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Une renaissance des cultures tribales grâce aux médias

23/06/2018
Des animateurs radio de la toute nouvelle station Alian 96.3 présentent des programmes dans les langues des 16 peuples autochtones taiwanais officiellement reconnus. (Photo : Huang Chung-hsin / MOFA)

Les médias aborigènes taiwanais favorisent un renouveau culturel et promeuvent la compréhension mutuelle.

Le 9 août 2018, la première station de radio taiwanaise destinée principalement aux auditeurs aborigènes a commencé à émettre dans tout le pays, un événement marqué par une cérémonie qui coïncidait avec la Journée internationale des peuples autochtones décrétée par les Nations unies. Alian 96.3, dont le nom signifie « ami » en langue paiwan, est gérée par la Fondation culturelle des peuples aborigènes et émet dans plus de 90% des villages tribaux de Taiwan. Cette radio participe à combler le fossé informationnel entre les espaces urbains et ruraux et est un outil efficace pour améliorer la prévention des catastrophes et les mesures d’aide.
 
Au cours de la cérémonie organisée à Taipei pour célébrer son lancement, la présidente Tsai Ing-wen [蔡英文] a fait savoir que la station de radio marquait la détermination du pays à sauvegarder les cultures, l’histoire, et les langues aborigènes locales, et à sensibiliser la population sur leur richesse. Tsai Ing-wen, dont une grand-mère appartenait au peuple autochtone Paiwan, est persuadée qu’en garantissant l’accès à ce média aux peuples autochtones, le gouvernement reconnaît et promeut l’inestimable valeur de la richesse et de la diversité des biens culturels pour tous les citoyens.

Les éléments colorés issus des cultures aborigènes furent une composante inoubliable de la cérémonie d’ouverture de l’Universiade de Taipei 2017. (Photo : Chin Hung-hao / MOFA)

Une base solide

Le lancement d’Alian 96.3 est en phase avec la Loi pour le développement des langues des peuples autochtones promulguée en juin 2017. Tout comme pour la Télévision indigène de Taiwan (TITV), également gérée par la Fondation culturelle des peuples aborigènes, le diffuseur est chargé d’aider à la préservation des langues des 16 groupes de population aborigènes du pays officiellement reconnues. La fondation a été établie en 2009 grâce au financement du ministère des Peuples autochtones, conformément à la Loi sur l’éducation pour les peuples autochtones, révisée en 2004, et à la Loi fondamentale sur les peuples autochtones, promulguée l’année suivante.
 
Pour la Paiwan Yedda Palemeq, directrice générale de la Fondation culturelle des peuples aborigènes, un tel progrès démontre une préoccupation croissante pour les traditions en voie de disparition des groupes défavorisés de Taiwan. Il s’agit du prolongement des mouvements pour les droits autochtones qui ont émergé dans les années 80 au sein d’une tendance plus générale de libéralisation sociale. La Fondation culturelle des peuples aborigènes est également en charge de Perspectives autochtones, un magazine qui paraît tous les deux mois et qui est intégré à la plateforme de la fondation, présente sur internet, à la radio et à la télévision. « Nous sommes aujourd’hui dans un nouvel âge omnimédiatique avec un accès facile aux diverses formes de médias », explique Yedda Palemeq.
 
Le prédécesseur de TITV, qui est entré en opération en 2005, était géré par Eastern Broadcasting Company et Taiwan Television Enterprise avant de rejoindre l’entreprise publique Taiwan Broadcasting System (TBS) en 2007. TBS comprend Hakka TV qui cible le deuxième groupe linguistique du pays et le Service de télévision publique (PTS). En 2014, TITV a été placée sous la responsabilité de la Fondation culturelle des peuples aborigènes après que celle-ci ait obtenu une licence de radiodiffusion.
 
« Elle a développé une forme clairement distincte des chaînes commerciales avec une attention particulière portée aux intérêts ethniques et aux valeurs publiques », indique Yedda Palemeq. D’une part, ajoute-elle, les peuples autochtones peuvent exprimer des préoccupations et des opinions qui pourraient être déformées dans les grands médias. D’autre part, les différents segments de la société peuvent développer une meilleure compréhension des aborigènes au travers d’échanges culturels via la plateforme.

Perspectives Autochtones est un magazine qui paraît tous les deux mois, publié par la Fondation culturelle des peuples aborigènes. (Photo : Huang Chung-hsin / MOFA)

Vaste contenu

Offrant une variété de programmes couvrant des domaines tels que les arts, le divertissement, la gastronomie, la musique, les sports et la culture des jeunes, Alian et TITV fournissent également des émissions d’actualité dans chacune des langues des 16 peuples autochtones, de façon à satisfaire la Loi pour le développement des langues des peuples autochtones. D’après Yedda Palemeq, l’article 23 de la loi stipule que le nombre d’heures dédiées à des cours et à des programmes d’apprentissage des langues austronésiennes doit atteindre au moins 50% des contenus réalisés par les organisations de diffusion et la télévision aborigènes quand celles-ci sont financées par l’Etat. En outre, le magazine de la Fondation culturelle des peuples aborigènes contient depuis mi-2017 au moins un texte par numéro en langue austronésienne transcrit en écriture latine.
 
« Mais les locuteurs natifs et les professeurs de langues aborigènes ne sont pas toujours doués pour la diffusion audiovisuelle », précise Yedda Palemeq, faisant référence à l’importance des initiatives de formation tel que le programme de production télévisuel organisé conjointement par la Fondation culturelle des peuples aborigènes et PTS. D’une durée de trois mois, celui-ci s’est terminé en février dernier et a bénéficié à 25 jeunes diplômés aborigènes qualifiés pour travailler à TITV ou dans d’autres entreprises de communication. « Ils ont reçu un enseignement dans des domaines comme les effets sonores, la cinématographie, la réalisation et l’éclairage mais aussi concernant les traditions culturelles et ethniques », indique-t-elle.

La Télévision indigène de Taiwan diffuse des programmes qui mettent l’accent sur les principaux enjeux auxquels sont confrontées les communautés tribales. (Photo : Huang Chung-hsin / MOFA)

Principalement conçue pour les 16 peuples autochtones reconnus par l’Etat, la plateforme de la Fondation culturelle des peuples aborigènes traite également des problématiques concernant les groupes de population aborigènes originaires des plaines et non reconnues officiellement. Mata Taiwan accorde une plus grande importance à ce sujet. Ce média en ligne basé à Taipei, nommé après le mot austronésien signifiant « œil », englobe un public varié cherchant à mieux comprendre et à communiquer avec les peuples autochtones.
 
Son fondateur, Fang Ko-chou [方克舟], estime qu’il est d’autant plus crucial pour les ethnies non reconnues d’avoir une voix claire dans les médias qu’elles ont vécu une assimilation plus profonde avec la société taiwanaise. « Elles forment des groupes ethniques inférieurs en termes de statuts légaux, affirme-t-il. Ce problème doit être soulevé avec plus de force de façon à atteindre un plus haut degré de pérennité ethnique. »
 
Ainsi, Mata consacre une couverture médiatique à un possible projet d’amendement de la Loi des peuples aborigènes qui inclurait la catégorie des ethnies des plaines. Les autres sujets traités avec égale importance vont de l’hypothèse selon laquelle Taiwan est la terre ancestrale des peuples austronésiens aux éblouissants éléments aborigènes présentés lors de la cérémonie d’ouverture de l’Universiade de Taipei 2017, le plus grand événement sportif international jamais organisé à Taiwan.

Les événements touristiques aborigènes dans des lieux comme la ville de Kaohsiung, dans le sud de Taiwan, sont un élément central des plateformes des nouveaux médias aborigènes. (Aimable crédit de Mata Taiwan)

D’après Fang Ko-chou, ces sujets facilement compréhensibles aident à mieux apprécier des sujets plus complexes et plus controversés comme les droits territoriaux. « Nos articles sont en majorité écrit par des contributeurs aborigènes qui agissent comme des intermédiaires qui acheminent des idées et des messages dans les communautés tribales », explique-t-il.
 
Mata tire également profit de ce réseau aborigène en publiant des ouvrages et des brochures sur le tourisme dans les communautés aborigènes. Un autre axe d’action consiste à organiser des séminaires communautaires à travers le pays en partenariat avec le ministère de la Culture dans le cadre de son projet de Forum sur la culture civique.
 
En septembre 2017, Mata a mis sur pied trois forums à Taipei ainsi que dans les districts de Hualien et de Pingtung, respectivement situés dans l’est et dans le sud du pays, pour permettre des échanges d’expériences et d’idées relatives au tourisme autochtone. Les participants comprenaient des organisations non gouvernementales comme l’Association pour le développement des peuples autochtones taiwanais, basée dans le district de Nantou, dans le centre du pays, ainsi que des groupes de communautés locales.

Construire des ponts

Sun Chia-sui [孫嘉穗], professeur dans le département de Langues aborigènes et Communication de l’Université Dong Hwa, à Hualien, affirme que construire un dispositif permettant d’articuler les différents voies et points de vue est un rôle que les médias peuvent tenir afin de promouvoir les échanges et d’accroître la compréhension entre les différents acteurs à l’intérieur comme à l’extérieur d’une communauté. Ayant indirectement aidé PTS dans la production d’émissions d’actualité diffusées à la télévision et sur internet concernant des sujets relatifs aux aborigènes et à d’autres enjeux civiques, Sun Chia-sui apprécie la distinction faite entre les aborigènes vivant dans les communautés autochtones et ceux résidants loin de leur région d’origine.

La présentation, dans de grandes institutions comme le Musée national de Taiwan, à Taipei, d’images historiques représentant des aborigènes participe à la prise de conscience de la richesse des cultures tribales du pays. (Photo : Lin Min-hsuan / MOFA)

Les questions de genre tendent à être négligées quand il est question de renforcer les droits et les attaches culturelles des communautés tribales. « Les coutumes doivent être plus discutées avant d’être préservées ou ajustées, explique Sun Chia-sui. L’exposition médiatique peut aider à atteindre un consensus interne sur ces questions tout en présentant ces points de vue au monde extérieur. »
 
Les nouveaux médias regorgent de potentiel pour revaloriser les cultures autochtones à Taiwan. Les plateformes internet et les appareils mobiles permettent un accès facile à une grande quantité de contenus sur demande, ce qui pourrait selon Sun Chia-sui mener à une appréciation sans précédent des biens culturels aborigènes.
 
« Une célébrité internet aborigène peut être efficace pour transmettre des messages culturels », dit-elle avant d’ajouter que si les jeunes générations se sentent plus proches de leurs traditions tribales à travers des canaux médiatiques modernes, ils seront plus motivés pour relever le défi de la réappropriation de leur patrimoine culturel. « Quand les origines ethniques et les langues seront visibles à valeurs égales dans le contenu des médias de qualité, les véritables esprit et identité de Taiwan prendront forme. »
 

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