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Briser le plafond de verre universitaire

29/06/2019
Des étudiants se concentrent sur le test thématique avancé (AST), le 1er juillet 2018 au lycée municipal Jianguo de Taipei.
CNA

Les réformes de l’examen national d’entrée à l’université doivent permettre aux étudiants d’emprunter diverses voies afin de concrétiser leurs ambitions académiques.

C’est le début du mois de juillet 2018 à Taipei, et les élèves du lycée affilié à l’Université nationale normale de Taiwan (HSNU) sont installés dans le noir d’un auditorium pour écouter attentivement un professeur tandis que celui-ci fait défiler des questions de chimie projetées sur un écran de la salle. Il ne s’agit pas là d’un retour exceptionnel sur les bancs de l’école pendant la période des vacances d’été mais d’une conférence prenant place dans le cadre d’une série d’activités facultatives visant à préparer les étudiants au test général d’aptitude scolaire (GSAT), l’examen principal d’entrée à l’université à Taiwan.

De tels programmes sont mis en œuvre chaque année dans les écoles du pays afin d’aider les adolescents à préparer le GSAT. Organisé en janvier, cet examen est la principale voie d’entrée dans les 70 établissements d’enseignement supérieur et de recherche du pays. Le GSAT se composait jusque-là de cinq épreuves obligatoires de chinois, d’anglais, de mathématiques, de sciences naturelles et de sciences sociales, or à partir de 2018, les candidats ont eu la possibilité de se dispenser d’une ou plusieurs d’entre elles. Ce changement vise à permettre au processus d’admission à l’université de mieux refléter les aptitudes naturelles des candidats.

Avant cette réforme, les universités avaient pour habitude de ne prendre en considération que la seule note totale moyenne des cinq épreuves. Cela pouvait potentiellement empêcher par exemple un étudiant doué en mathématiques d’accéder à cette discipline dans le supérieur en raison de ses faibles connaissances en chinois ou en sciences sociales. Avec le nouveau système, les universités décident des épreuves prises en considération pour l’accès à leurs différents départements, permettant ainsi aux étudiants de se dispenser des épreuves n’étant pas requises.

Cette récente évolution est la dernière d’une série de réformes du système national d’entrée à l’université. Amorcées dans les années 1990, ces mesures ont permis de remplacer un examen unique d’admission par un système multicanal diversifié visant à aider le plus grand nombre d’étudiants à atteindre leurs objectifs académiques.

Wang Shu-li (à d.), directrice du lycée affilié à l’Université nationale normale de Taiwan, à Taipei, discute avec des membres du club de recherche médicale. (Photo : Huang Chung-hsin / MOFA)

Mettre en valeur les talents

« Il y a trente ou quarante ans, la société pensait qu’il était efficace et juste d’utiliser une norme unique pour évaluer les étudiants, explique Hocheng Hong [], président de l’Université nationale Tsing Hua (NTHU), à Hsinchu dans le nord de Taiwan. Depuis lors, il y a eu un changement de paradigme vers un modèle pluraliste d’apprentissage et de recrutement dans le supérieur. »

En tant que président du comité mixte de la commission de Recrutement universitaire (JBCRC) basée à l’Université nationale de Taiwan (NTU), à Taipei, Hocheng Hong est en charge de la gestion des admissions dans ce contexte de flexibilité grandissante. Cette mission convient tout à fait à l’universitaire qui avait déjà au cours de sa carrière mis en œuvre certaines des plus importantes améliorations apportées au système.

En 2007, la NTHU a lancé le programme révolutionnaire Stars et Hocheng Hong, qui était alors à la tête du Bureau des affaires étudiantes, en a supervisé les débuts. Avec pour but affiché de réduire les disparités d’admission entre les zones urbaines et rurales, ce mécanisme consiste à considérer prioritairement le classement des lycéens dans leurs écoles respectives, celui-ci étant déterminé par toutes les notes acquises lors des évaluations effectuées au cours des deux premières années de lycée.

Avant la mise en place de ce programme, les élèves n’étant pas passés par les lycées les plus prestigieux du pays avaient très peu de chance d’accéder aux meilleures universités telles que la NTU ou la NTHU. Dès la première année, l’institution basée à Hsinchu avait admis grâce au programme Stars environ 150 nouveaux étudiants venus de 32 écoles à travers le pays. Depuis le dispositif a été étendu à toutes les universités du pays.

D’après Hocheng Hong, l’initiative se basait sur l’idée selon laquelle tous les lycées doivent être traités de manière égale. Cette approche était défendue par le président de la NTHU de l’époque, Shu Hsia-san [], et par le psychopédagogue Samuel Peng []. Avant de devenir professeur titulaire dans cette université, Samuel Peng avait travaillé pendant plus de 20 ans pour le Centre national des données statistiques en éducation du ministère de l’Education des Etats-Unis. Une étude majeure qu’il y a réalisée montre que les notes obtenues au lycée sont l’indicateur le plus déterminant pour la réussite des étudiants dans le supérieur, devançant ainsi des facteurs tels que l’environnement familial et les résultats au SAT (test standardisé utilisé dans le processus d’admission à l’université aux Etats-Unis).

« Cette découverte fut pour moi déterminante, indique Hocheng Hong. Elle a mis en évidence le fait que les élèves qui réussissent au lycée continuent à briller à l’université car ils possèdent des qualités telles que la motivation d’apprendre et la bonne gestion du temps. » Une étude du JBCRC portant sur les résultats scolaires de plus de 400 000 étudiants admis dans les universités taiwanaises entre 2011 et 2014 a ainsi de la même façon démontré que les étudiants entrés à l’université via le programme Stars devançaient par leurs résultats les étudiants qui avaient été sélectionnés par d’autres biais.

Wang Hsiou-huai [], professeure au Centre pour la formation des enseignants de la NTU, a réalisé une enquête auprès des étudiants de son université sélectionnés à travers le programme Stars afin d’expliquer pourquoi ceux-ci obtiennent de meilleurs résultats dans le supérieur. Les données collectées et les entretiens réalisés semblent indiquer qu’ils possèdent un plus grand sens de la mission à accomplir ainsi qu’une plus grande diligence dans leur travail scolaire.

« Leurs très bons résultats au lycée leurs ont permis de développer une grande confiance en soi et une disposition spécifique pour les activités universitaires, précise Wang Hsiou-huai. En substance, un gros poisson dans une petite marre ne devient pas un petit poisson dans une grande marre. » La professeure salue également le programme Stars comme étant un moyen efficace d’encourager les étudiants à s’inscrire dans les lycées les plus proches de leur domicile plutôt que parcourir de longues distances pour chercher des alternatives plus prestigieuses.

L’Université nationale de Taiwan et les autres établissements d’enseignement supérieur de prestige bénéficient d’une population étudiante plus diversifiée depuis le lancement des voies d’accès à l’université multiples. (Photo : Huang Chung-hsin / MOFA)

Des voies d’accès multiples

Outre le programme Stars, le système national d’entrée à l’université offre deux autres principales voies d’accès aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche. A travers le processus de candidature personnalisée, les étudiants peuvent postuler à un maximum de six départements universitaires, en utilisant pour cela leurs résultats au GSAT. Si leurs résultats sont bons, il leur sera généralement demandé de présenter un portfolio précisant leurs activités extrascolaires ainsi que leurs résultats dans le cadre de compétitions académiques ou sportives et de passer un entretien, l’ensemble permettant éventuellement d’être admis dans un établissement.

Les élèves ne parvenant pas à obtenir une place dans une université de leur choix à travers ce processus peuvent passer le test thématique avancé (AST). Organisé au cours de l’été, il comprend un total de 10 épreuves au sein desquelles les étudiants choisissent en général trois à six matières en fonction des exigences et des coefficients requis par les départements d’université voulus. Environ 30 % des étudiants à l’université obtiennent leur admission grâce à l’AST, 15 % entrent via le programme Stars et le reste est sélectionné à travers le processus de candidature personnalisée.

En 2018, le ministère de l’Education a en outre ouvert une nouvelle voie d’accès à l’université, permettant aux étudiants faisant preuve de qualités exceptionnelles dans certaines matières de candidater dans les départements universitaires de ces domaines sans avoir à passer le GSAT. Conduit à titre d’essai pendant une période de 3 ans, ce programme a constitué 1 % des admissions en 2018.

Selon Wang Shu-li [], directrice du lycée affilié de l’Université nationale normale de Taiwan (HSNU), le développement d’une plus grande diversité des procédures de candidature représente un progrès majeur pour la promotion de la justice sociale et de l’équité en matière d’éducation. « Les personnalités et les points forts des étudiants sont très divers, et il est normal que leurs capacités individuelles et leurs compétences pratiques soient prises en compte », insiste-t-elle.

Lio Mon-chi [], président du Centre pour l’examen national d’entrée à l’université en charge de l’élaboration et de la distribution des sujets du GSAT et de l’AST, basé sur le campus de la NTU, explique que la suppression du système d’examen unique a permis de réduire la pression qui s’exerce sur les lycéens. « Les épreuves subissent également des réformes afin de leur permettre d’être plus proches de la réalité quotidienne et des cursus universitaires », ajoute-t-il.

Ces dernières années, les épreuves d’entrée à l’université à Taiwan ont inclus des sujets n’étant pas nécessairement issus des manuels scolaires. Parmi ceux-ci on trouve par exemple une question de l’épreuve de sciences naturelles du GSAT de 2018 évaluant la capacité des candidats à interpréter les données météorologiques relatives à un typhon. L’AST de juillet 2018 comprenait lui dans l’épreuve de physique une question obligeant les élèves à appliquer les théories étudiées en classe pour expliquer le fonctionnement d’objets usuels tels que le thermomètre auriculaire et le four à micro-ondes.

« Les épreuves nécessitent dorénavant une compréhension globale et la mise en pratique des concepts de base, précise Lio Mon-chi. S’il est impossible de se départir complètement des évaluations, nous devons alors tout au moins les améliorer afin qu’elles favorisent des méthodes d’apprentissage et d’enseignement plus efficaces. »

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