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Tsai Ing-wen, dirigeante progressiste

08/08/2016
La nouvelle présidente, Tsai Ing-wen (au centre), pose avec des lycéens lors d’un forum organisé le 16 avril à l’Université nationale normale de Taiwan, à Taipei.
Le soir du 16 janvier 2016, une fois connus les résultats des élections présidentielle et législatives, la présidente du Parti démocrate-progressiste (DPP), Tsai Ing-wen [蔡英文], a fait son apparition devant le siège de son parti, à Taipei, entourée de ses alliés et des responsables de sa campagne. « Aujourd’hui, les Taiwanais se sont servis de leurs bulletins de vote pour écrire l’Histoire », a-t-elle lancé à la foule électrisée de ses partisans.

Tsai Ing-wen s’est présentée à ce scrutin présidentiel avec un vaste programme de réformes politiques, économiques et sociales. Avec 56% des voix, elle a reçu des électeurs un mandat clair pour réorganiser l’Etat et renouveler les politiques publiques. Devenue le 20 mai la première femme à diriger la République de Chine (Taiwan), Tsai Ing-wen dispose désormais d’importants leviers pour placer le pays sur de nouveaux rails. Elle fait toutefois face à des défis considérables : la relance d’une économie chancelante, la réduction des inégalités de revenus, le renforcement du filet de sécurité sociale, la gestion des relations avec l’autre rive du détroit de Taiwan ou encore la construction d’une société plus solidaire et plus unie. Au sein de la population, l’heure est à l’optimisme. Tsai Ing-wen bénéficie en effet d’une image de bonne gestionnaire, de négociatrice de talent et de dirigeante ayant le sens du consensus.

De l’université à la politique
Ancienne professeur de droit, Tsai Ing-wen a un jour décrit sa carrière politique comme « un accident de la vie ». Née en 1956 à Taipei, elle est la plus jeune d’une famille de onze enfants. A la différence d’autres dirigeantes en Asie, elle n’est pas l’héritière d’une dynastie politique.

Elle qui compte parmi ses aïeux des Hakka et des aborigènes a depuis longtemps apporté son soutien à la promotion de la diversité des langues et des cultures à Taiwan. C’est à l’influence de son père, fondateur d’une entreprise de transport et d’entretien de véhicules, qu’elle attribue son zèle, sa flexibilité, son professionnalisme et sa ténacité.

La première partie de sa vie s’est déroulée pour l’essentiel dans le monde académique. Diplômée de la faculté de droit de l’Université nationale de Taiwan, elle a ensuite obtenu une maîtrise de droit à l’Université Cornell, aux Etats-Unis, puis un doctorat de droit à la London School of Economics and Political Science, au Royaume-Uni. Parallèlement à un parcours de professeur d’université, elle a occupé diverses fonctions publiques, dans le cadre desquelles elle a accumulé une importante expérience politique. C’est en 1986 que son expertise en matière de commerce international l’a propulsée dans la haute fonction publique, et elle a plus tard joué un rôle central lors des négociations visant l’entrée de Taiwan à l’Organisation mondiale du commerce.

En 2000, au début du premier mandat du président Chen Shui-bian [陳水扁], elle est nommée ministre des Affaires continentales. Malgré le refroidissement des liens entre les deux rives à cette époque, elle supervise d’importantes avancées, dont l’établissement des trois « mini-liaisons » – des liaisons postales, commerciales et de transport entre la Chine continentale et les archipels de Kinmen et de Matsu, situés au large des côtes chinoises mais sous souveraineté taiwanaise –, ainsi que l’adoption de réglementations légalisant les investissements taiwanais en Chine continentale.

Longtemps restée indépendante de tout parti politique, Tsai Ing-wen rejoint le DPP en 2004. Elle conseille le président sur les politiques nationales de 2004 à 2005, avant de faire son entrée au Yuan législatif – fin 2004, elle est élue sur la liste nationale présentée par le DPP. En janvier 2006, elle est nommée vice-Première ministre, un poste qu’elle occupe jusqu’en mai 2007. Tsai Ing-wen s’attache alors à soutenir les industries innovantes, en particulier le secteur des biotechnologies. Travaillant avec l’Academia Sinica, l’organisme de recherche le plus prestigieux à Taiwan, et l’Institut pour les biotechnologies et le secteur médical, elle participe en 2007 à l’élaboration du projet de loi pour le développement du secteur des biotechnologies et des nouveaux médicaments pharmaceutiques. Cette loi a contribué de manière décisive à la croissance de ce secteur à Taiwan.

Dans le même esprit, la politique économique que Tsai Ing-wen se propose aujourd’hui de mettre en place vise à renforcer la compétitivité du pays en passant d’une économie ciblée sur l’efficience à une économie portée par l’innovation.

La route vers la Présidence
Quand le DPP repasse dans l’opposition en 2008, Tsai Ing-wen est élue à sa tête. Jusqu’alors, si ses talents de technocrate étaient reconnus, peu voyaient en elle une responsable politique charismatique.

Devenue présidente du DPP, Tsai Ing-wen étoffe peu à peu son message politique et développe ses talents d’oratrice. A mesure que sa popularité augmente, elle se montre de plus en plus à l’aise pour prendre la parole en public. S’exprimant avec douceur, elle affiche une simplicité qui contribue pour beaucoup à son charisme. Connue pour aimer les animaux, elle est souvent photographiée avec ses deux chats, Cookie et Ah Tsai, lesquels sont devenus des célébrités à part entière.

Sous la direction de Tsai Ing-wen, le DPP renoue avec les victoires électorales, d’abord à l’occasion d’élections partielles puis lors des élections législatives de 2012, où il conquiert 40 sièges au Parlement. Quatre ans plus tard, c’est une majorité absolue, avec 68 sièges sur 113, que le parti parviendra à décrocher, une première dans l’histoire électorale de Taiwan.

Battue par Ma Ying-jeou [馬英九] lors de l’élection présidentielle de 2012, Tsai Ing-wen démissionne de la présidence du DPP, avant de reprendre les rênes du parti en mai 2014. Faisant campagne pour les candidats du DPP aux scrutins locaux de novembre 2014, « La petite Ing », comme la surnomme ses partisans, s’efforce d’unir des électeurs désabusés par la politique alors menée par le gouvernement. Lors d’un meeting à Taichung à la veille du scrutin, elle lance un appel vibrant à la « majorité silencieuse ».

Le DPP sort largement victorieux de cette échéance, 13 villes ou districts tombant dans son escarcelle sur les 22 que compte le pays. Ces succès révèlent des changements majeurs dans le paysage politique taiwanais et constituent une étape essentielle dans la conquête du pouvoir par Tsai Ing-wen.

L’agenda des réformes
Ayant désormais gagné la confiance des Taiwanais, la nouvelle présidente est attendue au tournant. La modernisation de l’économie sera sans conteste l’un des dossiers majeurs de son mandat. Elle entend ainsi, entre autres mesures, encourager la diversification des exportations, assurer l’entrée de Taiwan au sein du Partenariat transpacifique – une vaste zone de libre-échange menée par les Etats-Unis –, et promouvoir cinq secteurs industriels prioritaires : les biotechnologies, la défense nationale, les objets connectés, les énergies vertes et les machines et instruments de précision.

La faible croissance économique des dernières années a touché de plein fouet les jeunes générations et Tsai Ing-wen compte mettre en œuvre des politiques d’aide aux jeunes ménages, qu’il s’agisse de l’accès au logement ou de l’aide à la prise en charge des enfants et des personnes âgées dépendantes. Ces réformes supposeront des investissements importants dans la construction de logements à loyers modérés et dans certains services publics.

Sur le plan institutionnel, Tsai Ing-wen s’est engagée à mettre sur pied des mécanismes de justice transitionnelle et à établir une commission « Vérité et réconciliation » dépendant directement de la Présidence de la République et chargée de faire toute la lumière sur la période pendant laquelle Taiwan était sous un régime de parti unique. Les résultats de ces travaux seront utilisés pour enrichir les programmes scolaires et aider les jeunes générations à mieux comprendre l’histoire de Taiwan.

Vis-à-vis des populations autochtones de Taiwan, la nouvelle présidente prévoit d’initier des programmes d’aide à la création d’entreprises, d’améliorer les services de prise en charge de la dépendance et d’encourager la renaissance des langues et cultures traditionnelles. Ces mesures devraient permettre de préparer l’entrée en vigueur de l’autonomie dans les régions aborigènes. Tsai Ing-wen a également promis de présenter au nom de l’Etat des excuses pour l’oppression et l’exploitation dont on souffert les populations aborigènes.

D’une manière plus générale, la nouvelle présidente souhaite encourager une communication plus libre et plus directe entre les citoyens et l’Etat, le gouvernement se devant d’être plus réactif et transparent. Elle a notamment proposé l’organisation d’une conférence nationale sur l’avenir du système de pensions de retraite. Elle entend en outre réduire les antagonismes qui ont divisé le pays ces dernières années et espère rendre la vie politique moins conflictuelle en consultant de manière régulière les partis d’opposition. Dans son discours de victoire du 16 janvier, elle a souligné son engagement en faveur de l’unité nationale. « Nous ne nous laisserons pas diviser par une élection, a-t-elle déclaré. A l’inverse, notre démocratie contribuera à renforcer notre unité. »

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