Deux rives
Alors que Pékin se dit prêt à coopérer avec Ma Ying-jeou, la démocratie taiwanaise fait des envieux en Chine
16/01/2012
La réélection de Ma Ying-jeou [馬英九] à la présidence de la République a, semble-t-il, été accueillie avec soulagement à Pékin, où l’on souhaite intensifier la coopération économique avec l’île, voire engager des discussions politiques au cours des quatre prochaines années. Dans le même temps, les touristes, internautes et dissidents chinois ont exprimé à de multiples reprises ces derniers jours leur admiration pour la vitalité de la démocratie taiwanaise.
« Nous souhaitons tendre la main aux gens de tous milieux à Taiwan, sur la base d’une opposition continue à “l’indépendance de Taiwan” et d’une adhésion au “consensus de 1992”, a déclaré samedi soir Yang Yi [楊毅], le porte-parole du bureau des Affaires taiwanaises, à Pékin. Nous espérons créer de nouvelles opportunités pour développer la paix à travers le Détroit et travailler ensemble au renouvellement de la nation chinoise. »
Ce souhait affiché d’une coopération accrue pourrait conduire à une accentuation des pressions chinoises dans le but d’accélérer les discussions tant économiques que politiques, en particulier dans l’optique du départ en octobre de Hu Jintao [胡錦濤], a estimé Joseph Wu [吳釗燮], analyste politique à l’Université nationale Chengchi, à Taipei, et ancien ministre des Affaires continentales sous la présidence de Chen Shui-bian [陳水扁]. Une analyse nuancée par John Ciorciari, de l’Université du Michigan, aux Etats-Unis : « La Chine va faire pression sur Ma Ying-jeou pour davantage d’interactions mais elle essaiera de ne pas mettre ce dernier en difficulté sur la scène politique intérieure, de manière à ne pas provoquer une victoire du DPP à la prochaine élection présidentielle ».
L’élection taiwanaise a en tout cas été scrutée avec attention en Chine, où la nouvelle de la victoire de Ma Ying-jeou et le déroulement pacifique du scrutin ont été abondamment commentés sur les réseaux sociaux en ligne. Des touristes chinois ont aussi profité de leur présence dans l’île pour suivre les dernières heures de campagne à la télévision et observer samedi les files d’attente devant les bureaux de vote.
Présents à Taipei, des dissidents chinois réfugiés en Europe ou aux Etats-Unis ont également loué la maturité de la démocratie taiwanaise. Le processus électoral a atteint « un haut niveau » et la démocratie taiwanaise est « vraiment remarquable », a déclaré Zhang Jian [張健], un dissident chinois qui vit en France. Un sentiment partagé par des universitaires chinois qui participaient hier à un forum organisé par l’Université nationale de Taiwan. La campagne a évité les postures idéologiques et a porté en priorité sur les dossiers touchant à la vie quotidienne des Taiwanais, ont-ils noté, y voyant un signe de maturité.