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Une vision durable du développement

30/12/2016
La présidente Tsai Ing-wen [蔡英文] en a fait l’un des axes majeurs de sa politique énergétique : Taiwan renoncera progressivement à l’énergie nucléaire. Pour atteindre cet objectif, le nouveau gouvernement compte faire passer la part de l’électricité produite grâce à des sources renouvelables d’environ 4% aujourd’hui à 20% d’ici 2025. Tout en favorisant le développement économique, le ministère de l’Economie est donc chargé d’honorer cette promesse. Une tâche qui ne peut être menée à bien qu’en repensant de fond en comble la manière dont le pays produit, stocke, achemine et utilise l’électricité.
 
« Nous devons restructurer notre secteur énergétique de manière à éloigner Taiwan des dangers de la production nucléaire, à gérer la question du stockage des déchets radioactifs, et à réduire notre dépendance aux sources d’énergie importées, déclarait Tsai Ing-wen en septembre 2015, pendant la campagne présidentielle, faisant des énergies vertes l’un des cinq secteurs industriels à développer en priorité. Les énergies vertes sont le futur et renferment un potentiel commercial énorme. »

 
Des éoliennes dans l’arrondissement côtier de Wanli, à New Taipei. (photo : Huang Chung-hsin / Taiwan Review)
Tournant durable
A l’heure actuelle, les trois centrales nucléaires en activité – la construction d’une quatrième a été interrompue en 2014 – fournissent environ 15% de l’électricité du pays. Les centrales au charbon, au gaz, au fuel et aux autres carburants fossiles produisent l’essentiel de l’électricité, soit environ 80% du total, la part restante correspondant presque entièrement à des sources renouvelables comme le solaire, l’éolien et l’hydroélectrique.
 
Selon les statistiques du ministère de l’Economie, à la fin du mois d’avril 2016, les capacités installées de production d’énergie renouvelable étaient à Taiwan de 4,4 gigawatts (GW), loin des quelque 20 GW correspondant à l’objectif gouvernemental pour 2025. Cette cible est ambitieuse mais peut être atteinte, affirme Yang Jing-tang [楊鏡堂], professeur de génie mécanique à l’Université nationale de Taiwan, à Taipei, et directeur exécutif du Bureau de l’énergie et de la réduction des émissions de carbone (ECRO) créé en juillet 2016 au sein du Yuan exécutif. Le bureau fonctionne avec du personnel mis à disposition par les ministères de l’Economie, des Sciences et Technologies, et de la Protection de l’environnement. Il coordonne les efforts de l’Etat et des collectivités locales en faveur de la réduction des émissions de carbone, en évalue les résultats et prodigue des conseils pour accélérer cette réduction.
 
Le développement des technologies vertes est vital pour la sécurité nationale, le développement économique et la préservation de l’environnement, souligne Yang Jing-tang. A l’Institut de recherche économique de Taiwan (TIER), l’un des principaux think tanks taiwanais, Yang Feng-shuo [楊豐碩] partage ce point de vue. Il est important pour l’Etat de développer les énergies renouvelables, dit ce dernier, mettant toutefois en garde contre un abandon trop rapide des méthodes classiques de production d’électricité. « Pour que cette vision devienne réalité, le gouvernement doit adopter une approche constante et pragmatique », juge-t-il.
 
Grâce à ses technologies très avancées et à ses chaînes de production dans le domaine de l’énergie solaire, Taiwan peut envisager une progression rapide de son secteur des énergies vertes au cours des dix prochaines années. Selon les données de l’ECRO, en 2015, les cellules photovoltaïques fabriquées par quelque 250 entreprises locales représentaient 16,7% de la production mondiale, avec une valeur de 200,5 milliards de dollars taiwanais (6,2 milliards de dollars américains), soit la deuxième place mondiale derrière la Chine. De plus, les conditions sont favorables au développement de l’énergie éolienne dans le détroit de Taiwan, où le vent abonde, dit Yang Feng-shuo. A l’heure actuelle, l’électricité d’origine solaire et celle produite par les éoliennes comptent chacune pour moins de 1% de la production totale d’électricité à Taiwan, mais l’ECRO prévoit que ces pourcentages passeront d’ici 2025 à 10% et 5%, respectivement. Alors que pour l’instant la plus grande part de cette électricité « verte » est produite par des panneaux solaires installés sur les toits et par des éoliennes implantées sur les côtes, les futurs projets porteront principalement sur des fermes solaires au sol et des installations éoliennes au large.
 
Taiwan dispose pour l’heure d’à peu près 330 turbines éoliennes et d’une capacité de production installée d’environ 650 mégawatts, soit 1,5 milliard de kilowattheures d’énergie produite par an. L’objectif fixé par l’ECRO est une capacité installée de 3 gigawatts d’éoliennes offshore d’ici 2025. « En mer, le vent ne rencontre pas d’obstacles et l’installation éoliennes au large ne devrait pas susciter l’hostilité de la population », dit Yang Jing-tang. Toutefois, il pointe du doigt le coût important représenté par la construction et la maintenance de ces installations au large.
 
Des panneaux solaires sur le toit d’un bâtiment du Parc des expositions de Taipei. (photo : Huang Chung-hsin / Taiwan Review)
Au TIER, Yang Feng-shuo relève pour sa part les questions de navigation en mer, de pêche et de défense nationale que l’Etat doit prendre en compte en procédant à ces aménagements. Concernant les fermes solaires au sol, il s’inquiète des difficultés d’acquisition des terres en vue de ces implantations. L’ECRO a quant à lui suggéré que le gouvernement s’empare de ces enjeux en identifiant à travers le pays les parcelles en jachère ou impropres aux cultures pouvant accueillir des centrales solaires.
 
Au-delà de la production d’électricité
En plus de fabriquer et d’utiliser les technologies de production d’énergie renouvelable, Taiwan peut faire beaucoup en termes d’économies d’énergie et de stockage de l’électricité. Le pays est le leader mondial pour la fabrication des diodes électroluminescentes (DEL), lesquelles permettent un éclairage plus puissant et plus long, et surtout moins gourmand en énergie, que les lampes à incandescence. Selon l’ECRO, Taiwan produit chaque année pour environ 160 milliards de dollars taiwanais (4,9 milliards de dollars américains) de DEL, soit 35% de la production mondiale. L’île compte aussi un secteur des batteries au lithium des plus performants, avec en 2014 un chiffre d’affaires de 111,5 milliards de dollars taiwanais (3,4 milliards de dollars américains), essentiellement pour des systèmes de batteries pour véhicules électriques, smartphones, ordinateurs et autres appareils électroniques. L’ECRO estime que la production mondiale de batteries au lithium atteindra 3 billions de dollars taiwanais (92,3 milliards de dollars américains) en 2025, dont environ 200 milliards (6,1 milliards de dollars américains) pour Taiwan.
 
Au-delà, Yang Feng-huo souligne l’importance croissante d’une gestion efficace de l’énergie, en particulier de la question de l’intermittence. « Les énergies renouvelables ne sont pas disponibles tout le temps, dit-il. Leur caractère intermittent, en particulier quand elles représenteront 20% de la production électrique totale, doit être compensé par des capacités de stockage et un système de distribution efficace. »
 
De tels problèmes pourraient être en partie surmontés par l’utilisation d’un réseau électrique intelligent pouvant prendre des décisions de manière automatique pour la production et la distribution d’électricité. Ce secteur émergent implique une coordination entre les fournisseurs d’équipements et de services énergétiques, ainsi qu’avec les entreprises du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC). Le chiffre d’affaires du secteur des réseaux intelligents devrait être multiplié par cinq au cours des dix prochaines années pour atteindre 60 milliards de dollars taiwanais (1,8 milliard de dollars américains), estime l’ECRO.
 
A ce jour, l’Etat a installé 18 systèmes-témoins de réseaux intelligents dans des quartiers, des immeubles de bureaux ou des magasins à travers Taiwan et sur des petites îles au large. La compagnie nationale d’électricité Taipower travaille aussi à l’installation de compteurs intelligents qui permettront la mesure à distance des consommations et pourront être intégrés à ces réseaux.
 
Le secteur taiwanais des TIC, dont les capacités de recherche et de fabrication sont particulièrement développées, sera d’une aide précieuse pour le développement des technologies sans fil indispensables aux réseaux intelligents, tout comme le secteur des semiconducteurs a renforcé la croissance des entreprises fabriquant des DEL et des cellules photovoltaïques. « L’expertise taiwanaise en infrastructures dédiées aux TIC et en technologies électriques forme une base solide pour le développement d’un secteur du stockage et de la distribution intelligente de l’énergie », affirme Yang Jing-tang qui cite aussi la géographie et l’environnement climatique du pays comme des atouts pour les énergies solaire, éolienne et géothermique. En octobre 2016, le gouvernement a décidé d’ouvrir un parc technologique dédié aux énergies durables dans les environs de Shalun, à Tainan, à proximité du Parc scientifique du sud de Taiwan. Il devrait permettre d’associer les efforts en matière de recherche, de fabrication et de formation dans ce domaine.
 
Yang Jing-tang remarque qu’alors que la demande en énergies « vertes » augmente à Taiwan et que leur coût tend à baisser, en particulier pour l’énergie solaire, la réglementation doit encore être largement modifiée pour assurer des progrès adéquats. L’un des dossiers majeurs est la libéralisation du marché de l’électricité. A l’heure actuelle, Taipower domine la production, l’acheminement et la distribution de l’électricité à Taiwan. « Taipower a joué un rôle important dans l’histoire de Taiwan mais son monopole a aussi empêché les énergies nouvelles de prendre forme et de répondre à la demande », affirme Yang Feng-shuo. En octobre 2016, le gouvernement a justement présenté un projet de loi visant à encourager le développement des énergies « vertes » grâce à la libéralisation par étapes du secteur de l’énergie. A terme,  Taipower devrait être transformée en un holding dont les activités de production, de transport et de commercialisation de l’électricité seront séparées. 
 
Le projet de la présidente Tsai de restructurer la manière dont Taiwan produit, distribue et utilise l’électricité pourrait prendre des années avant de pleinement porter ses fruits. Les entreprises taiwanaises, toutefois, sont bien positionnées. Alors que le pays compte se passer de l’électricité nucléaire et que la communauté internationale cherche des alternatives aux énergies fossiles, elles pourront fournir les équipements et l’expertise indispensables à une alimentation en énergie durable.

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