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Peuples autochtones : vers plus d’autonomie

23/06/2018
De jeunes Aborigènes comme les élèves de l’école primaire Gao Shi du comté de Pingtung, dans le sud du pays, profiteront d’une meilleure protection de leurs origines ethniques, de leurs intérêts et de leurs droits grâce aux améliorations des politiques gouvernementales. (Photo : CNA)

Des politiques progressistes se penchent sur les nombreux problèmes qui affectent encore aujourd’hui la vie des aborigènes taiwanais.
 

Saljenljeng Palilaw, 19 ans, est une autochtone Paiwan. Elle rêve d’ouvrir un studio d’art pour les enfants de sa région natale du district de Taitung, dans le sud-est de Taiwan. Actuellement étudiante en production artistique aborigène à l’Université nationale normale de Kaohsiung (NKNU) située dans le sud du pays, elle s’estime chanceuse de bénéficier d’un enseignement sur des techniques de création spécialisées ainsi que d’une meilleure connaissance des cultures aborigènes.
 
« A travers la diversité des cours proposés, je transforme mon rêve en réalité, explique-t-elle. Et en cours de route, je découvre de nouvelles choses concernant ma culture d’origine et j’apprécie davantage sa beauté et sa richesse. »
 
Saljenljeng Palilaw fait partie des trente étudiants inscrits dans le département d’Industrie des arts aborigènes lancé en janvier 2017 par la faculté des Arts de la NKNU. Conçu spécifiquement pour des étudiants aborigènes, le programme englobe un large éventail de spécialités parmi lesquelles le travail du métal, la peinture, la photographie, la poterie, la gravure, la sculpture et la couture mais aussi des disciplines telles que le design, la gestion et le marketing, détaille Yao Tsun-hsiung [姚村雄], le doyen de la faculté.

 

Des élèves aborigènes Paiwan de l’école élémentaire Tai-Wu, à Pingtung. (Photo : Chin Hung-hao / MOFA)

 

Une main tendue

« Nous aidons des jeunes aborigènes talentueux à acquérir le savoir et les compétences dont ils auront besoin pour effectuer des carrières dans les domaines des arts et de l’administration des arts », déclare Yao Tsun-hsiung. Il précise que bien que le programme soit axé sur la pratique artistique et la gestion, la préservation de l’héritage culturel intergénérationnel en est une composante importante. « Nous espérons que grâce à cette formation, les arts et cultures aborigènes pourront enfin devenir un élément essentiel de la florissante industrie culturelle et créative taiwanaise. »
 
A Taiwan, un total de 24 universités et établissements d’enseignement supérieur offrent des programmes spécialement adaptés aux étudiants aborigènes dans des disciplines telles que les arts, le génie civil, le design, le droit, les soins infirmiers, l’action sociale et le tourisme. L’initiative a été mise en place conjointement par le ministère des Peuples autochtones et le ministère de l’Education, qui fournissent tous deux les financements aux établissements participants.
 
Selon les dernières statistiques du ministère des Peuples autochtones, la population aborigène taiwanaise est constituée de 559 918 individus, soit 2,4% des 23,5 millions d’habitants du pays, avec 55 arrondissements et communes considérées comme régions aborigènes. Au cours des dernières décennies, plusieurs lois ont été promulguées qui visaient à protéger l’appartenance ethnique, les intérêts et les droits des aborigènes. Elles étaient destinées à assurer une égalité d’accès à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé et à la participation politique ainsi qu’à protéger les cultures, les identités, les langues et les territoires traditionnels.
 
Parmi les lois les plus marquantes se trouvent la Loi pour le développement des langues des peuples autochtones, promulguée en 2017 et qui vise à préserver et promouvoir les langues austronésiennes parlées à Taiwan ; la Loi Fondamentale sur les peuples autochtones, promulguée en 2005 pour protéger les droits fondamentaux des aborigènes ; la Loi de protection du droit au travail des peuples autochtones, promulguée en 2001 pour garantir les opportunités d’emploi et les moyens de subsistance des populations aborigènes ; et la Loi des peuples aborigènes, promulguée en 2001, qui vise à favoriser la reconnaissance et la reconstruction d’une identité aborigène.
 
La vice-ministre des Peuples autochtones, Iwan Nawi (membre du peuple Seediq), a fait savoir que la Loi pour le développement des langues des peuples autochtones, qui désigne comme langues officielles de Taiwan les langues vernaculaires des 16 groupes de population aborigènes reconnues par l’Etat, est une étape-clé du développement des droits aborigènes. « Cela atteste de l’engagement du gouvernement à chercher une justice historique et transitionnelle pour les peuples autochtones. »
 

Des fresques attrayantes sur les murs des maisons de la commune de Sandimen, à Pingtung, dépeignent des pratiques aborigènes et traditionnelles comme la chasse au sanglier. (Photo : Jimmy Lin / MOFA)

 

Réparer les torts

Cette détermination s’illustre pour Iwan Nawi dans les excuses officielles du 1er août 2016 formulées au nom de l’Etat par la présidente Tsai Ing-wen [蔡英文] en direction des peuples autochtones du pays pour « quatre siècles de souffrances et de mauvais traitements ». Avec ce premier pas et tout en faisant le serment de promouvoir les droits des aborigènes à tous les niveaux, Tsai Ing-wen encourage la diversité et la justice dans une société qui s’apprête à réparer les torts causés dans le passé, indique Iwan Nawi.
 
A cet égard, un point important a été l’établissement en décembre 2016 de la Commission pour la justice historique et la justice transitionnelle autochtones, sous l’égide de la Présidence de la République. Constituée de représentants de tous les groupes de population aborigènes de Taiwan et avec à sa tête la chef de l’Etat en personne, la commission a la responsabilité de trouver des consensus sur les orientations politiques et de mettre à jour des vérités historiques. Elle comprend cinq sous-comités qui ont pour tâche d’aborder respectivement des sujets relatifs à la culture, à l’histoire, à la terre, aux langues et à la réconciliation.
 
En plus de la commission, de nombreuses agences gouvernementales lancent des initiatives améliorant les conditions de vie et le bien-être des peuples autochtones, précise Iwan Nawi. Un exemple est la partie du Plan de développement des infrastructures d’avenir (FIDP) consacrée aux infrastructures urbaines et rurales qui vise à équilibrer le développement régional et favoriser la qualité de vie dans toutes les villes du pays.
 
S’étalant sur une période allant de septembre 2017 à août 2021, cette initiative globale est destinée à répondre aux besoins de développement de Taiwan dans les 30 prochaines années et à s’assurer que les générations futures profitent d’une plus grande prospérité. Un des éléments centraux du projet pour les infrastructures urbaines et rurales du FIDP prévoit de donner plus d’autonomie administrative aux communautés aborigènes, lesquelles sont très souvent situées dans des régions reculées ou montagneuses.
 
Les mesures prises sous le compte du FIDP englobent la construction de centres multifonctionnels visant à moderniser les infrastructures communautaires tout en offrant des services allant de la prise en charge des enfants et des personnes âgées aux activités culturelles et à l’enseignement linguistique. Ces centres permettent en outre un accès étendu au haut débit pour les communautés autochtones, afin de combler le fossé numérique.
 
Financé par un budget spécial renouvelable et approuvé par le parlement, le FIDP devrait accélérer le développement des infrastructures des communes aborigènes et accroître substantiellement le bien-être de leurs habitants. Les progrès sont suivis de près tous les mois par des centres de gestion de projet qui fournissent également une aide en cas de difficultés rencontrées dans la mise en œuvre.
 

Les Atayal les plus âgés du district de Miaoli, dans le nord de Taiwan, peuvent espérer des dernières années en meilleure santé grâce au Plan 2.0 pour les soins de longue durée. (Aimable crédit de l’administration du Parc national de Shei-Pa)

 

Selon Iwan Nawi, le gouvernement travaille par ailleurs à dynamiser les opportunités d’emploi et de développement de carrière des populations aborigènes, citant la Loi de protection du droit au travail des peuples autochtones en vertu de laquelle ces derniers doivent constituer au moins 1% du personnel dans les administrations, les écoles et les entreprises publiques de 100 employés ou plus.
 
A cette fin, le ministère des Peuples autochtones a commissionné 90 professionnels du service de l’emploi afin d’aider les membres des communautés aborigènes à trouver des emplois ou lancer leur entreprise tout en fournissant des prêts à faible taux d’intérêt en association avec la Banque de Taiwan. Ainsi les chiffres officiels révèlent que le chômage chez les aborigènes est tombé à 4,1% de la population active au troisième trimestre de 2017 contre 8,8% en 2009, et qu’il se rapproche de la moyenne nationale, située à 3,7%.

 

Des effets salutaires

D’après Iwan Nawi, la santé des peuples autochtones de Taiwan est une préoccupation majeure de Tsai Ing-wen qui a chargé le ministère des Peuples autochtones et le ministère de la Santé et des Affaires sociales de s’assurer que les aborigènes profitent d’une égalité d’accès aux services médicaux et sociaux. Cette directive transparaît dans le chapitre consacré aux peuples autochtones du Plan 2.0 pour les soins de longue durée. Approuvée en 2017, cette initiative devrait parvenir à établir une chaine complète allant des traitements préventifs aux soins palliatifs de fin de vie en passant par les services de proximité.
 
« Nous sommes occupés à créer un système qui puisse répondre de façon adéquate aux trois besoins majeurs des aborigènes séniors : les soins médicaux, les soins infirmiers et les services d’aide à la vie autonome, explique Iwan Nawi. Cette approche donne aux gens la possibilité de vivre avec confort et dignité dans un environnement familier. »
 
Le ministère des Peuples autochtones coopère étroitement avec le ministère de la Santé et des Affaires sociales, les collectivités locales et les organismes à but non lucratif afin de mettre en place des centres pour la culture, la santé et la prise en charge de jour mais aussi de façon à fournir des services à domicile comme le ménage, la lessive, la préparation des repas et les courses. Le ministère a également lancé des programmes de formation pour les soignants, les travailleurs sociaux et les bénévoles.
 

Des étudiants de l’Ecole nationale professionnelle de commerce sénior de Taitung, dans le sud du pays, exécutent une danse symbolisant la plantation du riz par les membres de l’ethnie aborigène Amis. (Aimable crédit de l’Ecole nationale professionnelle de commerce sénior de Taitung)

 

De telles mesures sont saluées par Tung Yuan-chao [童元昭], professeur associé au département d’Anthropologie de l’Université nationale de Taiwan (NTU) et directrice du Centre d’études aborigènes, une institution d’enseignement supérieur basée à Taipei. « Les politiques envisagées sont cruciales pour aider le public à comprendre la nécessité de protéger et de respecter les droits des aborigènes tout en accordant une attention particulière aux enjeux connexes », déclare-t-elle.
 
Pour Tung Yuan-chao, la diversité culturelle et ethnique est la pierre angulaire de la réalisation d’une société taiwanaise authentiquement pluraliste. « En dépit de leur petit nombre, les peuples autochtones ont fortement contribué à façonner l’histoire du pays et font partie intégrante de son patrimoine. »
 
Au cours des dernières décennies, explique Tung Yuan-chao, il est malheureux de constater que de nombreux aborigènes ont été chassés de leurs terres et sanctionnés pour s’être livrés à des pratiques traditionnelles comme la chasse. « La fureur qui entoure de tels incidents pourrait être vue comme contribuant à la montée de discriminations et de stéréotypes qui survivent encore aujourd’hui. »
 
Depuis son lancement en 2004, le Centre d’études aborigènes cherche à donner une plus grande visibilité aux problématiques autochtones contemporaines à travers des cours, des expositions, des films, des forums, des conférences et des ateliers. Cela a aidé à mettre en avant les problèmes fondamentaux de l’exclusion sociale, du retour des objets d’art et des droits relatifs à la terre et aux ressources.
 
Yao Tsun-hsiung, de la NKNU, est d’accord avec Tung Yuan-chao en ce qui concerne l’identification et la rectification des causes de la marginalisation des Aborigènes. « Tout commence par une éducation de qualité avec une sensibilisation culturelle soutenue par des ressources appropriées », indique-t-il.
 
Le principal bénéfice de cette approche pour les étudiants du département d’Industrie des arts aborigènes de la NKNU est la chance de poursuivre des carrières dans l’industrie culturelle et créative au sein même du secteur des arts aborigènes. « Autonomiser nos étudiants grâce à une éducation pertinente et harmonisée change leurs destinées et donne aux communautés tribales l’espoir d’un meilleur futur », déclare Yao Tsun-hsiung.

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