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La ferme de Monsieur Chan

01/04/2008
Chan Chun-chin est particulièrement fier d'être à la tête de la première ferme entièrement automatisée de l'île.

>> La Ferme Futien est la première ferme automatique de l'île

Située à Pingchen, dans le district de Taoyuan, la ferme Futien s'appuie sur l'automatisation pour faire passer l'agriculture à l'ère des hautes technologies.

Chan Chu-chin [詹朱金], 77 ans, en est le patron et le très efficace responsable des relations publiques. Depuis toutes ces années, parmi la foule qui a visité sa ferme, on compte un président de la République, des chefs d'Etat étrangers et un grand nombre d'agriculteurs taiwanais.

Faire seul le travail de 20 personnes

Sur les 3 ha que compte l'exploitation, 6 600 m2 sont consacrés à la culture des pousses de pois mange-tout, 8 000 m2 carrés à d'autres légumes et enfin 1000 m2 à la fabrication de compost. Chaque jour, il produit 1 t de pousses de pois mange-tout qui sont couramment consommés à Taiwan en salade ou sautés à la poêle et 400 kg de légumes organiques.

La pépinière à pousses de pois mange-tout s'étale sur 3 300 m2 de serre. Solidement conçue pour résister aux typhons, la serre est aussi équipée de vasistas automatiques dont la fonction est de maintenir des températures en dessous de 40°C. Des machines mettent en place, chargent et déchargent les plateaux de pousses et le système d'arrosage est entièrement automatisé, avec cinq actions programmées par jour, dont le dépoussiérage, le bain et le « massage » des cultures.

C'est aussi dans une structure totalement automatisée que germent les plants. Un ingénieux système mécanique sélectionne, désinfecte et rince les graines. Elles sont ensuite automatiquement placées sur un plateau à raison de 900 graines à l'heure, soit 20 fois plus rapidement que ce que peut accomplir un homme. Un wagonnet transporte les plateaux dans une pièce faiblement éclairée où les graines germent en l'espace de 3 ou 4 jours. Puis elles sont emportées vers la pépinière où elles resteront toute la durée du cycle de croissance. Elles atteignent une dizaine de centimètres de hauteur en quelques jours, puis sont récoltées, emballées et rafraîchies afin d'en préserver la saveur.

Il s'agit là d'une opération d'une incroyable efficacité. L'ensemble du processus de culture a été automatisé, depuis la récolte, le trempage des graines, la germination, jusqu'à l'emballage. La mise en route du système ne nécessite que la présence d'une seule personne, et la ferme ne compte que 6 employés au total.

Un effort d'investissement important

Il y a une vingtaine d'années, de telles installations étaient exceptionnelles à Taiwan. Chan Chun-chin travaillait alors dans le secteur de la construction. Il gagna beaucoup d'argent mais le paya de sa santé : il eut une attaque qui lui laissa la moitié gauche du visage paralysée. Durant son traitement médical, son médecin lui recommanda un régime fait de légumes organiques.

Doutant de la qualité des légumes en vente sur les marchés, le fils de Chan Chun-chin commença à cultiver lui-même des pois mange-tout. Au bout de 6 mois, son père alla beaucoup mieux, et il se mit lui aussi à cette culture.

« L'honnêteté est un point de départ dans l'agriculture. Les fermiers doivent avoir du respect pour le consommateur et se préoccuper de sa santé. Leur mission est de leur fournir des aliments de bonne qualité », souligne Chan Chun-chin qui estime que c'est là ce qui donne sa noblesse à la profession d'agriculteur.

Il n'aime pas l'agriculture qui requiert l'emploi d'une main-d'œuvre pléthorique. Chan Chun-chin et sa famille ont automatisé leur ferme il y a 13 ans. A cette époque, les services de l'agriculture et des forêts faisaient la promotion de la mécanisation des fermes. Le professeur Chen Suming [陳世銘], du département d'Ingénierie bio-industrielle de l'université nationale de Taiwan, avait été recruté avec plusieurs experts qui tournaient dans toute l'île pour conseiller les agriculteurs sur l'automatisation de leur exploitation. Chan Chun-chin, qui s'y connaissait déjà en matière de construction, fut très réceptif à leurs idées et s'engagea sans hésiter dans l'aventure.

La ferme Futien utilise du compost obtenu à partir de racines de pois mange-tout, créant ainsi un cycle de produc tion dans lequel rien n'est gaspillé.

« L'attitude du fermier qui prend cette décision est très importante, note Chen Suming. Monsieur Chan était enthousiaste, judicieux et visionnaire. Son projet se révéla la plus grande réussite des équipes d'experts qui conseillaient les agriculteurs à cette époque. » Il se souvient que les projets de mécanisation proposés par les services du ministère de l'Agriculture nécessitaient aussi l'implication financière des agriculteurs, censés apporter une part du capital d'investissement. Les experts ont d'abord sélectionné les exploi tations qui disposaient des meilleurs réseaux de distribution afin d'être sûrs que les prêts consentis puissent être remboursés dans un délai de 5 ans.

Chan Chun-chin investit plusieurs millions de dollars taiwanais et construisit une serre lourdement renforcée pour résister aux typhons. Plus tard, il se dota d'installations de stockage et d'emballage. L'augmentation de sa production lui permit de vendre directement à des supermarchés, supprimant les intermédiaires et obtenant les meilleurs prix de vente.

La partie de dés avec le ciel

Chan Chun-chin compare la gestion d'une exploitation agricole à une partie de dés avec le Ciel. « Si le Ciel décide de vous envoyer une pluie acide, vous l'aurez. La seule chose à faire face à la Nature, c'est de s'adapter », dit-il. Voir les racines de pois mange-tout gaspillés après la récolte heurtait aussi la conscience écologique de Chan Chun-chin. Il y a dix ans, il fut le premier à les utiliser pour fabriquer son propre engrais organique. « Comment peut-on utiliser du fumier pour produire des fruits et légumes organiques alors que cela contamine la production avec des antibiotiques, des insecticides et d'autres matières chimiques polluantes ? », s'insurge-t-il.

A la ferme, les racines sont mélangées avec des écorces de riz et du résidu de lait de soja. Chan Chun-chin y ajoute des enzymes et laisse la mixture reposer. En 6 mois, il obtient un parfait engrais organique.

Futien produit à l'heure actuelle 1 t de pousses de pois mange -tout par jour. « Le volume est plus élevé pendant l'été , explique Chan Chia-lung [詹家將], le quatrième fils de Chan Chan-chin. « Les supermarchés nous en demandent beaucoup, surtout après le passage d'un typhon, un moment où les stocks ne sont pas importants et les prix élevés. Nous produisons moins pendant l'hiver. En effet, à cause du climat plus stable durant cette période, les autres fermiers produisent de grandes quantités de légumes de bonne qualité. Le choix est plus important en hiver. »

Les amis de Chan Chun-chin se moquèrent de lui lorsqu'ils créa sa ferme automatique. Mais aujourd'hui, ils saluent en lui son caractère visionnaire.■

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