27/12/2024

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Culture

Balzac, fil rouge d’une exposition entre Taiwan et la France

07/06/2013
De l’avis même du conservateur de la Maison de Balzac à Paris, Yves Gagneux, on n’avait jamais vu cela. L’exposition « Balzac vu d’ailleurs, un regard taiwanais sur la Comédie humaine », abritée durant trois mois dans le petit musée de la rue Raynouard, dans le 16e arrondissement, a attiré 11 634 visiteurs, « ce qui est le meilleur résultat jamais atteint par le musée pour une exposition sans campagne d’affichage ni catalogue ». « Cette opération me paraît en tout point exemplaire d’un échange culturel réussi, car parfaitement réciproque », poursuit Yves Gagneux en rappelant la genèse de cette exposition, composée d’œuvres de jeunes artistes taiwanais. « L’initiative en revient à Cheng Pang-chen [鄭邦鎮], alors directeur du Musée national de littérature de Taiwan, à Tainan. Il souhaitait présenter la littérature française, comme il l’avait fait pour la littérature russe en accueillant une exposition conçue par un collègue. J’ai accepté l’idée de faire une exposition mais ai refusé catégoriquement de la livrer “clef en main”, faisant valoir que, si je connaissais bien le sujet, j’ignorais tout du public et qu’une exposition ne peut se concevoir que comme un équilibre entre un projet et son public. M. Cheng a donc accepté ce principe de collaboration, je crois d’ailleurs que c’était la première fois à Taiwan qu’un musée s’engageait dans la production d’une exposition internationale. […] Le résultat a été tellement impressionnant qu’il m’est apparu que la lecture de Balzac faite par les Taiwanais devait absolument être connue en France. » C’est une cinquantaine d’œuvres d’étudiants taiwanais en art qui ont été sélectionnées par leur université d’abord, puis par les deux commissaires de l’exposition, Yves Gagneux et Frédéric Siard, professeur de création industrielle à l'Ecole nationale supérieure des arts appliqués et chargé de cours en anthropologie de l'art à l'Université Paris-Sorbonne. Malheureusement, par manque de place, treize œuvres seulement ont finalement été présentées à la Maison de Balzac. Le principal intérêt de cette exposition est, pour Yves Gagneux, qu’elle montre aux Parisiens une image de Balzac complètement différente de celle véhiculée par l’enseignement. « Pas une de ces œuvres n’évoque la France du19e s. : toutes expriment au contraire les préoccupations de la jeunesse taiwanaise. L’ensemble démontre que Balzac facilite admirablement la compréhension des questions sociales et humaines du 21e s. : c’est vraiment l’universalité de l’écrivain qui est ainsi mise en avant grâce au travail des étudiants taiwanais. Faire comprendre à nos visiteurs parisiens que ce qui est intéressant chez l’auteur de La Comédie humaine est davantage l’outil d’analyse sociale qu’il a forgé, que la société qu’il a observée avec cet outil, représente une avancée majeure. » La suite logique, pour le directeur de la Maison de Balzac, serait que l’exposition continue de tourner et d’interroger les visiteurs sur leur lecture de l’œuvre de l’écrivain français. « J’ai suggéré que l’exposition soit présentée en Ukraine, le pays dont est originaire Mme Hanska, le grand amour de Balzac. Elle devrait expliquer mieux que tous les discours aux étudiants en art, comme à leur professeur, comment la création artistique peut mettre en lumière les qualités les plus intimes d’une œuvre littéraire, et devrait susciter des créations qui pourront nourrir un centre dédié à Balzac, à Berditchev, la ville où Balzac a épousé Mme Hanska. Des discussions sont en cours pour permettre cet échange. » Suivant le fil rouge de cette collaboration transfrontières et transcultures exemplaire, Yves Gagneux souhaite aussi que l’exposition rentre à Taiwan augmentée d’œuvres d’artistes ukrainiens ou d’artistes français confirmés comme Louise Bourgeois, qui a été très marquée par le personnage d’Eugénie Grandet, ou Pierre Alechinsky, auquel le Traité des excitants modernes, une œuvre de Balzac datant de 1839, inspira, 150 ans plus tard, un corpus de linogravures et d’eaux-fortes.

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