22/11/2024

Taiwan Today

Culture

La voie moderne des religions traditionnelles à Taiwan

19/12/2020
La procession consacrée à Mazu pendant les festivités de cette année organisées par le temple Baishatun Gongtian de Miaoli.
Aimable crédit de la Présidence de la République

Le taoïsme et les religions populaires demeurent indispensables au tissu social du pays.

En juin 2019, une délégation de chefs religieux et de responsables de temples venus de tout le pays a été invitée au Palais présidentiel afin d’y rencontrer la présidente Tsai Ing-wen [蔡英文]. Le groupe mené par Lu Kun-yung [盧崑永], président de l’Association générale des écoles taoïstes de Taiwan, une organisation basée à Changhua, a reçu les remerciements de la chef de l’Etat pour son action visant à offrir des services religieux et caritatifs à la population. En tant que centres névralgiques des religions populaires, les temples sont les points de rencontre des activités d’un quartier, a pointé la présidente qui a expliqué que c’était la raison pour laquelle elle privilégiait autant que possible les visites aux lieux de culte locaux.
 
La confiance de Tsai Ing-wen dans le pouvoir positif du taoïsme et des autres religions populaires n’est pas sans lien avec le fait que leur pratique est très répandue. Trouvant ses origines dans la philosophie chinoise classique du « tao », qui signifie « la voie », le taoïsme a été vraisemblablement fondé par Li Er [李耳], plus communément connu sous le nom de Laozi [老子], un philosophe du Ve siècle avant J.-C. qui vécut à la même époque que Confucius et Bouddha. L’école du Maître céleste, inspirée des enseignements de Laozi et fondée au IIe siècle par Zhang Daoling [張道陵], est largement considérée comme étant la première organisation taoïste officielle. Le titre de maitre s’est transmis depuis lors et jusqu’à aujourd’hui de générations en générations dans la famille Zhang. Le 63e maître, Zhang En-pu [張恩溥], s’est installé à Taiwan en 1949 après avoir quitté la province chinoise du Jiangxi où était installée l’école pour échapper au régime communiste. Ses descendants sont restés à Taiwan jusqu’à aujourd’hui.

Le temple Lungshan de Taipei, dans le quartier Wanhua, regroupe de nombreuses pratiques taoïstes et de religions populaires. (Photo : Pang Chia-shan / MOFA)

L’école du Maître céleste gérée par la famille Zhang est l’un des nombreux groupes taoïstes présents à Taiwan, et ceux-ci sont comparables aux nombreuses dénominations existant dans le christianisme, c’est en tout cas ce qu’affirme Chang Chao-jan [張超然], un professeur associé du département des études religieuses de l’Université catholique Fu Jen, basée à New Taipei. Alors que la famille Zhang représente l’une des branches les plus anciennes de la religion, le taoïsme taiwanais a de son côté évolué dans le sens d’une création de coutumes et de rituels uniques, explique Chang Chao-jan. Ici, les divinités taoïstes sont souvent vénérées en même temps que Bouddha et Confucius, formant ainsi un trio de croyances qui partagent les espaces des temples. Celles-ci ont également un lien très fort avec les religions populaires locales.

Une implantation profonde

La religion joue un rôle important dans la vie de tous les jours à Taiwan, comme le montrent clairement les nombreux temples et sanctuaires visibles à travers le pays. Ces édifices ont pour la plupart été construits à partir du XVIIe s. au fil des arrivées de populations venues de Chine et qui les ont dédiés aux divinités de leur choix. Au rang des divinités les plus populaires auprès des habitants de l’île de Taiwan et des petites îles environnantes se trouve Mazu [媽祖], déesse de la mer qui prête son nom à plus de 800 temples dans le pays. Les festivals qui se tiennent en son honneur accueillent chaque année des milliers d’adeptes. L’un des plus renommés est le pèlerinage de 300 kilomètres organisé par le temple Jenn Lann de Dajia, à Taichung. Lu Kun-yung soutient que le polythéisme inhérent au taoïsme se concilie très bien avec les croyances traditionnelles relatives au culte des ancêtres. « Le taoïsme et les religions populaires entretiennent une relation symbiotique », insiste-t-il.

Des centaines d’adeptes participent à un rituel annuel organisé pendant l’été par l’Association générale des écoles taoïstes de Taiwan afin de prier pour la prospérité et le bien-être dans la commune de Puxin du district de Changhua. (Photo : Pang Chia-shan / MOFA)

Ce lien étroit se vérifie à l’aune de la forte demande faite aux prêtres taoïstes de superviser les festivals et rituels populaires. A Taiwan, les prêtres sont généralement issus des écoles Zhengyi ou Lingbao, situées respectivement au nord et au sud du pays. Alors que les prêtres du nord sont formés à l’encadrement des célébrations festives, leurs homologues du sud proposent également de conduire les services funéraires, précise Chang Chao-jan, qui est également un éminent chercheur du centre pour les études taoïstes de l’Université catholique Fu Jen.
 
La prééminence des divers festivals et rituels à Taiwan n’est pas sans lien avec la prospérité économique, car le financement des temples dépend largement des commerces et entreprises locaux, ceux-ci ayant tendance à faire des dons plus généreux quand leurs affaires se portent bien. Deux périodes en particulier ont permis de développer les pratiques religieuses uniques du pays grâce à une croissance forte et soutenue : la première moitié du XXe siècle sous le régime colonial japonais (1895-1945) et les décennies du miracle économique des années 1960 et 1970. Cette dernière époque est également notable car elle coïncide avec la Révolution culturelle en Chine. En réponse à celle-ci, le gouvernement nationaliste installé à Taiwan lança le Mouvement de renaissance culturelle chinoise, assurant alors la promotion des principes taoïstes et confucianistes rejetés par le parti communiste chinois.

Des étudiants préparant les examens d’entrée à l’université prient aux côtés de leurs parents afin de recevoir une bénédiction du dieu des Lettres et des Examens au temple Wenchang de Taipei. (Photo : Chin Hung-hao / MOFA)

Une foi renouvelée

La Loi sur les associations est entrée en vigueur après la levée de la loi martiale en 1987. Elle est à l’origine de la création de nombreuses organisations non gouvernementales à Taiwan, comme l’Association générale des écoles taoïstes de Taiwan. Cette alliance a été constituée en 2007 pour créer des liens entre les temples taoïstes et les associations religieuses du pays, une tâche qu’elle a accomplie avec beaucoup de succès en présentant la religion à de nouvelles générations.
 
Chang Chao-jan évoque le succès au box-office de films taiwanais comme Sept jours au paradis [父後七日] (2010) et Din Tao : chef de la Parade [陣頭] (2012), avec des scénarios centrés sur un prêtre taoïste et une fête de temple. « Le travail fait par les organisations locales et les représentations de la culture populaire ont vraiment permis de propulser le taoïsme et les religions locales dans le monde moderne tout en évitant les clichés persistants qui peuvent encore exister », se félicite-t-il. Il est intéressant de remarquer que les enfants de prêtres taoïstes, autrefois réticents à l’idée de mentionner la profession de leurs parents, sont aujourd’hui nombreux à reprendre le flambeau, assure Chang Chao-jan.

Un temple de la ville portuaire de Keelung datant du XVIIe siècle vénère la déesse de la mer Mazu, l’une des divinités les plus populaires à Taiwan. (Photo : Pang Chia-shan / MOFA)

La vie moderne a également suscité une demande sans précédent pour des cérémonies taoïstes visant à favoriser la fertilité, la fortune, la paix et le bien-être. Par exemple, chaque année avant les examens d’entrée à l’université, des rituels sont organisés dans les temples locaux pour les jeunes candidats et leurs parents sollicitant des bénédictions de la part du dieu des Lettres et des Examens.
 
En parallèle du nombre grandissant de jeunes intéressés par le taoïsme, les formations des futurs prêtres sont, elles aussi, entrées dans la modernité, passant d’un système d’apprentissage sur plusieurs années à des salles de classe modernes et à de l’enseignement en ligne. Dans les programmes de licence de Chang Chao-jan à l’Université catholique Fu Jen, deux étudiants suivent des cours sur l’organisation des rituels taoïstes. Son département universitaire organise en outre des forums aux côtés de lieux de culte comme le temple Guangyuan de Keelung afin de constituer une plateforme de diffusion de l’expérience et du savoir taoïstes.
 
Alors que l’agence pour le Développement de la force de travail du ministère de l’Intérieur propose également des formations pertinentes, Lu Kun-yung constate avec satisfaction que l’avenir du taoïsme à Taiwan est assuré. Quelles que soient leurs pratiques religieuses, les taoïstes du pays sont unis dans leur désir de vivre dans une société harmonieuse et épanouie spirituellement, se félicite-t-il. « Le taoïsme et les religions populaires font partie des fondations sur lesquelles s’est construite Taiwan. Si vous voulez pénétrer le cœur des habitants de cette île, rendez-vous dans un temple local. »

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