03/05/2024

Taiwan Today

Accueil

Miaoli ou la profusion culturelle

29/09/2018
Le Musée de la sculpture sur bois de Sanyi abrite une variété de pièces raffinées.
Photo : Huang Chung-hsin / MOFA

Le district de Miaoli est renommé pour ses festivals éclatants, son art et son artisanat traditionnels raffinés et son mode de vie exaltant la lenteur.

Sanyi, dans le district de Miaoli, dans le nord de Taiwan, a accueilli le nombre record de 60 000 visiteurs lors de l’édition 2017 de son festival annuel de sculpture sur bois qui s’est tenu pendant dix jours au début du moins d’octobre. Avec des marchés et brocantes, des concours, des expositions, des visites guidées des villages hakka et des sites historiques, des cours pratiques, de la gastronomie locale, des performances artistiques et des démonstrations de sculpture sur bois, l’événement est l’un des plus attendus dans la région.
 
Albert Lin [林彦甫], directeur du Bureau de la culture et du tourisme du district de Miaoli, affirme que la 17e édition du festival restera dans les annales car elle comprenait pour la première fois un ensemble d’activités novatrices réunies sous le thème « Du Temps pour l’Artisanat, du Temps pour Vivre ». « Notre objectif était de mettre en avant la disposition à prendre son temps et les pratiques traditionnelles de sculpture sur bois que l’on trouve à Sanyi, explique-t-il. Ce programme d’événements enrichi et étendu a également permis aux festivaliers de découvrir des aspects culturels moins connus de la localité et de contribuer à y stimuler le tourisme. »

Le maître potier Lai Fu-huan travaille à l’une de ces créations. (Aimable crédit du district de Miaoli)

Une approche traditionnelle

La lenteur de vivre s’est toujours bien portée dans cette commune quelque peu endormie. Mais en février 2016, cette pratique a pris un caractère plus officiel après que Sanyi et la commune voisine de Nanzhuang ont été admises dans le Réseau international des villes du bien vivre de Cittaslow International, une organisation internationale basée en Italie et qui aide les centres urbains de petite taille à poursuivre des programmes de développement alternatif visant à améliorer la qualité de vie. Le réseau Cittaslow est constitué de 236 villes de 30 pays et territoires d’Asie, d’Australie, d’Europe et d’Amérique du Nord.
 
Pour Albert Lin, Sanyi et Nanzhuang ont reçu l’approbation de Cittaslow sur la base de leurs programmes de préservation du patrimoine, de leurs mesures de protection de l’environnement et de leurs concepts de promotion culinaire. « Il est important de protéger les ressources qui renforcent l’identité distincte d’une communauté et favorisent le développement du secteur culturel et créatif », indique-t-il.

L’abondance de matériaux de haute qualité et le vivier de compétences que l’on trouve à Miaoli peuvent expliquer le succès de son industrie de la vannerie. (Photo : Chen Mei-ling / MOFA)

Une partie intégrante de cet engagement consiste à s’assurer que les arts et artisanats traditionnels locaux continuent de se développer, une mission dont la tâche est rendue plus facile par l’abondance des matériaux de haute qualité et par le vivier de compétences dont dispose Miaoli. La bonne santé de la vannerie, de la sculpture sur bois, de la céramique, ainsi que de la teinture et du tissage tribaux aborigènes n’est pas le fruit du hasard, affirme Albert Lin, citant certains artisanats qui ont permis de faire du district de Miaoli l’un des pôles majeurs pour les échanges et les projets artistiques associés, à l’échelle nationale comme internationale.

Un patchwork humain

Une autre raison souvent négligée peut expliquer la réputation culturelle de Miaoli : ses habitants. Peuplé de Hakka (qui forment un cinquième de la population Han de Taiwan mais près des deux tiers de celle du district), de Holo, le principal groupe de population de Taiwan, de populations aborigènes et de nouveaux immigrés originaires d’Asie du Sud-Est, le district est un véritable melting-pot. Les statistiques de la collectivité locale montrent que parmi les 554 652 habitants de Miaoli, 64% sont hakka, 31,5% holo, 2,5% nouveaux immigrés et 2% membres des groupes de population Atayal et Saisiyat, les deux principaux peuples autochtones représentés localement.

La procession à Mazu de Baishatun a été désignée « coutume populaire nationale » par le ministère de la Culture. (Aimable crédit du district de Miaoli)

Sauvegarder ce patrimoine humain est depuis longtemps l’une des principales priorités du district. Nombre de subventions et de programmes de formation ont été lancés avec succès et ils ont, selon Albert Lin, contribué au maintien de l’environnement culturel. « Un tel respect, profondément enraciné, des différents groupes ethniques produit une grande cohésion et donne plus d’éclat à Miaoli sur le plan du tourisme culturel », affirme-t-il.
 
Du point de vue culturel, Miaoli bénéficie d’une variété de festivals et de rituels qui prennent place chaque année aux quatre coins du district. Deux des plus importants sont la procession à Mazu de Baishatun et le rituel Pasta’ai des Saisiyat, qui ont été désignés « coutumes populaires nationales » par le ministère de la Culture.
 
Vieux de plus de 170 ans, le pèlerinage implique le temple Gongtian de Baishatun, à Miaoli, et, plus au sud, le temple Chaotian à Beigang, dans le district de Yunlin, et le temple Jenn Lann de Dajia, à Taichung. Chaque année, le trajet de près de 400 kilomètres est déterminé en consultant Mazu, la déesse de la Mer, par le biais de divinations, et diffère donc d’une année sur l’autre. Le rituel Pasta’ai exprime de son côté à travers des chants et des danses le repentir des Saisiyat pour avoir massacré une race de « pygmées à la peau sombre » décrite dans leur tradition tribale comme premiers habitants de la région.

La préservation des danses, des pièces de théâtre et des chansons traditionnelles hakkas est prioritaire pour la collectivité locale. (Aimable crédit du district de Miaoli)

Zoom sur les Hakka

Etant donné que la majorité des habitants de Miaoli sont hakka, il n’est pas surprenant que la culture de ce groupe de population soit considérée comme représentative du district et concentre la plupart des efforts publics de préservation et de promotion. Un soutien est apporté à toutes sortes de programmes communautaires visant à revitaliser les danses, les pièces de théâtre et les chants traditionnels hakka.
 
Mais les actions à l’échelle locale restent limitées, regrette Albert Lin. Il se réjouit donc tout particulièrement du projet quadriennal et interinstitutionnel du gouvernement central qui vise à transformer un tronçon de 150 kilomètres sur les 438,7 kilomètres de l’autoroute provinciale numéro 3, aussi connue sous le nom d’autoroute de la montagne intérieure, en Avenue romantique hakka.
 
Démarrant dans l’arrondissement de Longtan de la ville de Taoyuan, dans le nord du pays, le projet englobe 16 communes hakka disséminées dans les districts de Hsinchu et de Miaoli, ainsi que dans les arrondissements de Dongshi et Shigang, à Taichung. L’Avenue romantique hakka est l’un des projets d’aménagement urbain et rural figurant dans le Plan de développement des infrastructures d’avenir lancé par le gouvernement, et un élément central de la politique publique de préservation de la culture hakka pour les générations futures.

Les sites historiques du district de Miaoli. (Illustration : Kao Shun-hui)

« Le projet est essentiel pour aider les villages hakka à conserver un mode de vie traditionnel défini par sa "cuisine lente", sa lenteur de vivre et sa philosophie du voyage à pas mesurés », déclare Albert Lin, ajoutant que cela représente également un regain d’intérêt des jeunes générations pour la culture hakka.
 
Ku Cheng-ching [古鎮清], professeur adjoint au département de Tourisme culturel de l’Université nationale unie (NUU) de Miaoli, considère que le projet a été bien planifié et qu’il a toutes les chances de réussir. Si les objectifs de remodelage du paysage culturel, d’amélioration de l’environnement et de développement industriel sont mis en place efficacement grâce à des partenariats entre l’Etat et les collectivités locales, ainsi qu’entre les secteurs public et privé, le projet fournira des équipements modernisés, des services renforcés et des expériences de voyage plus significatives, explique Ku Cheng-ching.
 
Ayant grandi dans l’une des communautés hakka de Miaoli, Ku Cheng-ching est issu d’une famille qui était autrefois impliquée dans les industries locales traditionnelles de la production de bois d’œuvre et de thé. Il prévoit que le projet gouvernemental donnera un nouveau souffle à de tels secteurs tout en stimulant la création de nouvelles opportunités pour les jeunes dans les industries modernes comme le secteur culturel et créatif et l’écotourisme.

Les restes du pont Yutengping, à Sanyi, sur lequel passait le chemin de fer construit en 1907 pendant la colonisation japonaise (1895-1945). Le site a été placé sur la liste du patrimoine local par le district. (Aimable crédit de l’office national du Tourisme)

Des attractions à profusion

« Les ressources culturelles, historiques et naturelles de Miaoli donnent aux jeunes la possibilité de rester vivre dans leur village natal s’ils le désirent, déclare Ku Cheng-ching. Il existe de nombreuses vieilles maisons et vieilles rues, ainsi que des anciens sentiers, des studios d’art et d’artisanat, des parcs culturels et des fermes de loisir qui en font un excellent choix pour les touristes. »
 
Dans le district de Miaoli, un total de 41 bâtiments et 10 monuments, la plupart construits pendant la période coloniale japonaise (1895-1945) et adéquatement préservés, sont inscrits sur une liste du patrimoine mise en place par la collectivité locale. Un bon exemple, selon Ku Cheng-ching, est la gare de Shenghsing, à Sanyi, une destination touristique très prisée.
 
A 402 mètres au-dessus du niveau de la mer, la structure en bois fabriquée à l’aide de matériaux disponibles localement était le point le plus haut de la ligne de l’ouest de l’Administration du rail de Taiwan. Construite en 1906 pour transporter du charbon, de l’huile de citronnelle et des fruits, la gare a été rénovée en 1996 avant de cesser ses opérations deux ans plus tard après qu’un tremblement de terre eut causé des dégâts de grande ampleur à la ligne.

Il existe à Miaoli environ 100 sentiers de randonnée d’importance historique facilement accessibles. (Photo : Chen Mei-ling / MOFA)

Il existe en outre une centaine de sentiers de randonnée facilement accessibles qui étaient autrefois utilisés par les populations aborigènes pour la chasse, les migrations saisonnières et le commerce, indique Ku Cheng-ching. « Ceux qui parcourent ces chemins voyagent littéralement dans le passé et font l’expérience d’images et de sons qui ont survécu à la marche du temps. »

Des mémoires vivantes

En tant qu’historien amateur enthousiaste et assoiffé de culture, Ku Cheng-ching n’hésite pas à passer ses journées à faire des recherches et publier des textes sur le développement culturel, économique, politique et social de Miaoli. Une part importante de cette démarche a consisté à enregistrer, il y a 20 ans de cela, les souvenirs de 193 personnes âgées.
 
« Beaucoup des personnes interviewées, aux origines très diverses, sont malheureusement décédées depuis, explique Ku Cheng-ching. Mais leurs expériences et points de vue sont préservés pour la postérité et sont des sources d’une valeur inestimable. »
 
Huang Ding-song [黃鼎松], conférencier à l’Université communautaire et à l’Université nationale unie de Miaoli, partage la passion de Ku Cheng-ching pour la documentation du riche et coloré paysage culturel du district de Miaoli. « Miaoli regorge de biens culturels matériels et immatériels, spécialement ceux relatifs à la culture hakka », précise-t-il.

La gare de Shenghsing, à Sanyi, a été construite en 1906 pour transporter du charbon, de l’huile de citronnelle et des fruits. Elle est aujourd’hui une destination touristique prisée. (Photo : Chuang Kung-ju / MOFA)

Tout aussi optimiste concernant la réalisation du projet d’Avenue romantique hakka, Huang Ding-song considère qu’il s’agira d’une précieuse plateforme pour améliorer les sites culturels et touristiques mais aussi s’emparer de l’histoire culturelle des communautés hakkas. Il travaille actuellement à un livre sur l’histoire de Miaoli et espère que le projet pourra s’inscrire comme la conclusion de cet ouvrage.
 
« J’en suis à un tiers et c’est une course contre la montre, explique le septuagénaire. En tant que natif de Miaoli, je me sens obligé d’arriver au bout de cette tâche afin de permettre à plus de personnes de connaître cette unique partie du monde. »

Les plus lus

Les plus récents