08/05/2024

Taiwan Today

Deux rives

Taiwan-Chine, une fratrie ou des amis ? De la métaphore en relations internationales

12/04/2010
Alors que Wen Jiabao, le Premier ministre chinois, a récemment décrit les relations entre la Chine et Taiwan comme une relation entre « frères », les universitaires taiwanais se sont interrogés sur les implications de cette métaphore dans la perspective d’une intégration des deux rives du Détroit. Alors que Ma Ying-jeou, le chef de l’Etat, préfère décrire les relations entre les deux rives comme appartenant à une seule « nation chinoise » et appartenant au « peuple chinois », le Premier ministre chinois qualifie régulièrement les relations entre les deux rives de « fraternelles », notamment lors de la session de clôture de l'Assemblée nationale populaire. Le terme a été repris, hier, par Fredrick Chien, l’ancien président du Yuan de Contrôle à Taiwan, qui menait la délégation taiwanaise au forum de Boao en Chine. « Les deux rives devraient être frères et non ennemis », a-t-il déclaré samedi après sa rencontre avec Xi Jingping, le vice-président chinois. Récemment, une conférence organisée par l’Academia Sinica, le prestigieux institut de recherche taiwanais, a posé la question des implications politiques de cette métaphore typiquement chinoise. Sur un plan culturel, une relation fraternelle suppose l’appartenance à une même famille, ce qui suppose une assistance mutuelle et le partage des mêmes valeurs, ont noté les universitaires qui participaient à cette conférence. Pour Chang Ya-chung, qui enseigne les sciences politiques à l’Université nationale de Taiwan (NTU), l’idée de fraternité implique également une égalité dans les rapports. Alors qu’il préfère décrire la relation que Pékin a nouée avec Hongkong comme une relation de « père à fils », il interprète la théorie d’un « peuple chinois » du président de la République comme une relation de « cousinage ». L’universitaire préfère proposer la théorie d’« une Nation, trois constitutions » pour servir de socle à une intégration des deux rives du Détroit. Pour Günter Schubert, de l’Université de Tübingen en Allemagne, le terme de « relation fraternelle », n’est pas clair et suppose que les relations entre les deux rives tiennent des affaires familiales excluant ainsi le monde extérieur. Il souligne en outre que le terme est difficile à appréhender pour les étrangers et qu’il serait plus compréhensible de penser l’intégration des deux rives d’un point de vue « d’une relation amicale ». Ho Szu-shen, de l’Université catholique Fu Jen, estime plutôt que quelle que soit la métaphore utilisée, c’est la confiance qui doit être à la base des relations entre les deux rives, son absence rendant caduque n’importe quelle théorie ou métaphore. Enfin, Joseph Wu, de l’Université nationale Chengchi, souligne qu’il faut prendre en compte la possibilité d’un retour au pouvoir du Parti démocrate-progressiste (DPP). Si le DPP est partisan d’une coexistence pacifique avec la Chine, il n’est pas prêt d’accepter le principe d’ « une seule Chine » ou le « consensus de 1992 ». Un des caciques du parti, et ancien conseiller de Chen Shui-bian, Koo Kuan-min a accepté l’idée que la Chine puisse faire office de « grand frère », si cela suppose une obligation de soutien de sa part. Néanmoins, beaucoup au DPP refusent de qualifier les relations entre les deux rives autrement qu’en ayant recours à l’idée d’une relation « amicale ». Joseph Wu, qui a également assumé les fonctions de ministre des Affaires continentales sous la présidence de Chen Shui-bian, a rappelé que Tokyo et Washington souhaitaient voir le DPP faire évoluer la plate-forme politique de son parti d’autant plus que celle-ci contient encore une résolution en faveur de l’indépendance de Taiwan.

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