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Dix ans d’OMC

01/06/2012
Les campagnes ont connu un fort exode rural dans les années 70-80. Aujourd’hui, on assiste au retour d’agriculteurs plus jeunes qui revitalisent le secteur. Ici, des riziculteurs à Yilan.
Les oiseaux de mauvais augure n’avaient pas raison : l’entrée de Taiwan à l’OMC, le 1er janvier 2002, et son ouverture aux importations agricoles, n’ont pas signé la mort de l’agriculture insulaire, bien au contraire. La valeur de la production agricole a commencé à augmenter à peine deux ans plus tard, et en 2010, elle avait atteint 420 milliards de dollars taiwanais – 20% de plus qu’en 2001.

C’est que l’OMC a permis aux productions taiwanaises de trouver de nouveaux débouchés, même si la concurrence internationale est sans pitié. La clé du succès a été la poursuite de la modernisation du secteur agricole et le soutien aux productions de grande qualité. Les produits agricoles taiwanais sont maintenant vendus partout dans le monde, et en 2011, les exportations agricoles ont représenté 4,6 milliards de dollars, soit 53% de plus que dix ans auparavant.

Croissance soutenue

La comparaison entre la valeur de la production avant et après l’entrée à l’OMC est éclairante. Wu Chia-hsuan [吳佳勳], chercheuse au Centre OMC Taiwan de l’Institut de recherche économique Chung-Hua, rappelle qu’en 2002, le secteur agricole était en récession depuis huit ans, la valeur de sa production régressant de 0,88% par an en moyenne pour atteindre 350 milliards de dollars taiwanais en 2001. Par contraste, au cours des huit années suivantes, le secteur a enregistré une croissance de 2,16% par an en moyenne, pour une valeur de production de 400 milliards en 2009.

Même la riziculture a, contre toute attente, connu une légère amélioration avec une croissance de 0,77% par an en moyenne sur la période 2002-2009, alors qu’elle avait décliné de 2,55% par an entre 1994 et 2001.

Seuls les secteurs de la pêche et de la forêt ont été confrontés à des difficultés. Dans le cas de la pêche, c’est le résultat d’une baisse des prises des flottes taiwanaises opérant tant dans les eaux littorales de Taiwan qu’en haute mer du fait d’impératifs internationaux de conservation des ressources halieutiques. Quand à l’exploitation forestière, la tendance au déclin est ancienne, et elle ne représente plus aujourd’hui qu’un petit pourcentage de la valeur de production (à peine 0,15%) du secteur agricole de Taiwan.

L’élevage, en revanche, a fortement profité de l’entrée à l’OMC, et c’est cette partie-là du secteur agricole qui a dégagé la plus forte croissance.

Sur le plan des effectifs, on constate une assez forte baisse : en 2010, 550 000 personnes travaillaient dans l’agriculture, contre 706 000 en 2001. Moins de main-d’œuvre pour une valeur de production plus élevée, cela signifie une hausse de la productivité, remarque Wu Chia-hsun. De fait, celle-ci a augmenté au taux annuel cumulé, très rapide, de 6,13% durant la période 2002-2009.

Le fait que l’agriculture ait finalement peu souffert de l’ouverture et de la libéralisation semble être la preuve de l’efficacité des mesures d’accompagnement mises en place.

Un agriculteur dans son champ de laitues à Yunlin. La récolte est destinée au Japon.

Taxes et quotas

Avant de rejoindre l’OMC, Taiwan interdisait ou restreignait l’importation de 41 produits agricoles jugés sensibles comme le riz, la canne à sucre et les arachides, ce qui mettait l’île en porte-à-faux avec l’accord dégagé lors de l’Uruguay Round du GATT, le précurseur de l’OMC. Lorsque Taiwan est devenu membre de l’OMC, il a fallu ouvrir le marché intérieur à ces produits. Le nouveau système est basé sur des quotas : les taxes restent faibles tant que les importations ne dépassent pas ces quotas, puis augmentent au-delà.

Les produits agricoles qui restent taxés à l’importation sont le riz, les andouillers de cerf, les poires asiatiques, les bananes, les haricots azuki, les noix d’arec, les ananas, le lait, les mangues, l’ail, les cacahuètes et les noix de coco. Les versions locales de ces produits agricoles sont en effet beaucoup plus chères que les importations, et donc non compétitives. Sans ces taxes, c’est un grand nombre d’agriculteurs qui se retrouveraient ruinés par la concurrence étrangère.

En 2003, un an après l’entrée à l’OMC, l’interdiction qui pesait encore sur les importations de riz a été levée au profit d’un quota qui a été fixé à 144 720 t par an. Environ 65% de ce volume est importé par le gouvernement, le reste l’étant par le secteur privé. En-deçà du quota, le riz importé n’est pas taxé, mais une taxe de 15 à 25% s’applique aux produits fabriqués à partir de cette céréale. Une fois le quota atteint, une taxe de 45 dollars taiwanais par kilogramme est infligée pour la céréale, et de 49 dollars par kilo pour les produits manufacturés à base de riz.

Huang Mei-hua [黃美華], directrice adjointe de l’Agence de l’agriculture et de l’alimentation (AFA), explique que les entreprises achètent donc aux enchères 35% du quota. Le gouvernement fixe un prix plancher pour ce riz d’importation afin de minimiser les disparités entre productions locale et importée.

Les 65% importés par les pouvoirs publics sont soit acquis par l’AFA soit proposés au secteur privé par un système de ventes aux enchères. Le riz acheté par l’AFA est principalement destiné aux établissements pénitenciers ou à l’aide d’urgence en cas de catastrophes naturelles à Taiwan. Le riz vendu aux enchères entre ensuite sur le marché de la grande distribution.

L’AFA, explique Huang Mei-hua, fixe des objectifs de production rizicole chaque année afin de maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande. Cette année, les objectifs sont la mise en culture de 280 000 ha de rizières pour une production de 1,33 million de t. Actuellement, le riz taiwanais occupe 90% du marché intérieur.

Sur les cinq principaux produits agricoles exportés en 2010, trois étaient issus de la pêche ou de l’aquaculture. Ici, des bassins dédiés à l’élevage du mérou, à Pingtung.

Etre compétitif sur le plan international

Les exportations agricoles de Taiwan sont plus dynamiques qu’on l’espérait il y a quelques années. Des statistiques rassemblées par Wu Chia-hsuan montrent qu’elles ont progressé de 1,72 milliard de dollars taiwanais sur la période 2002-2009, alors qu’on s’attendait à une augmentation de 160 millions seulement.

Chang Su-san [張淑賢], qui a été membre de l’équipe en charge de l’agriculture pour l’OMC et qui est maintenant directrice des Affaires internationales au ministère de l’Agriculture, explique que la règle de la nation la plus favorisée observée par l’OMC s’est traduite pour la production taiwanaise par des taxes plus faibles à l’entrée sur certains marchés.

Les représentants de Taiwan à l’OMC ont obtenu des résultats remarquables. Les négociations bilatérales avec les Etats-Unis en matière de mesures sanitaires et phytosanitaires en sont un bon exemple. En 2004, ces négociations ont débouché pour Taiwan – et ce avant tout autre pays – sur une autorisation à exporter des orchidées papillons en pot avec leur médium de croissance vers les Etats-Unis. Les orchidées sont depuis devenues la plus profitable des exportations agricoles de Taiwan, ces fleurs ayant représenté une rente à l’export de 3 milliards de dollars en 2010, un montant en hausse de 372% par rapport à 2002.

La libéralisation du commerce a certainement aiguillonné le secteur agricole. La modernisation des techniques et des équipements, ainsi que la recherche de l’excellence et des efforts de construction de la notoriété des produits taiwanais ont rendu ceux-ci plus séduisants et compétitifs sur le marché international.

Mais, rappelle Chang Su-san, certains produits de qualité supérieure sont aussi beaucoup plus chers, ce qui les rend moins faciles à exporter, et il y a aussi la question de la sécurité alimentaire à prendre en compte. C’est en particulier le cas avec le riz. L’objectif premier de la production rizicole insulaire est de satisfaire la demande intérieure. Les exportations ne doivent donc être encouragées qu’une fois le marché intérieur alimenté. En conséquence, l’AFA a fixé un volume limite pour les exportations de cette céréale, ainsi qu’un prix minimum, et mis en place des mesures de contrôle de la qualité. Le quota d’exportation et le prix minimum sont revus en fonction des fluctuations sur le marché mondial. Pour la première moitié de l’année 2012, l’AFA a autorisé l’exportation de jusqu’à 30 000 t de riz.

Le remaniement ministériel de février dernier a porté Chen Bao-ji [陳保基] à la tête du ministère de l’Agriculture. Tout comme Chen Wu-hsiung [陳武雄] dont il a pris la succession, Chen Bao-ji a une grande expérience des négociations avec l’OMC. Chen Wu-hsiung était en charge du dossier de l’agriculture lors des discussions préalables à l’entrée de Taiwan à l’OMC. Son conseil à Chen Bao-ji lors de la passation des pouvoirs : « Ne laissez pas l’agriculture devenir un obstacle à la libéralisation des échanges de Taiwan avec le reste du monde ». Au contraire, pense-t-il, Taiwan doit négocier au mieux et le plus vite possible des accords bilatéraux de libre-échange avec ses partenaires commerciaux et son inclusion dans le Partenariat trans-Pacifique afin d’assurer la compétitivité des productions agricoles taiwanaises.

Une fois ouverte, la porte de la libéralisation est très difficile à refermer. Dix ans après l’entrée de Taiwan à l’OMC, les véritables défis ne font finalement qu’apparaître pour l’agriculture taiwanaise.

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