Taiwan Today

L’ancien ministre français de la Culture Jack Lang a conclu sa visite d’une semaine à Taiwan hier par une rencontre avec le président de la République, Ma Ying-jeou [馬英九]. La veille, devant un public nombreux et captivé, il avait participé à une « conversation publique » avec Lung Ying-tai [龍應台], la ministre de la Culture. Jack Lang a été reçu dimanche après-midi à la présidence de la République en compagnie de Lung Ying-tai, ainsi que du directeur du Bureau français à Taipei, Olivier Richard, et de son conseiller d’action et de coopération culturelle, Christophe Gigaudaut. Après avoir souligné les contributions de son visiteur au rayonnement culturel de la France, le chef de l’Etat a rappelé que les échanges culturels avec la France sont très nourris et souhaité qu’ils s’approfondissent encore. Samedi, c’est à la grande librairie Eslite du quartier Xinyi, devant une salle comble, que Jack Lang a dialogué avec son hôte Lung Ying-tai. Celle-ci a d’abord expliqué qu’elle avait tenté de recevoir Jack Lang il y a une dizaine d’années déjà, alors qu’elle était en charge de la Culture à la mairie de Taipei, car elle avait beaucoup d’admiration pour son action en tant que ministre de la Culture, mais que, pris par ses fonctions politiques, il n’avait pu se libérer. Saluant la détermination de Lung Ying-tai, Jack Lang a parlé de son expérience aux côtés de François Mitterrand, de la vision de celui-ci et des batailles menées pour la mettre en œuvre, comme avec le Grand Louvre et sa pyramide – un projet qui fut d’abord été violemment décrié dans la presse et dans l’opposition. Alors que le parlement taiwanais s’apprête à voter, dans les jours qui viennent, le budget de l’Etat, et que Lung Ying-tai craint de ne pas voir accorder à la culture les moyens qu’elle estime nécessaires à son action, Jack Lang a jugé qu’elle « entreprend une mission courageuse et ambitieuse. La culture est une chose fragile et aujourd’hui peut-être menacée par le monde virtuel, la commercialisation à outrance. Il est vital que la créativité taiwanaise soit mieux protégée. » Sur la question des priorités de l’action culturelle, Jack Lang s’est dit d’avis qu’il ne fallait pas « déshabiller Paul pour habiller Pierre », et qu’un budget de la Culture étoffé permettait de mieux distribuer les ressources entre les villes et les campagnes. « Un investissement dans la culture, a-t-il redit, c’est un investissement économique. » Quant au projet d’expansion du Musée national du palais, il a estimé qu’il ne fallait absolument pas hésiter car ce serait une source de rayonnement international pour Taiwan. Sur le thème de la protection des droits de propriété intellectuelle à l’époque d’Internet, Jack Lang a cité l’exemple de la Corée du Sud, qui a adopté une législation très régulatrice et protectrice ». « Il me paraît indispensable, a-t-il dit, qu’une législation établisse les droits des artistes comme des internautes. » Lung Ying-tai a rappelé les forces de Taiwan dans les secteurs du cinéma, de la télévision et de la musique. « La musique pop taiwanaise en particulier a beaucoup de succès en Chine où 70% des tubes viennent de Taiwan, mais nous avons là-bas d’importants problèmes de protection des droits d’auteur. » Interrogé par Jack Lang sur la nature des relations entre Taiwan et la Chine aujourd’hui, Lung Ying-tai a d’abord fait remarquer, en leur faisant lever la main, qu’il y avait une vingtaine d’étudiants et de journalistes chinois dans la salle – le signe que Taiwan est une société libre et ouverte. « Le plus important, c’est qu’il n’y ait plus de guerre entre les deux rives. Il faut préserver la paix. Nous abaissons les barrières petit à petit, mais il y a encore beaucoup de restrictions en Chine même pour les artistes taiwanais. » En guise de conclusion, Jack Lang a exprimé son émerveillement pour « l’extraordinaire gentillesse des gens, leur hospitalité, l’ouverture des regards. » Appelant les Taiwanais à ne pas se sous-estimer, il les a exhortés de rester eux-mêmes. « Il a une magie Taiwan ! Ce n’est pas une invention de journaliste. »