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Une histoire revisitée du patrimoine architectural taiwanais

26/10/2019
Quelques croquis des édifices patrimoniaux communautaires de Taiwan par l’architecte Chan I-chung, conseiller principal pour le Plan de préservation et de revitalisation des bâtiments privés anciens du ministère de la Culture.
Aimable crédit de Chan I-chung

Des projets de restauration du patrimoine contribuent à la revitalisation locale à travers Taiwan.

L’architecte Chan I-chung [詹益忠] s’est donné pour mission de protéger et de redynamiser les édifices patrimoniaux communautaires de Taiwan. En tant que conseiller principal pour le programme de restauration du ministère de la Culture, il a sillonné le pays ces dernières années afin de visiter de nombreux bâtiments privés. S’il les juge importants d’un point de vue esthétique, culturel ou historique, ses propriétaires pourront prétendre à des subventions publiques pour les aider à payer les frais de rénovation.

C’est ainsi qu’en novembre 2018, Chan I-chung s’est retrouvé dans une ancienne pharmacie du quartier de Xinhua, à Tainan, dans le sud de Taiwan. Construit en 1931 pendant la période coloniale japonaise (1895-1945), le bâtiment est aujourd’hui un centre culturel local et sert de lieu de rassemblement pour des programmes et des ateliers d’éducation communautaire. Chan I-chung fut alors surpris par l’état de préservation des différents éléments de la bâtisse et par son caractère unique, la décrivant dans son évaluation comme l’incarnation de « l’histoire sur sept générations de la médecine occidentale à Xinhua ». Ses conclusions comprenaient une liste de réparations indispensables comme la modernisation du système de drainage du toit et des mesures de contrôle des termites afin de protéger la structure en bois d’origine.

L’avis positif de Chan I-chung a permis aux propriétaires de faire une demande d’aide auprès du ministère de la Culture dans le cadre du Plan de préservation et de revitalisation des bâtiments privés anciens. Lancé il y a deux ans, ce programme est ouvert à toutes les constructions érigées au plus tard en 1971. Les candidats retenus reçoivent des conseils techniques de la part d’experts comme Chan I-chung et des fonds pouvant atteindre jusqu’à 50 % des frais de rénovation. Les subventions peuvent en fait aller jusqu’à 80 % des sommes engagées s’il existe des circonstances spécifiques, comme un potentiel classement en tant que site historique par le gouvernement ou une collectivité locale. Jusqu’à présent, environ 600 millions de dollars taiwanais (19,4 millions de dollars américains) ont été distribués à travers cette initiative.

En favorisant la préservation des sites culturels qui ne sont pas classés, le projet du ministère de la Culture promeut le renouveau urbain tout en sauvegardant les caractéristiques des quartiers et villages. La seule exigence majeure pour les propriétaires est de maintenir les bâtiments dans leur état rénové pour une période de trois à dix ans, selon le niveau des subventions reçues. L’obligation de dix ans s’applique aux constructions ayant bénéficié d’aides publiques de plus de 5 millions de dollars taiwanais (161 300 dollars américains).

« Les propriétaires de bâtiments patrimoniaux anciens, spécialement en zones urbaines, sont souvent sous la pression de vendre le bien à des promoteurs qui cherchent à utiliser le terrain pour construire des appartements ou des ensembles de bureaux modernes, explique Chan I-chung. En leur apportant aide financière et soutien, nous espérons raviver l’enthousiasme pour l’histoire locale et cultiver une nouvelle façon de penser la propriété immobilière. »

Un train passe sur la nouvelle ligne surélevée de Taichung, non loin de l’ancienne gare de la ville. (Aimable crédit de Lin Yi-jie)

Une stratégie tournée vers l’avenir

Le Plan de préservation et de revitalisation des bâtiments privés anciens fait partie d’une nouvelle vague de financements à Taiwan destinés à préserver le patrimoine. Cela n’est pas sans lien avec le volet « Développement urbain et rural » du Plan de développement des infrastructures d’avenir (FIDP), une initiative globale visant à anticiper les besoins de Taiwan en infrastructures clefs pour les 30 années à venir. La composante de l’urbain et du rural doit permettre d’améliorer la qualité de vie dans les villes et les communes du pays.

Le premier programme de restauration du patrimoine réalisé dans le cadre du FIDP est le Projet de réhabilitation des sites historiques (RHSP). Supervisé par le bureau du Patrimoine culturel du ministère de la Culture, il prévoit la redynamisation de 30 lieux historiques classés au niveau local ou national. A Tainan, cela concerne le réservoir de Wushantou, qui faisait partie d’un système d’irrigation de la plaine de Chianan pendant la période coloniale japonaise, et la zone culturelle Chihkan, la plus ancienne zone urbaine de Taiwan datant de l’établissement d’une colonie de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales au XVIIe siècle.

Selon le directeur général du bureau du Patrimoine culturel, Shy Gwo-long [施國隆], un total de 6,4 milliards de dollars taiwanais (206,5 millions de dollars américains) ont été alloués aux projets du RHSP jusqu’à la fin de l’année 2020. « Cela marque une nouvelle approche en matière de développement des infrastructures à Taiwan, indique-t-il. C’est une stratégie globale de revitalisation des communautés qui met à profit les ressources artistiques, culturelles, historiques et même technologiques existantes. »

Une visite du bureau du Patrimoine culturel permet de mieux comprendre ce concept. Les locaux du bureau sont installés au cœur des 5,6 hectares du Parc du patrimoine culturel, une ancienne brasserie datant de l’époque coloniale japonaise qui a été reconvertie en une salle d’exposition, un forum et une salle de spectacles. Située à Taichung, l’infrastructure fait partie d’un projet de grande ampleur du RHSP visant à insuffler un nouvel élan commercial et culturel aux vieux quartiers des centres-villes taiwanais. Les principales cibles de cet effort sont les vieux bâtiments administratifs et les anciennes gares.

Stimuler l’économie locale est également un objectif du RHSP dans le district d’Yilan, dans le nord-est de Taiwan. Ici, une autre usine de production datant de l’ère japonaise renaît actuellement sous l’identité du Parc culturel et créatif Chung Hsing. Abritant autrefois le premier producteur de papier du pays, le lieu accueille aujourd’hui un centre d’incubation de start-up, et de multiples équipements artistiques, commerciales et d’exposition sont en préparation.

Le Parc créatif Huashan 1914 de Taipei compte parmi les réhabilitations adaptées les plus réussies du pays. (Photo : Huang Chung-hsin / MOFA)

Exhumer le passé

Le RHSP ne se réduit pas à la remise à neuf d’anciens bâtiments. Il s’agit aussi de faire découvrir et de sensibiliser à l’histoire locale, comme l’explique Shy Gwo-long en citant l’exemple d’un projet en cours à Keelung. Sur les côtes de cette cité portuaire du nord de Taiwan se trouve l’île de Heping, où les Espagnols ont construit en 1626 le fort San Salvador. Grâce aux fonds du RHSP, une étude archéologique a pu être entreprise sur le littoral et sur le site où s’élevaient les fortifications depuis longtemps disparues. L’objectif est d’identifier des vestiges encore inconnus et de déterminer comment mettre en valeur le rôle de lieu de rencontre précoce avec les navigateurs occidentaux qu’a tenu Keelung. « Nous espérons grâce à cette histoire unique réussir à susciter la fierté des habitants de Keelung et fournir un contexte culturel au développement régional », précise Shy Gwo-long, en ajoutant que des solutions technologiques comme la réalité virtuelle et augmentée peuvent contribuer à faire revivre le passé.

Au Parc culturel et créatif Chung Hsing d’Yilan, la mise en valeur de l’histoire régionale est tout autant un objectif central. Les plans de rénovation comprennent le développement d’un lieu d’exposition destiné à accueillir les quelques 2 millions d’artefacts découverts sur le site archéologique national voisin de Nan’ao.

Lo Shih-chieh [羅士傑], professeur associé du département d’histoire à l’Université nationale de Taiwan et consultant pour le RHSP, déclare que la construction de cette infrastructure qui devrait ouvrir ses portes en 2022 souligne la différence entre les anciennes et les nouvelles approches des programmes de restauration des complexes industriels de l’ère japonaise. Les rénovations antérieures de lieux comme le Parc créatif Huashan 1914 de Taipei, l’une des réhabilitations les plus réussies du pays, portaient principalement sur la transformation de vieux bâtiments en nouveaux lieux artistiques et commerciaux. A l’inverse, les initiatives du RHSP comportent d’importants fonds destinés aux recherches archéologiques et culturelles et dont les résultats jouent un rôle central dans la planification et la conception d’un site, ajoute-t-il.

Plusieurs chantiers du RHSP se consacrent exclusivement à la restauration ou à la recréation d’infrastructures historiques. Une entreprise de ce type à Yilan devrait faciliter la mise en valeur des vestiges de trois lignes de défense construites par les Japonais sur la plaine de Lanyang au moment de la seconde guerre mondiale pour se protéger d’un éventuel débarquement des forces alliées. Un autre projet prenant place dans le quartier de Beitou, à Taipei, consiste à réaménager les sources thermales construites durant l’ère japonaise ainsi que les équipements militaires américains datant de la guerre froide.

Mis bout-à-bout, les projets du RHSP devraient fournir un aperçu complet de l’histoire de Taiwan et de la manière dont l’ile a été façonnée par une variété de puissances étrangères et de forces géopolitiques, explique Lo Shih-chieh. « Le but n’est pas d’idéaliser le passé mais plutôt d’améliorer la compréhension de la complexité de l’évolution et du rôle de Taiwan dans les affaires mondiales au cours des siècles. »

En intégrant les arts, l’économie et l’histoire des lieux, les projets du Parc culturel et créatif Chung Hsing, de la Zone culturelle Chihkan et du centre ancien de la ville de Taichung offrent un nouveau modèle de régénération des communautés à Taiwan. « C’est une approche ascendante qui s’appuie sur le savoir des habitants et des universitaires locaux mais aussi sur les secteurs culturels », résume Shy Gwo-long.

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