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La vallée des objets connectés

30/12/2016
La « Silicon Valley asiatique » est l’un des principaux projets de développement industriel avancé par la présidente de la République, Tsai Ing-wen [蔡英文]. Il vise à transformer Taiwan en un pôle de recherche-développement (R&D) pour le secteur de l’Internet des objets et un centre d’envergure mondiale pour l’entreprenariat technologique. Ce projet qui s’implantera principalement sur le territoire de Taoyuan, une municipalité du nord de l’île, englobe aussi un ensemble de mesures destinées à renforcer l’innovation à Taiwan et les collaborations internationales sur des technologies et des applications de pointe.
 
L’Internet des objets désigne un ensemble de réseaux qui, grâce à des technologies normalisées, permettent d’identifier et de connecter des objets de toutes sortes et de traiter les données qui s’y rattachent. En septembre 2016, le gouvernement a dévoilé les grandes lignes de sa stratégie pour le développement de l’écosystème de start-up innovantes dont il compte favoriser l’implantation à Taoyuan. Le projet, qui s’étalera jusqu’en 2023, aura pour priorités le développement et le test de technologies  destinées à rendre les villes plus « intelligentes » (un domaine connu sous le vocable anglais « smart cities »), ainsi qu’aux applications de l’Internet des objets dans les domaines de la santé, de la logistique et du transport. En plus de renforcer la compétitivité des entreprises taiwanaises, « cette approche fera bénéficier la population de styles de vie modernes et pratiques, tout en transformant Taiwan en fournisseur de solutions dans ce domaine », avait déclaré Tsai Ing-wen dans un discours prononcé l’an dernier au siège du Parti démocrate-progressiste, lors de la campagne électorale.
 
Un autre aspect crucial du projet est de renforcer les liens entre les entreprises taiwanaises du secteur des objets connectés et leurs homologues étrangères. « Nous devons encourager la coopération entre les entreprises taiwanaises et celles de la Silicon Valley. En particulier, l’accent doit être mis sur les complémentarités entre les prouesses des entreprises taiwanaises en termes de recherche-développement et de fabrication, et la créativité, les capitaux et les ressources humaines de ce grand pôle de compétitivité américain, de manière à créer une chaîne de fournisseurs globale innovante », avait avancé la future présidente taiwanaise.
 
A cet effet, le gouvernement entend implanter à proximité de l’aéroport international de Taoyuan un centre pour la collaboration en matière de recherche et de formation qui entretiendra des liens étroits avec des organismes similaires installés en Californie. Il est également prévu d’augmenter le nombre d’étudiants étrangers inscrits dans les établissements d’enseignement supérieur à Taiwan et de travailler avec le secteur privé pour leur fournir davantage de bourses et d’opportunités de stages.
 
Après l’obtention de leur diplôme, ceux des étudiants étrangers qui souhaiteront créer leur entreprise à Taiwan bénéficieront d’aide pour la levée des capitaux, le développement des produits et les stratégies de commercialisation. A travers de telles mesures, l’Etat espère faire de Taiwan un centre asiatique pour l’introduction en bourse des jeunes entreprises de toute la région.
 
Le projet de Silicon Valley asiatique est au cœur de la stratégie de restructuration industrielle de Tsai Ing-wen et du gouvernement taiwanais. Les objectifs principaux de cette politique sont de repositionner le pays en tant qu’incubateur pour les start-up technologiques et comme centre mondial de R&D pour les applications intelligentes.
 
Métropole dynamique
Le cœur de la Silicon Valley asiatique sera situé à Taoyuan, dans le nord de Taiwan. (Photo : municipalité de Taoyuan)
Le maire de Taoyuan, Cheng Wen-tsan [鄭文燦], appuie ce projet, soulignant que cette métropole du nord-ouest de l’île est parfaitement située pour accueillir cette réalisation ambitieuse. « Avec plus de 10 000 entreprises dans tous les secteurs d’activité, Taoyuan possède les grappes d’entreprises les plus diversifiées de tout Taiwan, disait-il en mai 2016 lors d’un forum organisé à Taoyuan. La production industrielle sur le territoire municipal a atteint en 2015 environ 3 billions de dollars taiwanais (92,3 milliards de dollars américains), confirmant notre position en tête des villes et districts de Taiwan pour la 13e année consécutive. »
 
Taoyuan a aussi la population la plus jeune des six municipalités spéciales taiwanaises, et environ 20 000 diplômés sortent chaque année de ses 17 établissements d’enseignement supérieur, assurant un flux régulier de main-d’œuvre qualifiée. Le dynamisme économique de la ville est en outre démultiplié par son excellente infrastructure de transports.
 
« Avec sur son territoire le principal aéroport international du pays, Taoyuan n’est qu’à trois heures de vol des principales villes asiatiques telles que Séoul, Shanghai, Singapour et Tokyo, un avantage décisif quand il s’agit de promouvoir les échanges internationaux, dit le maire. Un autre atout est d’être à proximité à la fois de Taipei et du Parc scientifique de Hsinchu. »
 
Pour Hua Chia-cheng [花佳正], chercheur à l’Institut de recherche économique de Taiwan (TIER), l’initiative de la Silicon Valley asiatique est essentielle si le pays veut maintenir son avance compétitive dans l’économie de la connaissance globale. « Connecter Taiwan et la Silicon Valley est la clé car il est impératif que les entreprises taiwanaises adoptent le mode de pensée créatif et les procédés de développement d’applications des start-up américaines, dit-il. La tâche la plus urgente est de créer un environnement où les talents locaux et étrangers pourront travailler ensemble au développement de produits et de services de pointe. »
 
Selon Hua Chia-cheng, la venue de professionnels étrangers tournés vers l’innovation pourrait aider les actifs taiwanais à se défaire de leur mode de pensée ancré dans la fabrication du matériel, et à acquérir les savoir-faire requis pour rester dans la course de l’Internet des objets. « En plus, les entreprises devront offrir des conditions avantageuses pour retenir ces professionnels de haut niveau, ce qui entraînera une hausse des rémunérations, une plus forte croissance économique et de meilleures perspectives d’emploi à Taiwan » assure-t-il.
 
Connections globales
Un aspect essentiel de l’initiative de l’Etat dans le secteur de l’Internet des objets est d’encourager les entrepreneurs taiwanais à se rendre aux Etats-Unis et à s’implanter dans la Silicon Valley. « Le taux de succès des start-up technologiques est bas mais, qu’ils réussissent ou non, ces entrepreneurs acquerront une expérience qui sera utile à l’ensemble du secteur à Taiwan », poursuit Hua Chia-cheng.
 
Lin Hung-yu [林虹妤], elle aussi chercheuse au TIER, attribue l’essor du secteur technologique taiwanais à une proximité de longue date avec la Silicon Valley. Leur développement industriel a toutefois divergé ces dernières années, note-t-elle. « Ces liens doivent être rétablis si Taiwan entend surfer sur la vague des objets connectés, en associant les prouesses productives de Taiwan et les capacités de conception de logiciels et d’applications de la Silicon Valley. »
 
Selon Lin Hung-yu, dans le nouvel écosystème de l’Internet des objets, les entreprises taiwanaises doivent identifier des façons d’ajouter de la valeur à ce qui est au cœur de leurs compétences industrielles. « Taiwan a besoin de se repositionner comme un centre de fabrication flexible et réactif capable de produire avec de très courts délais de petites quantités de produits faits sur mesure, avant que ceux-ci entrent dans la phase de production de masse, dit-elle. A la lumière de la capacité d’adaptation des entreprises locales aux demandes du marché, d’une part, et de l’existence à Taiwan d’une chaîne de fournisseurs complète dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, d’autre part, cela pourrait représenter une niche formidable. »
 
Tant Hua Chia-cheng que Lin Hung-yu approuvent en outre la décision du gouvernement de cibler un développement des objets connectés dans les domaines de la santé, de la logistique et des transports, lesquels comptent parmi les forces de l’industrie taiwanaise et qui correspondent aussi aux besoins de la société. « Avec le vieillissement rapide de sa population, son haut niveau de vie et son environnement juridique bien développé, Taiwan est un site idéal pour tester les nouvelles solutions basées sur les objets connectés dans ces domaines », affirme Lin Hung-yu.

 
src=Joseph Kava, vice-président de Google pour les centres de données, prononce un discours lors de l’inauguration du centre de données de Changhua, dans la région centrale de Taiwan. (photo : CNA)
Le potentiel des objets connectés
Chao Tsu-yu [趙祖佑], le directeur adjoint du Groupe de recherche interdisciplinaire au Centre de connaissance et d’économie industrielles, lequel dépend de l’Institut de recherche sur les technologies industrielles, un organisme financé sur fonds publics, estime que l’Internet des objets va changer le visage du secteur technologique au plan mondial, et que Taiwan détient de bonnes chances de s’assurer une part alléchante du gâteau. « L’Internet des objets réécrit les règles du jeu en mettant davantage l’accent sur le développement des services et des applications que sur le coût et l’efficacité de la production manufacturière – deux facteurs clés qui ont assuré le succès de Taiwan pendant des décennies », dit-il.
 
Selon les projections communiquées en novembre 2015 par le cabinet américain Gartner, 6,4 milliards d’objets connectés seront utilisés à la fin de cette année dans le monde, soit une hausse de 30% en un an, et ce nombre devrait atteindre 20,8 milliards en 2020. L’Internet des objets devrait aussi servir de support à des services pour un montant de 235 milliards de dollars américains cette année, en hausse de 22% en un an.
 
Etant donné que 70% du chiffre d’affaires tiré de l’Internet des objets proviennent des services qui y sont associés, de plus en plus de fournisseurs de services offrent gratuitement des appareils connectés tels que des smartphones et des bracelets connectés. « Pour devenir des concurrents sérieux dans cette nouvelle course, les entreprises taiwanaises doivent  changer de paradigme, tant en ce qui concerne leur modèle d’affaires que sur le plan de leur philosophie », dit Chao Tsu-yu.
 
L’Internet des objets n’en est encore qu’aux balbutiements et les entreprises locales devrait donc chercher à identifier les niches de marché dans lesquelles elles seront les plus compétitives, ajoute-t-il. Selon lui, la mise en place, par un grand groupe local de cycles, du système YouBike de location de deux-roues à Taipei montre bien la capacité des entreprises taiwanaises à réaliser des projets de grande ampleur dans ce domaine. « YouBike utilise des systèmes de gestion et de paiement développés à Taiwan et qui sont adaptés aux habitudes locales, tout en tirant partie de sa position de leader mondial des cycles », dit encore Chao Tsu-yu.
 
Les ressources humaines constituent le facteur déterminant pour la réussite des objets connectés made in Taiwan, estiment les trois chercheurs. « De nombreux jeunes Taiwanais talentueux partent à l’étranger pour faire carrière. Une solution doit être trouvée à cette fuite des cerveaux », dit Hua Chia-cheng.
 
Il est important de recruter des professionnels issus de l’Asie du Sud et du Sud-Est, estime Lin Hung-yu, dans la droite ligne de la « nouvelle politique en direction du Sud » promue par la présidente Tsai Ing-wen. Le gouvernement devrait en priorité revoir les lois et règlements concernant le séjour des étrangers et encourager les entreprises à recruter des professionnels étrangers, tout en aidant leurs familles à s’installer à Taiwan, précise Chao Tsu-yu.
 
Il est en outre essentiel, dit Lin Hung-yu, d’établir un environnement coopératif et encourageant permettant aux esprits créatifs taiwanais et aux professionnels étrangers de réaliser ensemble leurs ambitions entrepreneuriales. Au sein du nouvel ordre économique mondial, de nombreuses idées révolutionnaires surgissent d’individus ou de petits groupes qui ont ensuite besoin d’accéder à des capitaux pour lancer leur entreprise. D’un autre côté, les grands groupes ont souvent du mal à identifier les start-up véritablement innovantes. « L’Etat peut aider à faire se rencontrer les uns et les autres », conclut-elle.

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