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Missionnaires à Taiwan

20/01/2018
En faisant des déchets une ressource, le père Moal, à Hualien, permet à des personnes abandonnées par la société de découvrir toute la valeur de leur vie.
Photo : Chuang Kung-ju / Taiwan Panorama
Taiwan est de longue date une terre de mission pour l’Eglise catholique. En 1859, des Dominicains espagnols, venus notamment des Philippines voisines, y fondèrent la première église catholique dans la région de Kaohsiung. Mais c’est surtout à partir des années 1950, après leur expulsion de Chine continentale par le gouvernement de Pékin, que les missionnaires catholiques renforceront leur présence dans l’île. Le magazine Taiwan Panorama a récemment publié une série de portraits de prêtres présents à Taiwan depuis plusieurs décennies. Extraits.
 
 
Yves Moal, 50 années auprès des déshérités
Chen Chun-fang
 

Yves Moal. (Photo de Chuang Kung-ju / Taiwan Panorama)

En 1966, le père Yves Moal, alors tout juste âgé de 25 ans, part du port de Marseille pour l’Asie. Après plus d’un mois de traversée, il débarque à Hongkong, avant de relier Taiwan, à nouveau par bateau. Par la suite, il est nommé à Yuli, dans le district de Hualien.
 
Peu après son arrivée, Yves Moal remarque que de nombreux enfants dont les parents sont partis travailler au loin sont élevés par leurs grands-parents et traînent dans les rues après les cours. Pour accueillir ceux qui n’ont nulle part où aller, il ouvre une salle de lecture dans un local de la paroisse. Plus tard, il crée des salles de lecture à Ruisi et à Yuli – il est toujours resté attentif au sort des enfants.
 
Quant aux adultes, ce sont vers ceux repoussés en marge de la société à cause de l’alcoolisme, d’un handicap ou d’un passé de délinquance qu’Yves Moal se tourne, avec la volonté de leur redonner une dignité par le travail. Lorsque les pouvoirs publics cherchent à promouvoir le recyclage des déchets, il se lance dans cette activité, organisant la collecte et le tri, et fournissant dans la mesure du possible le gîte et le couvert à ceux qui en ont besoin – il vend même les terres héritées de ses parents en France de manière à accueillir davantage de personnes.
 

Après une journée de travail, le père Moal dîne avec les participants. (Photo de Chuang Kung-ju / Taiwan Panorama)

Ce souci pour les plus démunis conduit le père Moal à prendre la tête du Centre Saint-André de formation pour les handicapés, situé à Fuli, dans le district de Hualien, juste au sud de Yuli. Le centre accueille près de 50 personnes atteintes d’un handicap physique ou mental et âgées de plus de 15 ans. Toutefois, ces bâtiments anciens sont peu adaptés aux personnes vieillissantes. C’est pourquoi Yves Moal se lance en 2016 dans un projet de construction d’une maison de retraite adaptée. Avec l’aide de personnes de tous horizons, le bâtiment sort de terre et est actuellement en cours d’aménagement intérieur.
 
En faisant des déchets une ressource, le père Moal permet à des personnes abandonnées par la société ou ayant souffert d’autres blessures de découvrir toute la valeur de leur vie.
 
 
Maurice Poinsot, l’ange à l’est de la rivière
Chen Chun-fang
 

Les habitants d’Afih sont très reconnaissants envers le père Poinsot. (Photo de Chuang Kung-ju / Taiwan Panorama)

Maurice Poinsot, 85 ans, est prêtre dans la paroisse Notre-Dame-de-Lourdes à Yuli, dans le district de Hualien. Il est à l’heure actuelle le plus âgé des prêtres des Missions étrangères de Paris en poste dans cette région. Voilà cinquante ans qu’il vit parmi les populations autochtones de Hualien et on lui doit d’ailleurs un dictionnaire français-amis – les Amis sont le plus nombreux des peuples autochtones de Taiwan. Pendant toutes ces années, il a aidé ces derniers à établir des coopératives et à progresser sur les plans économique et éducatif, et de la préservation de la culture tribale.
 
Né en France en 1932, Maurice Poinsot entre au séminaire à l’âge de 17 ans, à l’Université catholique de Paris. Il est ordonné prêtre huit en plus tard. En 1959, âgé de 27 ans, il est envoyé pour servir à Hualien, sur la côte orientale de Taiwan. A cette époque, la région est enclavée et c’est à moto que le jeune prêtre visite les villages, de Gaoliao à Yuli et de Fengnan à Fuli, mais aussi Dongli, Lehe, Afih… autant de localités principalement peuplées d’aborigènes.
 
 

Maurice Poinsot. (Photo de Chuang Kung-ju / Taiwan Panorama)

La pauvreté dans laquelle vivent alors les populations autochtones choque Maurice Poinsot. Il remarque toutefois leur savoir-faire en matière de culture de la citronnelle et les aide à s’équiper en machines pour l’extraction du jus, permettant d’augmenter la valeur de leur production. En 1967, il contribue aussi à mettre sur pied la première coopérative de crédit de la région, dans le village autochtone d’Afih. Un jardin d’enfants et un petit dispensaire suivent bientôt.
 
Que ce soit pour ses homélies ou lors de ses visites aux paroissiens, Maurice Poinsot met un point d’honneur à parler la langue amis, qu’il maîtrise parfois mieux que les habitants du cru. « Ils ne savent pas parler leur propre langue. Je veux la leur rendre » : c’est avec cette idée en tête qu’il s’attèle, avec son compatriote, le frère Louis Pourrias, à l’écriture d’un dictionnaire amis-français. Publié en 1996, cet ouvrage a ensuite servi de référence pour la publication de dictionnaires amis-chinois.
 
Avec le vieillissement de la population, le père Maurice Poinsot a l’idée de lieux d’accès à la culture et à la santé pour les seniors. Le premier a ouvert à Afih en 2005 et emploie des aides-soignants professionnels tout en fournissant aux anciens des occasions de transmettre leur sagesse aux nouvelles générations.

Aujourd’hui âgé de 85 ans, Maurice Poinsot a pris sa retraite et a renoncé à conduire sa moto. Ayant donné sa vie à Taiwan, cela fait bien longtemps qu’il n’est plus considéré comme un étranger mais au contraire comme un natif de la tribu.
 
 
Soigner avec l’art : la mission d’Hugo Peter
Chen Chun-fang
 

Hugo Peter. (Photo de Lin Min-hsuan / Taiwan Panorama)

Il y a plus de quarante ans, le père Hugo Peter a quitté sa Suisse natale pour Taiwan. En mission dans l’archipel de Penghu, il a rapidement orienté son action vers les personnes handicapées, organisant pour elles des ateliers d’art et d’artisanat. Par la suite, à Tainan, il a fondé des cours pour les jeunes enfants utilisant la peinture dans un but thérapeutique. Il a également levé des fonds pour l’établissement d’une association caritative à l’origine du premier centre de remise en forme pour personnes handicapées à Taiwan.
 
Ordonné prêtre en 1970, Hugo Peter se préparait à partir en mission en Inde et en Malaisie et n’a au départ séjourné à Taiwan que pour y suivre des cours de chinois. Après deux années passées à Hsinchu, et avec les encouragements de son église, il a finalement décidé de poursuivre des études au département des beaux-arts de l’Université normale nationale de Taiwan, à Taipei. Puis, une fois son diplôme obtenu, il a répondu à l’invitation d’une équipe pastorale de Penghu, archipel où il a vécu les 13 années suivantes.
 

La Fondation Tobias vient en aide aux personnes handicapées ou dépendantes. (Photo de Lin Min-hsuan / Taiwan Panorama)

Là, il a mis ses dons artistiques au service du Centre d’opportunités Huimin qui accueille des enfants souffrant d’un handicap mental. Plus tard, c’est à Tainan qu’il a continué son travail auprès des enfants handicapés, à la tête du Centre d’opportunités Saint-Raphaël, où il officie encore aujourd’hui. Depuis 1990, ce centre accueille des enfants de moins de six ans atteints d’un handicap mental, entourés par une équipe de professionnels. En 2006, il donné naissance à une deuxième structure, le Centre Guangming d’intervention et d’éducation précoce, qui propose un suivi individualisé des enfants. En 2010, ce centre a pris son autonomie sous l’égide de la Fondation Tobias pour le bien-être social.
 
A la demande de l’évêque de Tainan, Hugo Peter poursuit son travail de direction de la fondation, ainsi que son atelier de peinture et d’artisanat. Avec l’aide de la municipalité de Tainan, la fondation a également mis sur pied le premier centre de remise en forme à Taiwan spécialement conçu pour les personnes handicapées. Le prêtre a en outre lancé un service de bain à domicile pour les personnes âgées dépendantes. « La dignité pour tous » est son crédo.
 
 
Jean-Claude Fournier, en toute simplicité
Ivan Chen
 

Depuis plus de 50 ans, Jean-Claude Fournier récolte des fonds en Suisse au profit de l’éducation des jeunes enfants à Taiwan. (Photos de Jimmy Lin / Taiwan Panorama)

Né en 1938 en Suisse, Jean-Claude Fournier est le fils d’un charpentier et d’une couturière. Son oncle, le frère François Fournier, était missionnaire en Chine et les récits de ce dernier ont peuplé son enfance. En 1958, il entre à la Congrégation des chanoines réguliers du Grand-Saint-Bernard. Quelques années plus tôt, cette congrégation avait retiré ses missionnaires de la province du Yunnan d’une Chine devenue communiste, et c’est à Taiwan, en 1965, que Jean-Claude Fournier est envoyé en mission. Il y retrouve son oncle François.

Après avoir acquis des rudiments de chinois chez les jésuites de Hsinchu, c’est à Hualien qu’est appelé Jean-Claude Fournier avec sept autres prêtres et religieux. Il lui faut toutefois quelque temps pour surmonter complètement la barrière de langue, et le travail de mission fait face à de nombreux autres obstacles, à une époque où l’accès à certains villages de montagne reste strictement contrôlé.
 

Jean-Claude Fournier. (Photos de Jimmy Lin / Taiwan Panorama)

Démunies, les populations autochtones auprès desquelles il officie ne disposent pas d’une épargne dans laquelle puiser en cas de coup dur. Avec son oncle François, Jean-Claude Fournier contribue alors à mettre en place des crédits coopératifs permettant d’apporter une aide financière et de familiariser les habitants avec l’idée de l’épargne. Dans le village de Jiali, à Xincheng, l’église sert aussi de lieu d’accueil pour les enfants dont les parents travaillent aux champs. Pour faire vivre cette école maternelle improvisée, Jean-Claude Fournier s’appuie sur les sœurs de l’Institut Sainte-Marthe, tout proche, ainsi que sur des dons récoltés lors de ses retours en Suisse.

Aujourd’hui, il continue à exercer sa mission d’une manière simple, au plus près de ses paroissiens. A cause de Dieu, son désir de prendre soin des pauvres et des malades ne connaît pas de repos.
 

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