02/05/2024

Taiwan Today

Société

Interview : son ministre de la Santé explique les mesures prises par Taiwan contre le Covid-19

20/04/2020
Le ministre de la Santé et des Affaires sociales, Chen Shih-chung, est à la tête du CECC.
Photo : Lin Min-hsuan / MOFA
Le ministre de la Santé et des Affaires sociales, Chen Shih-chung [陳時中], a répondu aux questions de Taiwan Today, publication en ligne du ministère des Affaires étrangères en langue anglaise. Nous reproduisons ici une partie de cet entretien, traduite en français.
 
Taiwan voit ses efforts dans la lutte contre le coronavirus reconnus dans le monde entier. Quel est le secret de son succès relatif dans le contrôle de l’épidémie de Covid-19 ?
 
Chen Shih-chung : Nous avons beaucoup appris de l’expérience de Taiwan face à l’épidémie dévastatrice du syndrome respiratoire aigu sévère (Sras) en 2003, ce qui a contribué à structurer notre réponse actuelle au Covid-19.
 
Peu après l’épidémie de Sras, Taiwan a promulgué en 2004 la réglementation sur le Quartier général de lutte contre l’épidémie (CECC), laquelle donne au gouvernement le pouvoir d’établir ce centre de commandement ad hoc en cas d’urgences majeures de santé publique. Depuis lors, des améliorations ont été apportées à différents aspects du dispositif tels que la mise en œuvre d’un système de surveillance optimisé, le renforcement des contrôles aux frontières et des règles de quarantaine, ou encore l’amélioration du dépistage des maladies infectieuses.
 
Grâce aux leçons apprises et aux changements opérés, Taiwan est en vigilance constante et peut répondre promptement à une épidémie. De la sorte, bien qu’ayant au départ été considéré comme l’un des pays qui risquaient d’être les plus sévèrement touchés par le virus, en raison de notre proximité géographique avec la Chine, Taiwan a jusqu’ici constaté moins de cas que le Japon, la Corée du Sud, les Etats-Unis et de nombreux pays européens. Je pense donc que Taiwan mérite la reconnaissance qu’il a reçue de la communauté internationale.
 
Quelles sont les mesures spécifiques prises par Taiwan depuis l’apparition du Covid-19 ?
 
Dès que 27 cas de pneumonie d’origine inconnue ont été rapportés à Wuhan, en Chine, le 31 décembre 2019, Taiwan a décidé de mener des contrôles sanitaires à bord de tous les vols arrivant de Wuhan, l’épicentre de l’épidémie. Cela a constitué le premier pas décisif en vue de contenir efficacement la propagation de la maladie à Taiwan. Nous avons depuis pris des mesures pour minimiser le risque d’importation de cas, comme par exemple le suivi des personnes arrivant de zones à haut risque, et nous ajustons nos règles d’entrée sur le territoire national à mesure que la situation évolue.
 
Ralentir la propagation communautaire est une autre stratégie-clé. Nos autorités sanitaires et civiles travaillent en coordination avec la police pour gérer les personnes placées en isolement ou en quarantaine à domicile. Une telle collaboration interministérielle assure l’efficacité de ces mesures et allège le fardeau pesant sur les agences de santé publiques. Qui plus est, nous avons adopté [le 25 février] la Loi spéciale pour les mesures de prévention, d’aide et de revitalisation pour la pneumonie sévère aux nouveaux pathogènes, laquelle prévoit des amendes pour les personnes enfreignant les règles de quarantaine obligatoire, tout en accordant à ceux qu’il s’y soumettent une compensation financière.
 
Comment la technologie est-elle utilisée dans la lutte contre la maladie ?
 
Nous suivons la localisation des téléphones portables des individus placés en quarantaine afin de nous assurer qu’ils restent à la maison. Nous avons aussi croisé les bases de données de l’administration de l’Assurance-santé nationale (NHI), de l’agence nationale de l’Immigration et du Centre pour le contrôle des maladies de Taiwan. Par exemple, lorsqu’ils consultent le dossier médical d’un patient grâce à sa carte d’assuré social, les professionnels de santé sont alertés au cas où le patient a récemment visité une zone à haut risque ou est entré en contact étroit avec un cas confirmé de Covid-19. En l’absence de carte d’assuré social, le numéro de carte d’identité du patient peut être utilisé pour accéder à son historique de voyage et de contact avec des cas confirmés. Cela permet aux professionnels de santé d’avoir accès à toute l’information pertinente.
 
De plus, afin de prévenir toute ruée sur les magasins et d’assurer l’accès de tous à des masques chirurgicaux, les professionnels informatiques ont passé deux jours à modifier et à tester les bases de données de la NHI pour créer un système de distribution nominatif des masques. Ce programme a été lancé le 6 février et permet au public d’acheter dans les pharmacies affiliées à la NHI ou dans les centres de santé publique des masques à un prix standard selon un quota hebdomadaire en utilisant la carte d’assuré social. Cette initiative s’est révélée efficace à un moment où le monde est en pénurie d’équipements de protection individuelle.
 
Alors que le nombre de cas continuent de grimper dans le monde, comment Taiwan travaille-t-il à des découvertes médicales pouvant améliorer la situation ?
 
Peu de temps après l’apparition du Covid-19 à la fin de l’année dernière, l’Institut national de recherche sanitaire (NHRI) a lancé plusieurs projets pour combattre cette maladie. Seul organisme à Taiwan habilité à produire du sérum sanguin à partir de chevaux à qui on a injecté le virus, le NHRI prépare actuellement dans son Institut national de maladies infectieuses et de vaccinologie (NIIDV) un sérum équin pour le dépistage des patients du coronavirus en situation critique.
 
Concernant l’inoculation, le NIIDV se concentre sur la mise au point de vaccins peptidiques mais explore aussi d’autres pistes. Si tout se déroule comme prévu, les essais cliniques humains pourront débuter dans six mois. Le NIIDV développe aussi un test rapide utilisant des anticorps du Sras et capable de détecter le nouveau coronavirus.
 
L’Institut de biotechnologie et de recherche pharmaceutique du NHRI a quant à lui conduit des essais de synthèse du remdesivir, un antiviral expérimental considéré comme un traitement potentiel du Covid-19, et dont il a produit jusqu’à un gramme. Cela ouvre la voie à une production de masse en cas de foyer épidémique majeur à Taiwan. L’institut met aussi à contribution l’intelligence artificielle pour sélectionner les molécules les plus susceptibles de traiter avec succès le Covid-19, en mettant l’accent sur les médicaments efficaces contre le Sras et déjà disponibles sur le marché.
 
En quoi cette pandémie souligne l’importance d’une participation de Taiwan à l’Assemblée mondiale de la santé (AMS), l’organe décisionnel de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ? Quelles contributions Taiwan peut-il y faire ?
 
Sans Taiwan, la réponse globale à la pandémie est incomplète. Taiwan étant stratégiquement situé à la jonction de l’Asie de l’Est et du Sud-Est, notre absence des actions sanitaires internationales coordonnées peut avoir des conséquences désastreuses.
 
Nous savons par notre expérience du Sras que la coopération mondiale est indispensable pour combattre une maladie infectieuse. C’est pourquoi, en tant que membre responsable de la communauté internationale, Taiwan s’est engagé depuis le début de l’épidémie de Covid-19 à respecter Règlement sanitaire international et à rapporter à l’OMS chaque cas confirmé. Nous avons aussi tenu la Chine, le Japon, la Corée du Sud, Singapour et l’Union européenne au courant de la situation à Taiwan, tout en postant sur la base de données de l’Initiative globale GISAID l’information dont le pays disposait sur les séquences virales.
 
Admettre Taiwan à l’AMS permettra à nos représentants de mener des discussions avec les responsables de la santé publique du monde entier et d’accéder sans délai à l’information. Cela sera aussi une occasion pour Taiwan de partager notre expérience dans des domaines tels que le dépistage, le diagnostic, le contrôle aux frontières et la prévention des foyers d’infection communautaires. Pour éviter que la pandémie actuelle se répète et assurer de manière effective la sécurité sanitaire globale, le monde doit agir pour améliorer la communication et la transparence.

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