25/07/2025

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Le partage des richesses

01/09/1998
Les œuvres du Musée national du Palais dans les expositions à l’étranger

Novembre 1935 - mars 1936 :
735 pièces à l’Exposition internationale sur l’Art chinois organisée à Londres par la Royal Academy.

Janvier 1940 - juin 1941 :
100 œuvres à Moscou et Léningrad.

Mai 1961 - juin 1962 :
253 œuvres en tournée à Boston, Chicago, New York, San Francisco et Washington.

Mars - septembre 1970 :
49 pièces à l’Exposition universelle d’Osaka.

Mai 1973 :
80 pièces à l’Exposition sur la Chine organisée à Séoul.

Octobre 1991 - janvier 1992 :
17 pièces à l’Exposition commémorative du 500e anniversaire de la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb, organisée à Washington.

Mars 1996 - avril 1997 :
452 œuvres en tournée à Chicago, New York, San Francisco et Washington.



Le partage des richesses

Coupe en argent représentant un personnage sur un tronc dérivant sur un fleuve, portant la marque de Chu Pi-shan, dynastie Ming (1368-1644).

Le Musée national du Palais à Taïpei abrite la plus belle collection d’art chinois du monde. Pour permettre au plus grand nombre d’admirer ces trésors, il accélère la cadence de ses expositions et de ses prêts aux grands musées étrangers.

Les empereurs de Chine étaient de grands collectionneurs. Pendant des siècles, ils tirèrent parti de leur position et de leur pouvoir, virtuellement sans limite, pour remplir leurs palais des œuvres les plus raffinées. Ce qu’ils ne pouvaient acquérir, ils le commandaient auprès des artistes et des artisans du royaume, l’acceptaient en cadeau de la part de ceux qui sollicitaient des faveurs ou le confisquaient à ceux qui refusaient de se soumettre à leur volonté.

Leur soif d’objets d’art permit aussi de stimuler l’activité artistique. Les fours impériaux attirèrent les maîtres artisans spécialisés dans la céramique et la porcelaine ; la sculpture du jade fut élevée au rang des beaux-arts. Stimulée par la demande constante des peintres de la cour et les besoins insatiables de la première bureaucratie du monde, la fabrication du papier, de l’encre et des pinceaux atteignit une qualité sans précédent.

Cette collection impériale d’art se transmit de génération en génération pendant un millier d’années. Elle fut entamée par l’empereur Tai-tsung (r. 976-997) de la dynastie Sung, qui chercha à rassembler les peintures et les calligraphies des anciens maîtres. Mais c’est sous l’ère Hsuan-ho (1119-1125) de l’empereur Hui-tsung (r. 1100-1125) que fut créé le premier musée impérial qui établissait des rapports détaillés sur les œuvres conservées. Malgré les troubles qui jalonnèrent l’histoire de la Chine, cette collection de trésors culturels put se transmettre et s’enrichir de dynastie en dynastie.

L’immensité du fonds du musée — plus de 600 000 pièces — est bien connue. Ces pièces furent systématiquement rassemblées et inventoriées en 1925, lors de la création du Musée national du Palais. Quand l’invasion japonaise rendit l’exode inévitable, le travail de sélection des œuvres à emporter, pour gigantesque qu’il fût, s’avéra assez aisé : dans un premier temps furent emballés et évacués les trésors artistiques exposés dans le musée. Vint ensuite le tour des œuvres conservées dans les entrepôts, auxquelles s’ajouta une sélection prélevée dans les différents palais et grandes salles de la Cité interdite. De nombreux trésors, dont les plus belles pièces de l’art chinois, furent déménagés.

Le choix à faire quand il fallut évacuer les objets à Taïwan fut moins facile, le quart de la collection seulement pouvant être embarqué. Fort heureusement, nombre des membres du personnel du musée participèrent à ce nouvel exode. Comme ils s’étaient déjà occupés du choix et du transport des pièces vers le Sud et l’Ouest durant l’invasion japonaise et qu’ils étaient donc très familiers des objets et de leurs conditions d’emballage, ils furent en mesure de sélectionner les pièces de plus grande valeur.

Aujourd’hui, la crème de la collection impériale originelle est exposée dans la trentaine de galeries que compte le Musée national du Palais à Taïpei. On peut pardonner aux visiteurs de se sentir écrasés par le gigantisme de la collection qui est, par ailleurs, d’une qualité tout à fait exceptionnelle. Un parcours au hasard des galeries donne un large aperçu de la grandeur de l’héritage culturel chinois qui s’étend du néolithique à la chute de la dynastie Ching et à l’avènement de la République.

Le musée possède la plus grande variété et la plus belle collection de peintures chinoises, des rouleaux géants de paysages noyés de brume aux éventails ornés d’oiseaux et de fleurs qu’on croirait animés. La remarquable précision et la qualité des peintures à l’encre dont certaines ont plus de mille ans attestent du talent des artisans chinois à produire des encres ineffaçables et du papier résistant.

La collection de porcelaines très réputée comprend les bols fins dits « coquille d’œuf », les délicates théières à la couverte « craquelée » vert pâle et les robustes vases « bleu et blanc » qui ne manquent jamais de faire rêver les collectionneurs. A partir de la dynastie Sung, au Xe siècle, les responsables des fours impériaux rivalisèrent de virtuosité pour asseoir leur réputation et gagner les faveurs impériales. Ainsi, les pièces aux fines glaçures fabriquées dans le four de Ju Kao étaient déjà considérées il y a dix siècles comme de rares chefs-d’œuvre. Vingt-trois des quelque trente pièces appartenant à des collections publiques ou privées se trouvent dans le musée.

Viennent ensuite les bijoux de la famille impériale. Les empereurs chinois n’étaient guère intéressés par les diamants, les rubis et les saphirs tant chéris par les souverains occidentaux. Mais, dans le même esprit, ils collectionnèrent les objets sculptés dans les plus beaux jades. Depuis le IIIe millénaire avant Jésus-Christ, cette pierre fine représente le pouvoir, aussi bien dans le ciel que sur la terre. Au cours des siècles, elle a aussi symbolisé la noblesse, la constance, la perfection et l’immortalité.


Le partage des richesses

Chou en jadéite de la dynastie Ching (1644-1911), œuvre d'art d'un expert en sculpture du jade. Un examen plus attentif des feuilles semi-translucides vert émeraude révèle la présence de deux sauterelles, une grande et une petite.

Le Musée national du Palais possède un magnifique assortiment d’ustensiles sacrificiels et rituels anciens en jade, ainsi qu’une collection d'objets usuels ou décoratifs dont se servaient les nobles, du XIIIe siècle aux temps modernes : épingles à cheveux, broches, vases à fleurs, brûleurs à encens, cabinets de curiosités, chapelets à prière, ainsi que les outils du cabinet du lettré : pots à pinceaux, rince-pinceaux, godets à eau, accoudoirs, bâtons à encre, sceaux, etc. Comme pour le diamant, la valeur du jade augmente avec sa qualité et le raffinement de sa sculpture. Mais la gamme des dimensions et des couleurs qu’offre cette pierre est infiniment plus vaste.

Le musée abrite aussi une multitude d’anciens bronzes rituels et de sculptures sur pierre, de laques et de porcelaines, de tapisseries et de broderies, de livres rares et de documents. La collection permet une immersion totale dans cet héritage culturel chinois, ininterrompu pendant 5 000 ans. Une visite du musée est toujours une découverte, même quand ce n’est pas la première fois qu’on s’y rend. Moins de 1% de l’ensemble peut être exposé simultanément et il faudrait plus de 30 ans pour tout montrer. Deux méthodes d’exposition sont donc utilisées. La première consiste à permettre aux visiteurs d’avoir un aperçu de l’ensemble de l’art chinois, grâce à une sélection des diverses catégories d’œuvres que recèle le fonds du musée. La seconde repose sur l’organisation régulière d’expositions spéciales, d’une durée moyenne de deux mois, qui permettent à ceux qui font des recherches particulières d’approfondir leur connaissance d’œuvres appartenant à tel ou tel domaine artistique. Les statistiques prouvent que ces choix ont été les bons : plus de trois millions de visiteurs viennent en effet admirer les 6 000 à 8 000 pièces exposées chaque année.

Le musée offre davantage au public que des galeries remplies d’objets d’art. Les visiteurs peuvent se reposer, boire du thé et déguster des snacks chinois dans une maison de thé installée au quatrième étage du bâtiment principal ou se promener le long des allées de deux jardins traditionnels. Ces endroits cherchent à reproduire les lieux dont artistes et philosophes des siècles passés goûtaient tant la convivialité, favorable aux conversations animées entre amis, ou l’atmosphère, propice à la contemplation et à l’éveil de l’inspiration. « Après s’être promenés dans les jardins, les visiteurs comprennent mieux l’esprit des chefs-d’œuvre qu’ils viennent d’admirer », affirme Chin Hsiao-yi, nommé conservateur en chef du musée en 1983.

Depuis 1965, les espaces qui servent à exposer et à entreposer les différentes œuvres ont été élargis cinq fois, pour permettre au musée de demeurer au fait des derniers développements technologiques en matière de sécurité et de conservation. Cette dernière tâche n’est pas aisée. Ainsi, les degrés optimaux de température et d’humidité qu’exige la conservation des bronzes, des peintures et des laques varient considérablement ; une erreur de contrôle et les œuvres peuvent se détériorer très rapidement. Les systèmes de sécurité ont aussi été substantiellement renforcés, en réponse aux menaces auxquelles font face les musées du monde entier confrontés à des cambriolages de plus en plus audacieux et sophistiqués, sans mentionner le nombre grandissant de visiteurs.

Le musée accorde également plus d’attention à la dimension éducative de ses expositions. Pendant des années, les administrateurs ont semblé considérer que la qualité de la collection suffisait en elle-même à attirer le public. Aujourd’hui, ils se livrent à un marketing plus agressif des expositions et revalorisent leur mission pédagogique. Les anciennes identifications minimalistes qui accompagnaient les expositions sont renforcées de nouveaux détails sur les pièces exposées — on trouve moins de ces formules lapidaires « Coupe à boire, bronze, dynastie Shang (1766-1122 av. J.-C.) » — et les commentaires sur les œuvres elles-mêmes et le contexte dans lequel elles ont été fabriquées, utilisées et collectionnées se font plus nombreux. « Nous combinons recherche, éducation et exposition », explique Chin Hsiao-yi. Les expos qui montrent comment les premiers caractères chinois ont été gravés sur des os et quelles sortes d’outils et de procédés de moulage ont été utilisés pour les bronzes illustrent ce propos.

Afin de mieux sensibiliser le public à l’art, le Musée national du Palais fournit de nombreuses informations concernant les œuvres sur son site Internet (http://www.npm.gov.tw). Il organise aussi des camps d’été pour les enfants, des programmes éducatifs et des sessions de formation pour les adultes, ainsi que des conférences ouvertes à tous. Ceux qui ne peuvent suivre ces cours ont toujours le recours de consulter les publications. Le musée édite, entre autres, le Mensuel de l’art chinois du Musée national du Palais, destiné aussi bien aux chercheurs qu’au grand public. Il présente les découvertes archéologiques faites sur le continent chinois dans son Cinq mille ans d’art chinois, ainsi que les pièces de l’art chinois ancien collectionnées par des personnes privées ou des musées étrangers dans la série des Trésors chinois à l’étranger. Son personnel comprend des guides parlant de nombreuses langues étrangères dont l’anglais, le français, l’allemand, l’espagnol, le japonais, etc. Des visites commentées en chinois et en anglais sont organisées deux fois par jour. De brèves présentations des expositions permanentes et une brochure générale sur le musée sont également offertes gratuitement.

Le nouvel esprit qui préside aux expositions a permis de renforcer la fréquentation du musée au niveau local, et l’organisation récente d’une série d’échanges de grande envergure avec de célèbres musées étrangers a contribué à l'élargissement de son rayonnement international. Il y a trois ans, pour célébrer son 70e anniversaire, le Musée national du Palais a organisé 20 expositions spéciales. La plus mémorable est sans doute celle du Louvre. Son succès a ouvert la voie à la venue d’autres collections à Taïpei et à une plus grande fréquence des prêts d’œuvres accordés à des musées étrangers.


Le partage des richesses

Autobiographie, calligraphie à l'encre sur papier en style cursif de Huai Su (725-785 ?), rouleau, dynastie Tang (618-907).

Ce changement de cap semble réjouir tout le monde ; si les résidents de Taïwan s’estimaient déçus de ne pouvoir admirer qu’une portion limitée de la collection à un moment donné, les étrangers l’étaient encore bien davantage. Avant les années 90, un nombre relativement limité d’expositions étaient envoyées hors des frontières (voir encadré). Rares étaient les prêts d’objets destinés à compléter les expositions des musées étrangers. Les amoureux de l’art chinois n’avaient bien souvent pas d’autre solution que de venir à Taïpei ou de se résoudre à laisser passer à jamais l’occasion d’admirer certains de ces trésors. L’écrasant succès de l’exposition du Louvre — qui a présenté, de septembre à décembre 1995, 71 peintures de paysages réalisées entre les XVIe et XIXe siècles —, a particulièrement renforcé les relations du Musée national du Palais avec ses équivalents français. De tels échanges se font de plus en plus régulièrement, comme en témoignent les deux expositions organisées cette année avec le Grand Palais et le Musée Picasso. Cette dernière a ouvert ses portes le 26 septembre 1998 et se poursuivra jusqu’au 20 janvier 1999. Un total de 74 peintures, dont des sélections des périodes « bleue » et « rose », cubiste, expressionniste et pastorale sont exposées.

La croissance de ces échanges avec des musées étrangers est considérée d’une manière générale comme une occasion extraordinaire pour la scène culturelle taïwanaise. L’expo Picasso, parrainée par le Musée national du Palais, Dimensions Endowment of Art (une fondation culturelle locale) et le groupe China Times, s’accompagne de toute une série d’activités, dont une dizaine de conférences données par d’éminents spécialistes. De plus en plus, ces échanges deviennent des références pour les futurs efforts de coopération entre commanditaires locaux. « Dans le cas qui nous occupe, le Musée national du Palais fournit l’espace d’exposition et les services afférents, le groupe de presse s’occupe de la promotion et nous nous chargeons des missions telles que la conception de l’exposition, l’aide au choix des œuvres et la satisfaction des autres besoins », explique Christine Chen, vice-présidente de Dimensions Art Center, une division de Endowment.

Selon Lee Mei-ling, coordinatrice de l’exposition au sein du groupe China Times, la série de conférences permet aussi de stimuler l’intérêt du public pour la culture et l’art venus d’Occident. « De nombreuses personnes ne savent pas pourquoi Picasso est considéré comme un maître. Elles ignorent qu’il semblait capable de se surpasser sans cesse », dit-elle. L’analyse de la carrière de Picasso est une porte ouverte sur l’univers artistique plus vaste de l’Occident. « Nous espérons que ces expositions à grande échelle vont renforcer l’intérêt du public pour d’autres formes d’art et, par la même occasion, susciter chez lui une plus grande curiosité envers la culture chinoise, déclare Christine Chen. Les échanges culturels internationaux nous font découvrir nos lacunes, parce que chaque exposition est un nouveau défi grâce auquel nous acquérons une plus grande expérience dans les domaines de la planification, de l’organisation et de la promotion des expositions. » Elle ajoute que de nombreuses leçons ont déjà été tirées des expositions de tableaux prêtés par les Musées du Louvre et d’Orsay.

Selon Christine Chen, Taïwan devrait orchestrer une promotion plus active de son propre patrimoine artistique, en y incluant les vastes ressources du Musée national du Palais. « La culture est une ressource importante, affirme-t-elle. Que Taïwan devienne une société moderne ne suffit pas. A nous d’en faire aussi un centre culturel. » Le nombre grandissant des échanges internationaux du musée est un pas dans la bonne direction.

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