Shu [許達夫], un neurochirurgien de 62 ans, celui-ci demande à ses 10 élèves de se lever, d’aligner la position des pieds sur la largeur des épaules et de lentement lever les bras pour les laisser retomber naturellement comme une pendule. Il faut également plier les genoux cinq fois à chaque fois que les bras reviennent dans leur position initiale. « Respirez naturellement et détendez votre corps », demande le docteur Shu. C’est ainsi que commence la petite session de qigong pour débutant.

Le cours a lieu dans la clinique du docteur Shu, qui a fait ses études de médecine en Occident. Les élèves sont des patients atteints d’un cancer ou encore des proches de personnes atteintes de la maladie. Ils sont venus au docteur Shu car ce dernier est la meilleure preuve que le cancer peut aussi être combattu avec des méthodes non orthodoxes. Le docteur en est lui-même la preuve vivante. En 2003, on lui diagnostique un cancer colorectal de phase 3 et on ne lui donne pas plus de 3 ans à vivre. Après une chimiothérapie et un traitement aux rayons, il décide d’abandonner tous les traitements préconisés par la médecine occidentale et la perspective d’une opération chirurgicale alors particulièrement recommandée. A la place, le médecin est devenu un ardent pratiquant du qigong enseigné par le très respecté maître Lee Feng-shan [李鳳山]. Au début, le docteur Shu a trouvé que cela soulageait la douleur. Il a poursuivi ses efforts et il se sent bien maintenant. C’est cette pratique que le docteur Shu veut transmettre à ses patients.

Au début, le docteur fût férocement attaqué par ses confrères qui l’accusaient de donner le mauvais exemple dans le traitement du cancer. « Les attaques ont diminué aujourd’hui parce que je suis toujours vivant », dit-il. Il est même l’auteur de deux ouvrages qui relatent son expérience. « Je ne suis pas un pourfendeur de la médecine occidentale. Je ne dis pas qu’elle est mauvaise, je dis simplement aux patients qu’il faut savoir s’arrêter avant d’aller trop loin ». Il décrit dans ses ouvrages les ravages des médicaments occidentaux lorsqu’ils sont administrés trop lourdement, de manière excessive. Selon lui, il s’agit d’un phénomène courant à Taiwan : « Les médecins sont trop fiers de leur profession, ce qui les empêche d’envisager des thérapies alternatives », poursuit-il alors qu’il a lui-même pratiqué cette médecine pendant 30 ans. A l’inverse, il est conscient de la nécessité de ne pas exagérer les effets thérapeutiques du qigong, une pratique qu’il replace dans le cadre de l’arsenal de la médecine chinoise, se faisant ainsi l’avocat d’un recours équilibré et complémentaire aux deux médecines.

Le qigong n’est en aucun cas une panacée mais il permet, si l’on en croit ses adeptes, de soulager la douleur de ceux qui souffrent de maladies chroniques. « La médecine occidentale permet de soulager les symptômes mais exerce en même une pression sur la santé. Et au bout du compte, il faut toujours s’appuyer sur son système immunitaire pour se sortir de la maladie, explique Michael Chung [鍾國強], le directeur de l’Association pour la pratique du qigong de Taipei. « Le qigong rend votre système immunitaire plus efficace ».

Les études ont montré qu’une pratique constante du tai-chi a des effets bénéfiques sur la santé. (HUANG CHUNG-HSIN / TAIWAN REVIEW)

Commencer par le Qi

De manière similaire, les pratiquants du tai-chi-chuan affirment que cette gymnastique traditionnelle est bonne pour la santé. Michael Chung note que le qigong est le fondement du tai-chi-chuan, une forme d’art martial né à l’époque de la Chine antique et c’est ce qui explique que les cours dispensés débutent toujours par l’enseignement du qigong, avant de faire évoluer les élèves vers la pratique plus difficile du tai-chi-chuan. « Le qigong et le tai-chi-chuan ont tous deux pour objectif de cultiver le Qi, soit l’énergie intérieure, grâce à des techniques de respiration abdominale qui permettent d’entretenir un souffle plus long et plus profond. Le Qi tourne alors en boucle au sein de l’organisme, à travers tous les canaux et c’est cette circulation qui renforce la santé de nos organes », explique Michael Chung qui souligne également que les techniques du tai-chi-chuan sont plus sophistiquées car elles impliquent des mouvements très précis qui sont également du domaine des arts martiaux.

La tradition chinoise décrit le corps humain comme traversé de « canaux d’énergie » qui sont aussi aux fondements des techniques d’arts martiaux. « Le Qi renforce la flexibilité de nos muscles et par conséquent décuple la souplesse et la rapidité des mouvements de notre corps. A l’inverse, le type d’entraînement au combat promu par l’Occident met l’accent sur le développement des muscles », analyse Michael Chung.

Au sein des communautés chinoises, le qigong et le tai-chi-chuan sont très pratiqués depuis des siècles. Le second a même été admis comme discipline de la catégorie des arts martiaux aux Jeux asiatiques de Pékin en 1990. « Il n’y a pas d’âge pour pratiquer, pour les hommes comme pour les femmes, la pratique ne nécessite pas beaucoup d’espace et ne coûte presque rien », constate Huang Yu-sheng [黃裕盛], le président de l’Association nationale de tai-chi-chuan de la République de Chine. Fondée en 1956, l’association a la charge de former les entraineurs, d’accorder les accréditations et d’organiser les compétitions nationales et internationales mais aussi de promouvoir l’esprit de la tradition en travaillant avec les 140 groupes existants au Japon, en Malaisie, en Europe et aux Etats-Unis.

Aujourd’hui, un nombre croissant de praticiens, en Occident, se tournent vers ces gymnastiques traditionnelles, attirés par les bénéfices en termes de santé. Wang Chun-shiung [王俊雄], un cardiologue de l’Hôpital municipal de Taipei et adepte du tai-chi-chuan, organise depuis 10 ans plusieurs cours pour ses patients. Il y a 4 ans, il a eu l’idée de demander à 30 d’entre eux de passer des tests physiologiques avant de se lancer dans l’apprentissage du tai-chi-chuan, des tests qu’il a renouvelés à l’identique après trois mois de pratique. « En moyenne, leur taux de cholestérol a baissé de 8% et leur vaisseaux sanguins sont devenues plus élastiques », note le médecin.

Michael Chung encadre le jeune Américain Joel Schachter lors d’un cours de tai-chi.

Dans le cadre d’un programme développé et financé par le ministère des Sciences, l’Hôpital mémorial Chang Gung de Taoyuan, dans le nord de Taiwan, a mené en 2006 une série de tests d’équilibre sur 86 personnes âgées de 60 à 70 ans. Parmi ces dernières se trouvaient 32 adeptes du tai-chi-chuan depuis longtemps, 20 pratiquaient la natation régulièrement, et 34 n’entretenaient aucune activité physique régulière. « Ceux qui pratiquaient le tai-chi-chuan depuis longtemps ont obtenu les meilleurs résultats », explique Alice Wong [黃美涓], responsable de ce programme au sein de la structure hospitalière. Les résultats ont été publiés en 2010 dans Archives of Gerontology and Geriactrics, une revue scientifique américaine traitant des problématiques de santé liées au vieillissement. La conclusion établissait le fait que ceux qui pratiquent régulièrement le tai-chi-chuan perdent moins souvent l’équilibre et ont donc moins de ces chutes qui peuvent se révéler parfois mortelles pour les personnes âgées. « La pratique du tai-chi-chuan est bonne pour les muscles des jambes et des pieds comme le montre la position du cavalier », explique le docteur J.S. Lai [賴金鑫] du département de médecine physique et de rééducation à l’Hôpital de l’Université nationale de Taiwan.

La pratique est toutefois dotée d’une dimension ésotérique dont n’est pas pourvue la médecine occidentale, laquelle se fonde sur les disciplines de l’anatomie et de la physiologie. « Il est impossible d’observer l’existence des canaux de Qi dans le corps », explique Wang Shwu-fen [王淑芬], qui enseigne à la Faculté de thérapie physique de l’Université nationale de Taiwan. Il note que les fondations métaphysiques du tai-chi-chuan reposent sur les concepts issus de la pensée taoïste, soit une approche fondée sur le ying et le yang et qui dépasse le domaine de la médecine occidentale. D’un autre côté, du point de vue d’un thérapeute, Wang Shwu-fen note que tous les types d’exercices ont des bienfaits physiques, le tai-chi-chuan ne faisant pas exception à la règle.

Peggy Meng [孟令珮], qui suit le traitement du docteur Shu depuis le début de l’année, déclare qu’elle ressent déjà les effets positifs des exercices alors qu’auparavant, elle avait beaucoup de vertiges et sa nuque, raide, la faisait souffrir. « Depuis, cela va mieux. Je ne rate pas un cours, je suis l’ensemble des instructions avec beaucoup d’application parce que je sens que cela me fait du bien. Il faut se concentrer et travailler pour obtenir ces résultats », explique la femme âgée de 44 ans. Michael Chung partage cet avis, il explique que 6 à 12 mois de pratique intensive sont d’abord nécessaires avant de noter les premiers effets positifs. « Beaucoup d’entraîneurs oublient cet aspect et la pratique se résume à la répétition des mouvements tout en négligeant la dimension intérieure », prévient-il également. Joel Schachter, un Américain qui pratiquait le Kung-fu aux Etats-Unis, et est maintenant élève de Michael Chung, reconnaît l’importance de la dimension intérieure : « J’ai pratiqué le tai-chi-chuan aux Etats-Unis, où il est mal enseigné. On se blesse et les gains en terme de santé sont négatifs », raconte le jeune Américain venu à Taiwan à la recherche des bonnes méthodes. D’autres Américains présents dans les cours de Michael Chung partagent cet avis.

Ceux qui doutent encore devraient alors déposer le fardeau de leur suspicion et s’ouvrir à cette sagesse millénaire. Rien dans cette pratique ne peut leur nuire et ils ont tout à gagner à s’y intéresser, qu’ils soient en bonne ou mauvaise santé.

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