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Des orchidées par poignées

14/10/2017
Aimable crédit de la Station de recherche agricole de Kaohsiung
Une chaîne de production complète, un savoir-faire hors pair en matière de croisements et de sélection : la ville de Tainan, dans le sud de Taiwan, abrite l’un des clusters de culture des orchidées les plus dynamiques au monde.
 
Le Salon international de l’orchidée de Taiwan (TIOS) 2017 s’est tenu en mars à la Plantation d’orchidées de Taiwan (TOP), située dans l’arrondissement de Houbi, à Tainan, dans le sud de Taiwan. Plus de 240 000 visiteurs – un record – se sont pressés pendant les 10 jours qu’a duré cet événement annuel, auquel participent des professionnels et des spécialistes de plus de 30 pays. Ceux-ci viennent au salon pour passer commande, admirer les orchidées primées, développer leur réseau et mieux connaître les acteurs d’un des secteurs-clés pour les exportations taiwanaises.
 
Depuis sa création en 1998, le TIOS a augmenté régulièrement en taille pour devenir l’un des principaux salons de ce type dans le monde, aux côtés du Festival du Grand Prix international des orchidées du Japon, à Tokyo, et de la Conférence mondiale des orchidées, événement que Taiwan doit accueillir en 2020. Ces dernières années, le salon a régulièrement vu les acheteurs étrangers passer pour jusqu’à 10 milliards de dollars taiwanais (plus de 330 millions de dollars américains) de commandes, lesquelles sont honorées au cours des trois à cinq années suivantes, explique l’organisateur, la Fondation de recherche et développement de l’Université nationale Cheng Kung (NCKU), à Tainan.
 

De nouveaux hybrides d’orchidées sont régulièrement mis au point par Taisugar, à Tainan. (Photo : Huang Chung-hsin / Taiwan Review)

Leardership mondial
Le rôle prédominant joué par Taiwan dans la structuration des tendances du marché mondial des orchidées a été souligné par la présidente de la République, Tsai Ing-wen [蔡英文], lors de l’inauguration de l’édition 2017. Alors que les exportations de cette fleur ont atteint l’an dernier 5,57 milliards de dollars taiwanais (184,4 millions de dollars américains), soit 90% de la production nationale, la promesse de la chef de l’Etat de contribuer à préserver la place internationale de Tainan dans le développement des variétés et la fourniture de semences prend tout son sens.
 
A l’heure actuelle, les principales destinations à l’export des orchidées de Taiwan sont les Etats-Unis, le Japon et l’Union européenne, dans cet ordre. La présidente a indiqué que l’Etat allait renforcer sa promotion de la collaboration et des échanges avec ces marchés désormais bien établis, mais aussi avec les marchés émergents, qu’il s’agisse des pays membres de l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) ou de l’Amérique centrale et du Sud. A cet effet, Tsai Ing-wen a annoncé la création, prévue pour la fin 2017, d’un Centre de services pour le commerce des variétés d’orchidées de Taiwan. Ce projet collaboratif entre la municipalité de Tainan et l’Association des producteurs d’orchidées de Taiwan (TOGA) représente un cluster de 60 producteurs installés sur les 175 ha de la TOP.
 
Le centre s’appuiera sur les ressources du secteur universitaire régional, à commencer le Centre de recherche et développement sur les orchidées de la NCKU. Ce dernier a formé il y a quatre ans l’Alliance industrie-université pour les biotechnologies et la créativité appliquées aux orchidées, laquelle regroupe d’autres établissements tels que l’Université nationale de Taiwan, à Taipei, l’Université nationale de Chiayi, et l’Université nationale Chung Hsing. Membre du centre de recherche de la NCKU, Chen Wen-huei [陳文輝] conseille l’alliance dans son combat pour la compétitivité du secteur taiwanais des orchidées, en renforçant ses capacités opérationnelles dans les domaines de la sélection et de la culture des pieds, de la lutte contre les maladies, de la gestion des serres et de la nutrition des plantes.
 

Les orchidées commencent leur vie comme tissus végétaux cultivés dans des fioles en verre. (Photo : Chang Su-ching / Taiwan Review)

Surmonter les obstacles
« Nous faisons face, sur le marché américain, à une concurrence accrue des Pays-Bas », explique Chen Wen-huei qui enseigne également au département des Sciences de la vie et à l’Institut des sciences des plantes tropicales de la NCKU. A présent, 30% des exportations taiwanaises d’orchidées sont à destination des Etats-Unis, où elles couvrent 70% de la demande locale. Avant tout, ce sont des plants qui sont exportés, principalement de Phalaenopsis que Taiwan expédie vers 87 Etats et territoires, précise-t-il.
 
Jusqu’en 2006, le principal marché à l’export pour les orchidées était le Japon, lequel importe encore depuis Taiwan de grandes quantités de tiges coupées d’Oncidium. Toutefois, depuis que les Etats-Unis ont donné leur feu vert, en janvier 2005, à l’importation depuis Taiwan de plants de Phalaenopsis avec leur milieu de culture, les exportations vers cette destination ont décollé, relate Chen Wen-huei.
 
Cette autorisation a été accordée à la condition que les orchidées soient cultivées dans des serres aseptisées répondant aux normes américaines. Ces règles sont aujourd’hui rigoureusement suivies par des entreprises comme Char Ming Agriculture, l’une des plus grandes implantées au sein de la TOP, et un membre-clé de la TOGA. Autrefois, dit Chen Wen-huei, les plants de Phalaenopsis devaient être nettoyés avant transport pour éviter la transmission de maladies phytosanitaires, ce qui avait pour conséquences un faible taux de survie, de longues périodes de convalescence et une baisse de la qualité. C’était encore récemment le cas pour les plants d’Oncidium, jusqu’à ce que les Etats-Unis n’étendent à ces derniers, en mars 2016, les règles prévalant pour les Phalaenopsis.
 

Des employés de Char Ming mettent des plants en pots. (Photo : Huang Chung-hsin / Taiwan Review)

Chen Wen-huei a fait ses premières armes dans le domaine des orchidées en tant que chercheur pour la division agroalimentaire de Taiwan Sugar (Taisugar), entreprise publique dont le siège est à Tainan. Il était alors chargé d’étudier la culture de la canne à sucre et des Phalaenopsis. Su Chien-yuan [蘇建元], chef de la division, explique que dans les années 70, au moment du décollage économique de Taiwan, les cultivateurs amateurs ont commencé à collecter des espèces d’orchidées pour produire, grâce aux techniques de croisement et de sélection, des variétés uniques. Ils se sont organisés en clubs pour partager leur savoir-faire et leurs expériences, avant que des pépinières d’orchidées n’apparaissent dans les années 80 à travers le pays pour commercialiser ces croisements sur le marché local, en petites quantités et à des prix élevés.
 
Echelle industrielle
Dans les années 90, Taisugar a introduit à Taiwan des systèmes de serres utilisés aux Pays-Bas, et construit des équipements programmés pour contrôler l’humidité, la lumière et la température. Cela a constitué le socle du modèle de production commerciale de masse suivi par les entreprises taiwanaises spécialisées dans les Phalaenopsis et orientées vers les exportations. « Grâce à la grande variété des hybrides et à la longévité de leur floraison, ces orchidées sont rapidement devenues un élément essentiel du commerce horticole », dit Su Chien-yuan.
 

De la recherche de pointe est entreprise au Centre de recherche-développement sur les orchidées de la NCKU. (Photo : Huang Chung-hsin / Taiwan Review)

L’activité de production d’orchidées de Taisugar a véritablement décollé à la fin des années 80, grâce au croisement d’une espèce endémique de Taiwan avec une autre venant du Japon. L’entreprise possède aujourd’hui l’un des plus riches banques génétiques du monde, avec un catalogue contenant 48 espèces endémiques parmi les 63 connues dans le monde. De nouveaux hybrides sont régulièrement créés par Taisugar et mis en production dans les serres de l’entreprise grâce à une procédure de duplication des tissus à grande échelle. La technique, parfaitement maîtrisée, est désormais largement employée, différentes exploitations prenant en charge différentes étapes de la production, lesquelles s’étalent sur plusieurs années.
 
Char Ming Agriculture, par exemple, cultive les plants de grande taille destinés à l’export. Mais l’entreprise n’intervient qu’à la fin d’un cycle de production qui a commencé dans des laboratoires avec la culture de tissus dans des fioles en verre. Les plantes sont ensuite confiées à des producteurs spécialisés dans la culture en pots souples. L’ensemble du processus peut prendre plus de quatre ans avant que la plante n’atteigne une taille suffisante pour être exportée.
 
Coopération étroite
Lee Tsang-yu [李蒼裕], le PDG de Char Ming Agriculture, dit que la TOP n’a pas ménagé ses efforts pour placer le cluster sur la voie d’une chaîne d’approvisionnement complète. Ancien président de la TOGA, Lee Tsang-yu a lui-même débuté dans le métier comme horticulteur amateur. Il est aujourd’hui ravi d’observer le renforcement des liens entre les entreprises intervenant aux différents stades de la production. « Elles sont liées les unes aux autres davantage sur le mode de la coopération et de la complémentarité que sur celui de la concurrence », note-t-il.
 

De nombreuses espèces d’orchidées sont exposées chaque année au Salon international de l’orchidée de Taiwan, à Tainan. (Photos : Huang Chung-hsin / Taiwan Review)

Entièrement opérationnelle depuis 2012, la TOP loue aux producteurs des serres bien équipées et contrôlées par ordinateur, fournit de manière accessible des prêts à taux bonifiés, ainsi qu’une plateforme pour les échanges commerciaux. Cette approche a contribué de manière significative au succès du cluster, et a permis au secteur de rester sur les rails de la croissance, en dépit d’une concurrence étrangère intense. Selon Lee Tsang-yu, l’une des raisons de cette réussite est la concentration au sein de la TOP d’une vaste étendue de terres agricoles. Dans le secteur agricole à Taiwan, argumente-t-il, les économies d’échelle sont rarement possibles, en raison du morcellement des terres en petites parcelles.
 
Mais Lee Tsang-yu ne sous-estime pas non plus l’apport du monde universitaire aux avancées accomplies par le secteur dans son ensemble. Les instituts universitaires ont renforcé en particulier les capacités de recherche fondamentale du secteur. Un projet majeur, achevé en 2014 par le centre de la NCKU, a consisté à décoder le génome de Phalaenopsis equestris, une orchidée endémique de Taiwan que l’on trouve principalement sur Lanyu, la si bien nommée île des Orchidées, située au large des côtes sud-est de Taiwan. Cette découverte a permis de cibler les gènes impliqués dans les vulnérabilités des plantes à l’égard des maladies et des parasites.
 
Concernant le cluster de culture des orchidées soutenu par la TOP et sa contribution à la santé et à l’avenir du secteur tout entier, Lee Tsang-yu dit que le mérite revient avant tout aux individus impliqués dans cette entreprise. Toutefois, pour faire progresser encore ce secteur, la participation de tous est nécessaire. « La coopération à l’œuvre entre les secteurs universitaire, public et privé est indispensable si le secteur veut réaliser tout son potentiel. »

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