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Entre terre et verre, la céramiste Christine Fabre expose à Taipei

08/08/2016
Envol, de Christine Fabre, ensemble de trois pièces en terre, en verre et en bronze.
PHOTO AIMABLEMENT FOURNIE PAR LA GALERIE LIULI GONGFANG, TOUS DROITS RÉSERVÉS

Au cœur du parc culturel de Songshan, à Taipei, l’ancienne bâtisse japonaise qui abrite depuis 2011 la galerie Liuli Gongfang de Songshan n’est pas immense mais son haut plafond et ses poutres apparentes forment un écrin particulièrement bien adapté aux grandes pièces de la céramiste française Christine Fabre. Taipei constitue la deuxième étape asiatique pour l’artiste, après une première exposition en Chine accueillie par la galerie-musée Liuli Gongfang de Shanghai.

Liuli Gongfang a été fondé en 1987 à Tamsui, au nord de Taipei, par deux amateurs, une histoire aujourd’hui bien connue à Taiwan. Chang Yi [張毅] était à l’époque un réalisateur réputé qui travaillait pour la Central Motion Picture Corporation, et Loretta Yang [楊惠姍] une actrice en vogue. Sur un coup de tête, ils décidèrent de quitter le monde du cinéma pour se lancer dans un domaine qui leur était totalement étranger : le travail du verre. Il leur fallut trois ans pour maîtriser la technique de la cire perdue qui a depuis fait leur succès. Le nom de leur marque vient de liuli [琉璃], un terme désignant en chinois une pierre semi-précieuse ou un type de verre au plomb et au baryum qui était produit dans la Chine antique, et de gongfang [工房] qui signifie « atelier ».

Au milieu des années 1990, c’est à Shanghai que Chang Yi et Loretta Yang trouve le point d’appui pour exposer leur travail et développer leur marque d’objets décoratifs en pâte de verre. En 2011, ils reprennent pied à Taiwan en ouvrant au sein du Parc culturel de Songshan, à Taipei, une galerie rapidement doublée d’un café et d’un espace de démonstration.

Christine Fabre (3e à g.), entourée (de g. à d.) de Laura Capazza-Durand, Loretta Yang et Chang Yi.
PHOTO AIMABLEMENT FOURNIE PAR LA GALERIE LIULI GONGFANG, TOUS DROITS RÉSERVÉS

« Pour ma première exposition en Asie, l’an dernier à Shanghai, deux mains se sont tendues vers moi, raconte Christine Fabre. Celle de Chang Yi, qui a exprimé ce qu’il aimait dans mon travail de la terre, et celle de Loretta Yang, qui a pris la mienne et ne l’a plus lâchée pendant tout mon séjour. Cette aventure continue ici à Taipei grâce à eux et grâce à la galerie Capazza qui me soutient depuis près de 30 ans. »

Une émotion pour étincelle

C’est à la lecture du catalogue de la galerie Capazza, qui présentait quelque 80 artistes principalement français et européens, que Loretta Yang et Chang Yi ont immédiatement été séduits par le travail de Christine Fabre, explique Laura Capazza-Durand, aujourd’hui à la tête de la galerie fondée par ses parents à Nançay, dans le Cher, et qui a assuré la préparation logistique de l’exposition (pour de sombre histoires de douanes, les pièces exposées à Shanghai ont dû être réexpédiées en France avant de prendre le chemin de Taipei). A Nançay, Loretta Yang et Chang Yi ont découvert un lieu d’exception voué à l’art contemporain et entretenant avec les artistes exposés une relation unique, faite d’engagement sur le long terme et de confiance.

« La volonté de la galerie Capazza était de créer une famille d’artistes, relève Laura Capazza-Durand. Entre nous, il n’y a pas de contrat, seulement la parole donnée et le désir d’une même aventure humaine. Nous accordons de plus un soin particulier à l’accrochage. »

Chang Yi rapproche volontiers cet esprit de celui qu’il cherche à impulser à Taiwan et en Chine avec Loretta Yang. « Depuis sa création, dit-il, Liuli Gongfang a pour mission de remettre en valeur le travail du verre, et nous prêtons attention depuis 15 ans aux autres artistes verriers. Notre visite à la galerie Capazza, il y a quelques années, a renforcé notre confiance dans cette démarche. » Les deux artistes taiwanais sont d’ailleurs exposés à Nançay aux côtés d’artistes verriers français et européens réputés comme Antoine Leperlier.

Vers la lumière

C’est la première fois que la galerie Liuli Gongfang expose les œuvres d’une céramiste et non d’un verrier, confie Chang Yi. Mais le verre n’est toutefois pas un matériau étranger à Christine Fabre. L’artiste française crée principalement d’imposants contenants en terre « qui peuvent contenir des joies comme des peines ». « Une fonderie d’art se trouve à côté de mon atelier et j’avais déjà traduit en bronze certaines de mes pièces en terre, dit-elle. Le regard s’arrête sur la paroi de la terre. Je trouvais intéressant de glisser ce regard à travers la pâte de verre. »

Christine Fabre au travail dans son atelier.
PHOTO AIMABLEMENT FOURNIE PAR LA GALERIE LIULI GONGFANG, TOUS DROITS RÉSERVÉS

Comme pour le bronze, le travail de la pâte de verre suppose un moulage et il convient en outre de maîtriser la viscosité du verre lors de la cuisson. Fréquenter les autres artistes de la galerie Capazza a sans doute aidé Christine Fabre à évoluer vers ce nouveau matériau. « On s’enrichit les uns les autres, confie-t-elle. On communie autour de la technique mais aussi dans l’esprit, et on exerce entre nous une critique bienveillante. »

L’une des particularités de Christine Fabre est de créer des contenants de grande taille, et d’effectuer, seule dans son atelier, tous les gestes qui produiront l’œuvre. Chaque pièce est bien sûr unique et résulte d’une confrontation à la matière, d’une cuisson, et d’une rencontre physique entre l’artiste et son œuvre. « Sans émotion, dit-elle, je serais desséchée. L’artiste est toujours sensible. Le processus de création est de montrer les sentiments d’un artiste pendant le travail de l’objet, de montrer cette sensibilité. Par l’œuvre, on peut aider les autres à exprimer ce qu’ils n’ont pas de mots pour dire. »

Exposition « From Visible to Invisible » (Du visible à l’invisible), jusqu’au 31 octobre à la galerie Liuli Gongfang de Songshan, à Taipei.

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