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Le kaoliang, fortune de Kinmen

01/02/2008
Séchage des grains de kaoliang dans le village de Beishan, à Kinmen.
CHEN MEI-LING / TAIWAN JOURNAL

Le long des routes de campagne de l’île de Kinmen, on distingue de loin en loin des installations militaires cachées par de grands arbres. Le rideau de verdure s’ouvre de temps à autres sur de grands champs jaunes où s’élèvent quelques épouvantails. Loin des vastes étendues de rizières que l’on peut apercevoir dans le sud tropical de Taiwan, Kinmen a des allures de campagne française avec ses champs de kaoliang, une variété de sorgho.

« Le climat à Kinmen est sec, et le manque d’eau empêche la culture du riz. Le kaoliang a donc été préféré », explique Huang Chih-ching [黃志慶] qui travaille comme guide touristique. A la surprise d’un grand nombre, la culture du kaoliang, qui permet la fabrica tion d’alcool, est devenue l’une des principales ressources de l’économie locale. « Grâce à la production d’eau-de-vie, l’île est prospère, et l’entreprise Kinmen Kaoliang Liquor s’investit même dans les œuvres sociales », ajoute fièrement Huang Chih-ching.

Située au nord du tropique du Cancer, à quelques encâblures des côtes chinoises du Fujian, l’île de Kinmen jouit d’un climat doux pendant une grande partie de l’année, même si les vents du nord-est y apportent souvent de fortes pluies qui s’abattent inégalement sur l’archipel. Le sol, sableux et composé de latérite, n’y est pas assez fertile pour l’agriculture intensive. Seules les plantes résistantes comme le sorgho, le maïs, le blé ou encore l’orge, les arachides et les patates douces, poussent bien.

« Le sorgho est une céréale qui sert à la fabrication de nombreux aliments consommés dans le nord de la Chine », décrit Huang Chih-ching, faisant référence aux provinces au nord du fleuve Jaune comme le Shandong et le Hebei. « Mais les gens ici préfèrent le riz. Alors ils ont eu l’idée d’utiliser le kaoliang pour faire de l’alcool. » C’est ainsi que les longues tiges de la céréale sont utilisées pour la production de combustibles, tandis que ses grains sont fermentés pour produire de l’eau-de-vie. Malgré le coût élevé de la production sur place, dépassant 1,20 dollar américain par kg alors que le kaoliang importé de Chine ne coûte que 0,30 dollar le kg, de plus en plus d’agriculteurs se laissent tenter, encouragés par les autorités locales.

Les 20 000 t récoltées chaque année ont permis à Kinmen Kaoliang Liquor, une entreprise publique, de prospérer. Créée en 1956, la distillerie fonctionne 24 h sur 24, et les ouvriers s’y relaient en neuf équipes quotidiennes. Elle produit du kaoliang, mais aussi des liqueurs et des breuvages médicinaux vendus surtout à Taiwan. Tsai Wen-ting [蔡文婷], responsable des ventes, raconte comment d’autres entreprises, ailleurs, sont même allées jusqu’à débaucher le personnel de la société pour tenter de copier le kaoliang de Kinmen, mais toujours sans succès. « L’eau qui coule à Kinmen et que nous utilisons est granitique, ce qui est la garantie d’une distillation de qualité et donne un goût unique à notre eau-de-vie. »

Evidemment, une eau de qualité n’est pas le seul facteur dans la fabrication d’un bon alcool. Le chef de la production, Huang Tien-chai [黃添財], explique comment ce résultat unique est obtenu. Les grains décortiqués sont cuits à la vapeur. La pression et les émissions sont contrôlées pour mettre sous haute température le kaoliang pendant une quarantaine de minutes, puis le passer au feu doux pendant 20 mn. C’est ensuite la levure qui doit être ajoutée à une température minutieusement contrôlée, pour éviter que la chaleur ne la détruise. Le mélange ainsi obtenu est alors placé dans une cuve en inox, recouverte d’une bâche et laissé à fermenter.

Après 10 jours, on coiffe la cuve avec un distillateur, ce qui marque le démarrage du processus de distillation. « C’est une phase qui permet d’obtenir un alcool avec une concentration de 80 à 90°C », raconte Huang Tien-chai , œnomètre en main.

Mais un haut degré alcoolique n’est pas toujours synonyme de qualité. La liqueur à 85 °C est encore trop forte, il est donc nécessaire de la réduire à 58 °C en procédant à deux nouvelles étapes de fermentation et de distillation. La température ambiante est fixée à 21°C. Il s’agit d’une phase aussi importante que la première, confie Huang Tien-chai, car une fermentation trop rapide donnerait un goût trop prononcé au kaoliang.

C’est pour cette raison que l’eau-de-vie produite est d’une parfaite pureté avec une concentration d’alcool constante à 58°C. « La meilleure façon d’apprécier le kaoliang est de le garder en bouche quelques secondes avant de l’avaler », explique Huang Tien-chai. Il ajoute que l’eau-de-vie se bonifie en vieillissant.

Constituant un choix d’excellence pour les amateurs, les alcools de Kinmen de dix ans d’âge sont reconnaissables à leur bouteille en céramique. Pour Lin Chen-Chi [林振查], un ancien directeur de Kinmen Kaoliang Liquor, aujourd’hui vice-directeur de l’Office du tourisme de Kinmen, « si vous ne goûtez pas au kaoliang sur place, c’est comme si vous n’étiez pas venu ! »■

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