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Une nouvelle voie pour le Parlement

08/08/2016
Les nouveaux députés ont pris leurs fonctions le 1er février.
Le 16 janvier 2016, les élections nationales ont transformé le paysage politique taiwanais. La présidente du Parti démocrate-progressiste (DPP), Tsai Ing-wen [蔡英文], a remporté le scrutin présidentiel, alors que son parti obtenait pour la première fois la majorité des sièges au Parlement, composé à Taiwan d’une chambre unique. Le DPP détient 68 des 113 sièges de la neuvième législature, soit une majorité large alors que le premier parti d’opposition, le Kuomintang (KMT), ne détient plus que 35 sièges contre 64 dans l’assemblée précédente.

Le 1er février 2016, la nouvelle législature a élu son président. Le candidat du DPP, assuré de la victoire, était Su Jia-chyuan [蘇嘉全], élu avec toutes les voix de son groupe parlementaire et avec celles de six autres députés contre le candidat du KMT, Lai Shyh-bao [賴士葆]. C’est Tsai Chi-chang [蔡其昌], du DPP également, qui a pris la vice-présidence du Parlement.

Même s’il formait le groupe parlementaire le plus nombreux entre 2002 et 2008, soit au cours des cinquième et sixième législatures, le DPP n’avait jamais jusqu’ici obtenu la majorité absolue des sièges. A l’époque, le Parlement était resté sous le contrôle de la coalition pan-bleue formée par le KMT, le Parti pour le peuple et le Nouveau Parti, alors que la coalition pan-verte, composée du DPP et de plus petits partis comme l’Union de solidarité de Taiwan, était dans l’opposition. Avec l’investiture le 20 mai de la nouvelle présidente Tsai Ing-wen, le DPP dirige donc à la fois la branche exécutive et la branche législative.

Le parti a fait de la réforme du Parlement un axe important de sa campagne, avançant que celui-ci devait devenir plus représentatif et que son président devait rester neutre. Après leur élection, en signe d’impartialité, Su Jia-chyuan et Tsai Chi-chang ont annoncé leur démission des instances du DPP. Le nouveau président du Parlement a également fait part à maintes reprises de sa détermination à renforcer la transparence des travaux parlementaires et le professionnalisme du Yuan législatif. « Pour mettre fin au cercle vicieux des querelles entre groupes politiques au Parlement, nous devons commencer par assurer l’impartialité de son président, a-t-il déclaré. S’il veut répondre aux attentes des citoyens, un parlement doit adopter une attitude d’ouverture et gagner la confiance du public. »

Ouverture
Elu depuis plusieurs mandats, Lai Shyh-bao du KMT estime que le Parlement est déjà largement transparent et rappelle que les réunions de chacune des huit commissions parlementaires sont diffusées en ligne depuis février 2009. « Ce sont les négociations entre groupes parlementaires qui restent cachées de la vue du public. » Chang Hung-lin [張宏林], directeur exécutif de l’association Citizen Congress Watch (CCW), reconnaît lui aussi que le Parlement taiwanais fait preuve d’un haut niveau de transparence en comparaison avec d’autres pays. Toutefois, il souligne que la pratique de négociations à huis clos entre groupes parlementaires entraîne les députés à arracher des compromis qui ne servent pas au mieux l’intérêt général.

Promulguée en 1999, la Loi régissant l’exercice des droits du Yuan législatif dispose que les réunions entre représentants des groupes parlementaires doivent faire l’objet d’enregistrements audio et vidéo ensuite mis à disposition du public. Mais jusqu’à l’actuelle session parlementaire, l’habitude consistait à publier un simple communiqué écrit résumant les conclusions des réunions. En réponse à la demande de Su Jia-chyuan, les enregistrements de ces réunions sont désormais rendus publics.

Les négociations entre groupes parlementaires sont une pratique courante partout dans le monde. A Taiwan, elles ont un caractère officiel puisqu’elles sont expressément mentionnées dans la loi organisant les travaux du Parlement. « Leur contenu doit donc être rendu public », appuie Chang Hung-lin. Le directeur exécutif de CCW pense que soumettre ces discussions à la vigilance du public permettra d’améliorer la qualité du travail législatif. « Les gens attendent des députés qu’ils approfondissent et débattent suffisamment les problèmes importants et que les lois adoptées soient solides mais, traditionnellement à Taiwan, de nombreux parlementaires préféraient consacrer leur temps à des activités dans leur circonscription parce qu’ils savaient pouvoir parvenir à des compromis lors des séances de négociation entre groupes, à l’abri des regards. »

Le président du Parlement a rencontré en février 2016 des représentants de CCW et apporté son soutien à une autre mesure destinée à renforcer la transparence : ouvrir les commissions parlementaires au public. A l’heure actuelle, cela est interdit par l’article 61 de la Loi régissant l’exercice des droits du Yuan législatif. Dans la majorité comme dans l’opposition, on est généralement plutôt favorable à cette mesure mais il convient, estime Lai Shyh-bao, d’établir tout d’abord des règles claires. Il faut éviter, poursuit l’élu, que des membres du public perturbent les débats, voire se montrent agressifs envers les députés. Chaque année compte deux sessions parlementaires, d’une durée de quatre mois chacune.

La session inaugurale de la neuvième législature a débuté le 19 février 2016. Su Jia-chyuan espère pouvoir faire adopter les nouvelles règles assurant une transparence accrue des débats et garantissant leur bonne tenue, avant le début de la prochaine session au mois de septembre.

Calendrier parlementaire
La nouvelle majorité envisage d’aller plus loin. Elle souhaite que les débats parlementaires, déjà diffusés en ligne, puissent être télévisés. « Il nous faut encore aplanir des difficultés réglementaires et budgétaires à ce sujet », a indiqué Su Jia-chyuan en février aux représentants de CCW.

Une autre idée avancée ces derniers mois consiste à déménager le siège du Parlement vers une ville du centre ou du sud de Taiwan, peut-être Taichung. Su Jia-chyuan et Tsai Chi-chang appuient tous deux l’idée d’une relocalisation du Yuan législatif à Taichung à des fins de rééquilibrage du territoire.

Des appels ont aussi été lancés pour doter le Parlement de prérogatives d’enquête plus importantes. A l’heure actuelle, dans le cadre des auditions qu’ils organisent, les députés peuvent exiger la présence des membres du gouvernement, des hauts fonctionnaires et plus généralement des agents de la fonction publique. L’administration est en outre tenue de fournir aux parlementaires les données qu’ils demandent. Toutefois, certains députés et observateurs aimeraient voir ces pouvoirs étendus de manière à ce que le Parlement puisse également convoquer des citoyens et des organisations privées qui ne sont entendus pour l’heure que sur une base volontaire.

Chang Hung-lin et son CCW soutiennent cette revendication. « Le Parlement devrait être parfaitement informé avant de prendre une décision », justifie-t-il. Si certains y voient un risque pour le respect de la vie privée, Chang Hung-lin estime qu’à partir du moment où le Parlement sera devenu plus transparent, les citoyens ne verront pas d’inconvénient à doter les députés de plus grands pouvoirs d’investigation.

La réforme de l’institution parlementaire est loin d’être la seule à l’ordre du jour de la nouvelle législature. Le DPP et le KMT ont chacun sélectionné 30 textes prioritaires qui seront soumis au débat lors de cette session. Parmi ceux-ci, beaucoup concernent des dossiers ayant l’attention du public, qu’il s’agisse de la sécurité sanitaire des aliments, de la prise en charge de la dépendance ou de la prévention de l’impact des catastrophes naturelles. Ce dernier domaine a été particulièrement discuté après le séisme qui a frappé Tainan, dans le sud de Taiwan, le 6 février dernier et provoqué la mort de 117 personnes.

Le DPP compte également examiner en priorité des propositions de loi sur les biens des partis politiques et sur la supervision des accords négociés et signés avec l’autre rive du détroit de Taiwan. « Avec sa majorité parlementaire, le DPP devrait avoir les coudées franches, dit Chang Hung-lin. Il s’agit pour lui d’une opportunité inédite mais également d’une très grande responsabilité. »

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