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La fin d'un chapitre

01/05/1994
La perte de la forteresse espagnole de Kilong aux mains des Hollandais se situe dans le contexte de la rivalité des deux empires coloniaux. En parlant des débuts de l'histoire coloniale de Taiwan, on pense toujours aux Hollandais1, mais jamais aux Espagnols vu que leur présence peut se raconter en quelques lignes seulement, à la fois parce qu'il n'y a guère eu de chercheurs qui se sont consacrés à l'étude de cette présence et parce que le peu de docu­ments la concernant qui a été publié ne l'a été qu'en castillan, ce qui a été une restriction aux travaux de publication. Par ailleurs, les études relatives aux Hollandais — qui y ont assurément entrepris une activité incomparablement plus dynamique que les Espagnols ­— ont été variées. Mais elles ont toutes un thème dont on ne parle guère : la rivalité qui s'est développée entre les deux puissances coloniales pour aboutir au remplacement des Espagnols par les Hollandais dans la partie septentrionale de l'île de Taiwan. C'est justement cette histoire que nous allons tenter de raconter brièvement.


Rivalités hispano-hollandaises

L'arrivée tant des Espagnols que des Hollandais à Taiwan répondait au même objectif d'un triple antagonisme politique, religieux et commercial entre ces deux nations qui étaient alors réunies — du moins d'un point de vue dynastique — sous la même tête couronnée des Autrichiens, encore qu'en réalité, les Hollandais jouissaient vraiment d'un état d'autonomie.2 Cette rivalité, sanglante en Europe, s'était aussi portée en Amérique où les Hollandais ont tenté de pénétrer dans les territoires sous domination espagnole, ainsi qu'en Extrême-Orient.

Au milieu de ces luttes, fut signé un accord précaire, la Trève de douze ans (1609), grâce à laquelle — et entre autres causes — la Hollande a pu se saisir de divers comptoirs et ports espagnols. Cette situation a été au grand avantage de la Hollande, car elle a pu accroître ses acquisitions d'argent pur en provenance de l'Amérique et ainsi financer ses voyages vers les Indes orientales. Or c'est justement cette même année qu'eurent lieu son arrivée et son établissement dans le port japonais de Hirado [平戶].

Mais, quelques années plus tôt, les Hollandais avaient manifesté un vif intérêt pour le commerce avec la Chine où la parité or-argent ne s'était pas en­core équilibrée avec le reste du monde. Par conséquent, le réal de huit espagnol, la monnaie d'argent qui jouait à l'époque le rôle du dollar américain aujourd'hui, avait une grande valeur d'attraction sur le marché chinois, d'autant plus que la Chine de la dynastie de Ming3 exigeait dans la plupart des cas le paiement des impôts en monnaie d'argent. Le magnétisme du marché chinois au cours du XVIIe siècle a été au fond la raison pour laquelle les Hollandais se sont emparés de l'île de Taiwan comme un moyen plus pratique en asseyant une base au milieu des autres puissances qui les regardaient avec méfiance.

Le début des hostilités a eu lieu en décembre 1600 quand Olivier van Noordt arriva aux Philippines par la route du Pacifique. Il osa bloquer les ports de la baie de Manille pour empêcher le mouillage du galion tout chargé d'argent qui venait de la Nouvelle-Espagne [Mexique].4 Les Espagnols armèrent alors deux bateaux et firent une sortie contre les Hollandais. Cela devait marquer la première bataille navale d'une série qui ne sera pas de courte durée. Par cette action, les Espagnols ont obtenu une victoire à la Pyrrhus, car ils y ont subi de très lourdes pertes, entre autres le naufrage du vaisseau amiral, le San Diego, commandé par le docteur ès lettres Morga qui était à l'époque un grand historien des îles Philippines. Récemment, ce vaisseau a soulevé la chronique après avoir été découvert par une société française de rédemption sous-marine Salut du Monde, rapportant un des plus intéressants et plus récents cas d'archéologie marine.

Depuis la création de la Compagnie hollandaise des Indes orientales (V.O.C, l'abréviation hollandaise sous laquelle on la connaît)5 en 1602, les Hollandais ont intensifié leurs efforts pour se rendre maître des mers de Chine. Le principal obstacle qu'ils rencontrèrent était les Espagnols de Luçon et les Portugais de Macao, ainsi que les pirates japonais et chinois [wo-k'eou] qui ravageaient les côtes. L'activité des pirates a vite commencé à décroître quand Tcheng Tcheu-long (connu par les Européens sous le nom de Iquan)6 abandonna la piraterie pour se mettre au service du gouverneur de la province du Foukien afin de briser les activités qu'il avait jusque là soutenues.

Les Espagnols et les Portugais n'au­raient pas causé plus de problèmes que de se faire remplacer par les Hollandais qui ont établi un comptoir similaire et qui les ont attaqués par les armes. Ces derniers, qui n'avaient pas réussi à obtenir en Chine un port homologue à celui acquis à Hirado au Japon ou même à ce que les Portugais possédaient à Macao, avaient bien l'intention de conquérir cette place à l'aide d'une flottille en 1623. Mais n'y étant pas parvenus, ils décidèrent finalement de s'installer aux îles Penghou (Pescadores). Effrayés, les Chinois rassemblèrent une force navale suffisante pour les en déloger et les forcer à aller plus loin, à Taiwan. Ainsi, c'est à Tainan, en face de la côte de Hiamen (Amoy) qu'ils établirent une nouvelle base et, faute de mieux, se résignèrent à être quand­ même proches des côtes de Chine.


De là, ils tentèrent d'accaparer le commerce traditionnel chinois. Chaque année, un convoi quittait les côtes du Foukien pour faire voile vers Manille où il se fournissait en marchandises débarquées du Galion d'Acapulco7. Pour cela, ils usèrent de moyens d'intimidation et effectuèrent de purs actes de piraterie. On peut s'en rendre compte à la lecture d'une lettre que les officiers du Trésor royal de Manille ont adressé au roi en août 1624 en écrivant notamment : « Les Hollandais se sont fortifiés dans l'île de Formose et les îles des Pescadores; c'est pourquoi, cette année, ils n'ont pas pu piller les embarcations de Chine venant en ces lieux [Philippines]. Mais, ils vont vite revenir sur leurs intentions en rompant cette attitude et en perturbant le commerce de ces îles [Philippines], ce qui est le moyen le plus sûr de les ruiner, à moins qu'on puisse y trouver un quelconque remède qui, jusqu'à présent, n'a pas été mis en place. »

Les Espagnols ont continué d'observer les Hollandais et, un an après, le gouverneur général des Phi­lippines expédia une autre missive au roi pour l'informer des progrès effectués à Taiwan : « Aujourd'hui, ils [les Hollandais] tiennent une forteresse avec quatre bastions dont deux en pierre. Elle s'est vite renforcée grâce à l'aide des transfuges chinois qui ont fui leur pays. Il n'y a pas de port pour les grands vaisseaux, mais avec de petites embarcations, aidées de jonques japonaises, ils transportent des chargements de trente mille pesos. »8

Le gouverneur concluait sa lettre en exprimant son intention de prendre position sur l'île, à un endroit différent, un peu plus au nord, situé sur la route qui va au Japon tandis que les Japonais venaient d'interdire la présence des Espagnols sur leur sol justement à cette époque.

Espagnols et Hollandais à Taiwan

Après l'établissement des Espagnols au port de Kilong en 1626, on a dressé trois croquis descriptifs de l'emplace­ment des deux postes, dont celui de Tainan et de Kilong. Les originaux sont conservés au musée naval de Madrid et aux Archives des Indes de Séville et leurs copies illustrent cet article. A propos de la composition du croquis de Tainan, il convient de corriger les renseignements des négociants chinois ou sangleyes9 qui en avaient visité les lieux.

Dans l'esprit de la couronne espagnole10, il y a toujours eu cette idée d'expulser les Hollandais de l'île pour la placer sous son autorité. Et depuis longtemps, le roi Philippe IV a plus d'une fois écrit des lettres au gouverneur des Philippines d'agir dans ce sens. En réalité, l'unique décision concrète d'une telle action eut lieu en 1627, quand Juan Niño de Tabora, gouverneur des Phi­lippines, organisa une formidable flot­tille de 6 galions et de deux galères transportant 2 000 soldats avec l'objectif d'aller au fort Zeelandia et d'en chasser les Hollandais qui, après tout, ne disposaient que de faibles fortifications. Mais, cette flottille quitta sa base plus tard que prévu parce que la Nef d'Acapulco était arrivée en retard et que les conditions météorologiques ne s'y étaient pas prêtées. Donc, c'est au mi­lieu de circonstances mitigées d'un départ du nord de l'île de Luçon qu'elle a dû revenir à Cavite11, sa base.


Le point de vue qui le récuse fut pourtant exprimé par Juan Cevicos, capitaine et chef des galions qui allaient à Acapulco. Après le naufrage de son navire au Japon et dans l'attente d'un retour à Manille, il avait vu l'arrivée des premiers Hollandais au port de Hirado en 1609. Une fois ordonné prêtre à Manille, il était retourné en Espagne en 1622. Cinq ans plus tard, en apprenant l'arrivée des Espagnols à Taiwan, sa joie le poussa à rédiger un rapport exhaustif et élégant au Conseil des Indes12 (qui a eu le mérite d'être traduit dans l'œuvre monumentale de Blair et Robertson) dont le contenu se résume à signaler que l'unique motif de l'installation des Espagnols à Taiwan était de bouter les Hollandais. Rien de plus.

Avant l'échec de cette flottille, la tactique espagnole avait été d'étendre son contrôle dans la région de Kilong à Tamsouï, ce qui eut lieu en 1628, au moyen d'escarmouches contre les Hollandais qui maraudaient également dans le nord de l'île à tel point que, l'année suivante, ils lancèrent au moins un assaut qui échoua devant cette place. Après cet épisode et tout au long des années qui suivirent, les Espagnols et les Hollandais ont décidé de vivre la plupart du temps côte à côte parce que l'île était vraiment beaucoup trop grande pour les effectifs très petits de chaque parti.

Par ailleurs, les conditions n'étaient pas exemptes de toute difficulté. En particulier, chez les Hollandais, comme l'indique une lettre de novembre 1630 du nouveau gouverneur des Philippines au roi d'Espagne : « Nous avons été informés que les Hollandais ont subi beaucoup de pertes par les mêmes Chinois qui leur avaient brûlé un vaisseau et deux autres embarcations. Et d'autres gens nous ont également rapporté qu'ils ont eu beaucoup de trahisons parmi leurs forces. C'est ainsi qu'ils ont perdu presque tous les secours apportés de Batavia par le même grand navire qui avait attaqué l'an dernier Nuño Alvárez. »

Peu à peu, la situation s'est retournée. Alors qu'on croyait le fort Zeelandia plein d'hommes, les effectifs étaient au contraire dispersés dans la périphérie, ce que les Espagnols notaient avec une vive impatience comme un signe du déclin de l'autorité hollandaise. Le gouverneur des Philippines, Sebastián Hurtado de Corcuera, occupé par les guerres de Jolo, au sud des Philippines13, avait donc entrepris une politique de repli dont le résultat fut en 1639 le démantèlement du fort Santo Domingo de Tamsouï, ce qui a affaibli les forces militaires de la forteresse de Kilong. Pour le bonheur des Hollandais, en 1640, les événements particulière­ment graves en Europe pour l'Espagne (avec la sécession de la Catalogne et du Portugal, les conflits à Naples, etc.) ont donné le signal de chasser les Espagnols du fort San Salvador sis sur l'île Santísima Trinidad (aujourd'hui île Heping à Kilong) pour s'y établir. C'est ainsi devenu le lieu du premier affrontement entre les deux forces coloniales européennes sur le sol taiwanais.

Huang Chung-hsin
Le fort espagnol San Salvador dans le nord de l'île de Formose. On remarque que le large estuaire de la [rivière de] Tamsouï est baptisé Río Grande, la grande rivière. La baie de Kilong est bien bouclée par l'île Santísima Trinidad (aujourd'hui Heping) où se tenait le fort San Salvador et ses dépendances.

La tentative de 1641

La progression de ce premier déploiement de forces, selon le point de vue des Espagnols, est bien connue grâce aux rapports très descriptifs que le gouverneur de la place de San Salva­dor, le sergent-major Gonzalo Portillo, a faits dans le courrier qu'il expédia à Corcuera et qui est conservé aux Archives des Indes de Séville. La tactique des Hollandais consistait à profiter de l'amitié avec les aborigènes qui habitaient la région de Tamsouï, ainsi que des négociants chinois qui s'y rendaient. Cela comprenait enfin aussi bien le marchandage avec les Espagnols que la recherche d'une protection et des autorisations octroyées aux Chinois qui venaient acheter du cuir et du soufre aux aborigènes.

Une nouvelle étape fut franchie quand les Hollandais entrèrent en intelligence avec Iquan qui, malgré ses privilèges, n'avait pas tout à fait abandonné ses activités de piraterie. De plus, il concevait alors des ambitions d'une expansion territoriale et de souveraineté quand, vers la fin de la dynastie de Ming, la hausse des prix, les extorsions continuelles en argent pur, la pression des Tartares [i.e. les Mandchous] et les jacqueries auguraient de la chute de l'empereur.

Ainsi, Portillo communiqua à Corcuera : « Et même si je ne dois pas croire autant de témoins, il faut savoir de façon très certaine que ce mandarin sangley, général de la mer [Iquan], a demandé une aide aux Hollandais contre nous, à la suite d'une brouille en mer de Tamsouï.  Il nous cause beaucoup d'ennuis parce qu'il fournit quantité d'armes blanches, de flèches et d'autres objets offensifs aux indigènes qui sont nos ennemis. » D'autres renseigne­ments étaient parvenus à Portillo. Par exemple, que les Hollandais désiraient se fortifier dans la rivière Tamsouï et qu'Iquan lui-même avait dépéché un émissaire chinois au fort Zeelandia pour négocier des détails tactiques de la conquête de la base espagnole de Taiwan et, aussitôt après, celle de Manille. Cet envoyé avait résidé à Manille de 1639 à 1640 lors du soulèvement de 30 000 Chinois qui tourna à la guerre franche et qui coûta la vie à 7 000 d'entre eux.

En ces temps de tension et de mouvements de forces coloniales, afin d'écarter toute ambiguïté que l'autorité sur le commerce au nord de l'île était toujours exercée par les Espagnols, Portillo avait envoyé un brick et un sampan avec des soldats pour saisir les trois jonques chinoises qui commerçaient non seulement sans autorisation espagnole, mais encore sous licence hollandaise. Dès ce moment, la guerre était tacitement déclarée.

Le 1er septembre [1641], une infor­mation apportée par un indigène de Tamsouï parvint à Portillo. Il lui annonçait que « les Hollandais battaient pavillon dans la rivière avec deux navires et trois embarcations à voile armées de canons, quinze sampans de sangleyes et tous les Indiens de la province de Tamsouï, en fort grand nombre. Ils se dirigeaient ici pour les com­battre. » Aussitôt, Portillo, avec diligence et audace, entreprit de renforcer la forteresse de San Salvador. Le 5 de ce mois, les Hollandais apparurent devant la baie de Kilong, ainsi que derrière les montagnes. « Ils sont venus jusqu'à ce fort [San Salvador] avec leurs embarcations et de nombreuses enseignes de guerre, de telle sorte que j'en ai aussi placé d'autres sur les bastions. Puis, nous avons aussitôt canonné les navires et le reste des embarcations. Le lendemain, c'est avec une satisfaction toute affichée que l'ennemi, qui était très bien informé que nous n'avions pas assez d'hommes pour les repousser, lança par voie de terre une grande quantité d'Indiens, dont des gens de Quimaurri. Ils agitaient beaucoup de pavillons et faisaient un grand tumulte sur ces dernières gens qui habitaient [la rive] en face de la porte de la forteresse. Ensuite, surgit d'une petite butte un grand attroupement de Hollandais et d'Indiens. Et comme ces gens fondaient sur nous, l'ennemi fit feu à neuf heures de la journée en frappant deux caisses de munitions pendant qu'il déployaient de toute part des enseignes de guerre sur une autre butte pierreuse, tel que des gens dans les allées d'une église. Alors, il [l'ennemi] appela quelques Indiens de nos amis en signe de paix et leur donna une lettre qu'il avait écrit au chef du fort de Tayguan et à laquelle j'ai répondu. »14

Les deux lettres échangées entre les deux capitaines ne semblent pas avoir été conservées aux Archives des Indes de Séville — la lettre de regret que Portillo a envoyé à Corcuera n'est en fait qu'une copie —, mais c'est bien dans les archives hollandaises que Campbell a pu les retrouver pour les citer dans son fameux ouvrage Formosa under the Dutch (Formose sous les Hollandais). Plus que le contenu de ces lettres, facilement imaginable, c'est pour le style à la fois cavalier et hautain que ces deux lettres sont dignes d'être reproduites dans un tel article de communication. Paulus Tridenius15, gouverneur du fort Zeelandia écrit (d'après la traduction de l'historien José María Alvárez) :
« A Gonzalo Portillo, gouverneur de la forteresse espagnole de l'île de [Kilong]. Sieur : J'ai l'honneur de vous informer que j'ai reçu le commandement de forces navales et militaires considérables afin de me rendre maître, par des moyens honnêtes ou autres, de la forteresse Santísima Trinidad de l'île de [Kilong] dont Votre Excellence est le gouverneur. Comme il est d'usage entre les nations chrétiennes de faire connaître ses intentions et ses décisions avant de passer aux hostilités, je vous fais part de ce devoir. Si vous souhaitez accepter les termes de la capitulation que nous vous offrons en livrant la forteresse de Santísima Trinidad et les autres citadelles, vous et votre garnison serez traités de bonne foi, selon les us et coutumes de la guerre. Mais si vous n'entendez pas ce qui est proposé, il n'y aura pas d'autres moyens que de recourir aux armes. J'espère que Votre Excellence examinera attentivement le contenu de cette lettre et évitera l'effusion de sang. Je souhaite que, sans tarder et en peu de paroles, vous me ferez savoir vos intentions. Vous recommandant à Dieu, l'ami de Votre Excellence, Paulus Tridenius. Fort Zeelandia, le 26 août 1641. »
Bien sûr, la réponse de Portillo est un exemple de ce jargon militaire qu'on peut trouver bizarre :
« Au gouverneur de Tainan. Sieur : J'ai reçu en son temps votre lettre du 26 août et y réponds. Je dois vous informer que, comme il convient à un chrétien qui respecte le serment juré à son Roi, je ne puis vous livrer la forteresse que vous réclamez. Je vous avertis que moi et la garnison sommes prêts à nous défendre. Je suis accoutumé à rencontrer de grandes armées et j'ai soutenu de nombreuses batailles tant dans l'armée des Flandres qu'en d'autres pays. Je vous prie cependant de ne point vous déranger à écrire d'autres messages de cette teneur. Que chacun de nous se défende comme il peut! Nous sommes des chrétiens espagnols et Dieu en qui nous croyons est notre protecteur. Je prie le Seigneur de vous conserver. Fait en notre fort principal de San Salvador, le 6 septembre 1641. Gonzalo Portillo. »

Les Hollandais se sont donc rapprochés tout autour de la forteresse. Ils envoyèrent également d'autres mes­sages en chinois aux sangleyes et aux Indiens en les enjoignant de prendre leur parti dès le lancement de l'assaut, sous peine d'être exécutés pour ne pas l'avoir fait. Mais l'assaut final n'a pas eu lieu. En se retirant, les Hollandais brûlèrent des gens, l'église et s'emparèrent d'autres otages parmi les Indiens. A son retour vers la rivière Tamsouï, « le vaisseau amiral s'est échoué sur la côte, explique Portillo à Corcuera, et s'est brisé en morceaux. Nous avons retrouvé toute la voilure bâchée du mât de misaine et la livarde sur le rivage. Selon des Indiens de la terre ferme, comme cela avait aussi été prédit ici à la chaire, nous l'avions frappé d'un coup grave près du timon. Et comme absolument personne ne pouvait y remédier, son épave est restée là. »

Offensive définitive, 1642

Ainsi, c'était achevée la première of­fensive. Portillo envoya les nouvelles à Manille pour demander des renforts tandis qu'il assurait que ce n'était qu'une première approche exploratoire et qu'à l'été prochain, il y aurait la définitive. Néanmoins, la réponse de Corcuera fut toute autre. Occupé, comme on l'a dit plus haut, aux guerres de Jolo et se convainquant que le poste de l'île de Formose ne rapportait aucun bénéfice excepté seulement des problèmes, il décida de l'abandonner à son sort en n'envoyant qu'une escouade de rescousse de dix soldats espagnols, dix Pampagos16 et douze matelots, laquelle n'a apporté que le découragement entre le peu d'Espagnols et de Philippins qui demeuraient au poste. C'est pourquoi, il se lamentait dans un autre courrier de mars 1642 à Corcuera : « C'est parce que tout arrive à un tel moment que ces forces ressemblent à un malade. Elles s'en sont allées en le laissant déchoir, et quand bien même il aurait la volonté de manger, il manquerait de nourriture. »


Tout au long de l'an 1642, les Hollandais ont continuellement harassé les Espagnols. Lors d'un raid, ils se sont emparés de Puerto Lorenzo (aujourd'hui Sou-ao) pour s'en servir de base de sur­veillance et pour attaquer l'arrivée des renforts de Manille qui empruntaient toujours la route longeant la côte Est de Taiwan afin d'éviter les Hollandais. D'autre part, ces derniers ont lié des amitiés avec les indigènes pour se tenir au courant au jour le jour de la situation du fort San Salvador. Enfin, ils ont consolidé les fortifications de la région de Tamsouï et, finalement, ont décidé l'assaut. Il a été narré par Gonzalo Portillo dans une lettre qu'il adressa au roi Philippe IV le 6 décembre 1642, mais cette fois-ci de Batavia, c'est-à-dire Dja­karta, la principale base hollandaise des Indes orientales,17 où il avait été finalement emmené captif. Cette lettre est rédigée d'un ton mélancolique mais justificateur pour signaler que la cause légitime de la défaite ne doit pas lui être imputée, mais plutôt à Corcuera.

Portillo écrit : « Le 19 août 1642 arriva une flottille de l'ennemi hollandais composée de cinq galions, une embarcation à rames, une jonque de guerre chinoise et un grand nombre de bateaux et autres embarcations, plus le renfort de quatre autres galions. Il y avait au plus dans la forteresse espagnole soixante hommes, espagnols et autres indiens, en armes de peu de valeur. Comme je ne disposais pas d'hommes pour les combattre sur le terrain, j'en lançais une trentaine, tant indiens qu'espagnols, qui débarquèrent devant l'ennemi hollandais qui tua quelques-uns des leurs. Puis, il se plaça sur une hauteur d'où on se rend à un fortin que j'avais fait construire l'an passé et qui est contigu au fort principal. De cette posi­tion, et avec l'artillerie qu'il avait installée sur la hauteur, il frappa la forteresse jusqu'à la détruire et la vaincre par la force des armes, semant la mort parmi les nôtres. Il y pénétra pour hisser ses enseignes. J'ai alors vu que le Hollandais nous tenait bien en ayant conquis l'île, qu'il avait envoyé un messager avec un tambour et un drapeau blanc pour nous dire qu'il était supérieur en armes et en hommes, que nous devions sortir de la forteresse qu'il avait emportée puisque nous étions sans défense et que, devant notre reddition, il nous offrait quelque concession. Alors, sans aucune résistance ni autre aide, les quelques hommes encore dans la forteresse sortirent avec nos enseignes, nos caisses de munitions et nos armes, selon le protocole de guerre. » Cette victoire hollandaise a eu lieu le 24 août 1642 sous le commandement du Wallon Henri d'Aruse.18

Huang Chung-hsin
Le fort Zeelandia, sur le site actuel de Tainan, tracé par les Espagnols d'après les renseignements et déclarations reçus des sangleyes. Cette carte date de 1625 dont la légende explique que les Hollandais y ont édifié quatre fortins dont deux en pierre grâce aux transfuges chinois.

La perte a porté un véritable coup au moral des Philippines et de la couronne d'Espagne juste à un moment où l'empire espagnol commençait à faire eau de toutes parts. L'effet fut si rude aux Philippines que tous les témoi­gnages qui y sont relatifs coïncident, hormis quelques variantes. L'un d'eux est celui du père dominicain Teodoro de la Madre de Dios [Théodore de la Mère de Dieu]; un autre, plus développé à force de détails et de nouveautés, également par un dominicain, Juan de los Angeles [Jean des Anges], est rédigé au royaume ami de Macassar19 au mois de mars 1643 quand, après une brève captivité à Batavia, son auteur passait par là sur le chemin de retour vers Manille. Assurément, le succès a fait couler beaucoup d'encre, notamment quand eut lieu le « jugement de résidence » de Corcuera (jugement qui se tient pour tous les gouverneurs sortants afin de vérifier s'il a bien rempli ses fonctions). On y a discuté beaucoup de choses. Ce fut un jugement très tapageur où les affaires de la perte de l'île de Formose occupent un fichier annexe.

Dans toute cette documentation, on trouve aussi les différentes lettres de Gonzalo Portillo au roi Philippe IV où il se déculpabilise de la responsabilité de la perte de la forteresse en précisant qu'il n'avait reçu aucun renfort de Manille. C'est une conduite identique qu'eut un peu plus tard le gouverneur Fredrik Coyett, gouverneur du fort Zeelandia, quand, après avoir perdu Taiwan aux mains de Coxinga [le fils d'Iquan], il écrivit son fameux réquisitoire 't verwaarloosde Formosa (L'abandon de Formose) en 1675 accusant les autorités de Batavia de négligence envers la colonie.

José Eugenio Borao

(V.F., Jean de Sandt)

Cet article a paru dans la revue illustrée en espagnol China libre, Taipeh, janvier­-février 1994.

Nota : L'actualisation des noms de lieu taiwanais faite par l'auteur a été respectée. Les noms étrangers hispanisés ont été retranscrits dans leur forme originelle. Le nom du souverain espagnol suit la norme française. (NDLR)

1. C'est souvent à tort qu'on désigne par ce terme les habitants des « Pays-Bas unis » (De vereenigde Nederlanden) qui se sont soustraits à l'autorité du roi d'Espagne, leur souverain de droit. En fait, le terme Pays-Bas (le nom officiel latin était alors Belgium) a désigné l'ensemble des diverses seigneuries et contrées que l'Espagne avait recueillies dans la « succession bourguignonne ». On les a aussi appelés Néerlande [du néerlandais­-flamand Nederland, même sens]. Mais la prédominance politique et économique du pays (comté) de Hollande dans ce nouvel en­semble a tôt supplanté les autres seigneuries et contrées qui ont partagé son destin. C'était, déjà à l'époque, une désignation commode et distinctive de cet ensemble politique. Dans ce texte, le terme original est conservé. (NDLR)

2. L'auteur fait bien sûr allusion à l'autorité habsbourgeoise qui a recueilli par héritage en 1482 l'ensemble des Pays-Bas compris dans la « succession bourguignonne » en la personne de Philippe le Beau, archiduc d'Autriche, comte de Bourgogne (1478-1506). Par un concours de circonstances heureuses, son fils, Charles-Quint (1500-1558), a aussi recueilli la succession de la monarchie castillano-aragonaise dont les terres immenses s'ajoutent aux siennes. Toutefois, à son abdication, il attribue en 1555 les terres « bourguignonnes », puis en 1556 celles « espagnoles et italiennes » à son fils Philippe (II de Castille) tandis que les terres « autrichiennes » sont dévolues à son frère Ferdinand (Ier d'Autriche), déjà roi-électeur de Bohème, roi apostolique de Hongrie et roi des Romains (Saint-Empire). L'élargis­sement du commerce océanique, la propagation de la Réforme, suivie de la réduction des droits et libertés acquis ont provoqué le soulèvement général des Pays-Bas. Après une répression et une reconquête militaire sanglantes, les pays bas maritimes du nord s'affranchissent par l'Union d'Utrecht (1579) de son souverain (espagnol) de droit. L'Espagne a certes accepté l'autonomie de ces « Pays-Bas unis » en 1609 lors de la signature de la Trève de Douze ans (Voir texte, infra) entre Johan van Oldenbarnevelt (1547­-1619), grand-pensionnaire des Pays-Bas (unis), et l'archiduc Albert (1559-1621), gouverneur et capitaine général des Pays-Bas (bourguignons/espagnols), mais la reconnais­sance formelle ne se fera qu'aux traités de Westphalie (1648). (NDLR)

3. Par tradition, on a subdivisé l'histoire de Chine en « dynasties ». Mais tous ces noms dynastiques sont en fait les différents noms de l'empire sur lequel telle ou telle dynastie a régné. C'est en général le nom du fief de son fondateur. En conséquence, l'emploi appositionnel est inexact et abusif puisque, devant tout nom de lieu, la langue française requiert l'emploi de la préposition « de » marquant l'origine ou l'appartenance. Ici, il est plus juste de dire « d'autant plus que l'empire chinois de Ming exigeait... ». (NDLR)

4. Cf. infra, note 7.

5. C'est en effet l'abréviation de Vereenigde Oostindische Compagnie, Compagnie unie des Indes orientales, fondée le 20 mars 1602 par une charte privilégiée des Etats-Généraux des Pays-Bas unis. Elle regroupait (d'où son premier qualificatif) plusieurs petites compagnies de commerce maritimes créées après la fermeture des ports du Portugal aux vaisseaux néerlandais en 1581 par les Espagnols. Cette compagnie comprenait plusieurs conseils et comités directeurs dont le plus important était le Collegium de 17 membres. Elle a rapidement décliné vers le dernier quart du XVIIIe siècle et fut officiellement dissoute en 1798. (NDLR)

6. L'auteur écrit Chen Chi-long. Ce personnage avait été baptisé à Macao par les Portugais sous le nom de Nicolaus Iquan, nom rapporté en Europe. C'est le père de Coxinga (ou Tcheng Tcheng-kong) qui a chassé les Néerlandais (Hollandais) de Taiwan en 1662. (NDLR)

7. C'est en fait le Galion de Manille, un service annuel que les Espagnols ont mis en place dès le début du XVIe siècle entre le port de Cavite [Manille] à Luçon (Philippines) et celui d'Acapulco en Nouvelle-Espagne (Mexique). Il convoyait tout ce dont les colons espagnols avaient besoin d'Europe et remportait des denrées précieuses provenant du commerce avec l'empire chinois. On l'appelle également Nef d'Acapulco ou encore Nef de Chine. Après 1763, quand la route directe avec l'Espagne par le cap de Bonne-Espérance fut autorisée, la Nef d'Acapulco qui avait monopolisé le com­merce de l'archipel philippin tomba en déclin et cessa après deux siècles et demi de ser­vice. (NDLR)

8. Le peso était l'appellation courante du réal de huit (R-8) en Nouvelle-Espagne dès le XVIe siècle à cause de son poids et sa valeur. (NDLR)

9. Sangley (pluriel sangleyes), mot espagnol désignant les négociants chinois établis à Manille ou aux Philippines. L'auteur utilise ce terme comme synonyme de Chinois. [Du cantonais seung-loï, voyageur. En pékinois, tch'ang-laï.] (NDLR)

10. Couronne espagnole. C'est la désignation de l'autorité royale. Toutefois, elle n'est pas unitaire, sauf en la personne du souverain. En effet, elle comprend depuis 1581 les trois « couronnes » de la péninsule ibérique, administrativement distinctes : la « couronne de Castille » englobant toute la Castille, le León, la Galice, les Asturies, et les terres de la Reconquête avec, depuis 1492, le royaume musulman de Grenade et, depuis 1506, les « terres bourguignonnes » (dont les Pays-Bas), ainsi que ses possessions au-delà des océans; la « couronne d'Aragon », comprenant l'Aragon, la Catalogne, le [royaume de] Valence, les Baléares, ainsi que les possessions italiennes (Sardaigne, Sicile insulaire et continentale, Milanais) et, depuis 1512, la haute Navarre; enfin, la « couronne de Por­tugal, comprenant le Portugal, les Algarves, les îles atlantiques (Madère, Açores, Cap­-Vert) et les comptoirs en Afrique du Nord, ainsi que les « terres fermes de la mer océane ». Ce point est important, car l'empire maritime portugais était ainsi passé en 1581 sous la domination castillane (espagnole), relâchant l'antagonisme entre les deux puissances maritimes. En ceignant la couronne portugaise, le roi Philippe II (en Castille) s'était titré « roi d'Espagne ». Ce titre s'est maintenu, même après la rupture éphémère de la Catalogne et définitive du Portugal en 1640. Quant aux terres autrichiennes, elles n'ont été attachées à la personne royale que de 1519 à 1556 (l'empereur Charles-Quint étant également roi de Castille et d'Aragon). (NDLR)

11. Cavite est le port de Manille, sur la baie de Manille, dite aussi de Cavite. (NDLR)

12. Le Conseil des Indes (Consejo de Indias) est l'organisme suprême auprès du monarque espagnol chargé de l'administration coloniale. Les terres du nouveau monde et d'Asie ont été incorporées dès 1503 à la « couronne de Castille » et gouvernées par elle. Mais devant l'extension rapide de ses nouvelles terres, Charles-Quint créa en 1524 le Conseil des Indes chargé de leur administration. Les conseils des différentes couronnes gouvernaient en toute indépendance les uns des autres, tout en gardant une certaine coordination. Chacun, au nom du monarque unique, officiait, administrait par l'envoi de fonctionnaires, légiférait, rendait la justice et levait des impôts. Ils furent tous supplantés par les divers ministères étatiques établis au XVIIIe siècle. Le Conseil des Indes a définitivement été aboli en 1834. (NDLR)

13. Jolo ou Sulu (Soulou) était un sultanat more insulaire entre Bornéo et Mindanao. Centre commercial et foyer de piraterie, il ne fut réuni à la couronne espagnole qu'en 1851. More est le nom que les Espagnols ont justement donné aux musulmans du Sud des Philippines. Il s'est conservé comme une appellation distinctive. (NDLR)

14. Plusieurs noms propres sont cités dans cette lettre. Kilong a été actualisé, car ce nom était inconnu à cette époque. Les cartes d'époque mentionnent des noms locaux, généralement transcrits du chinois dialectal. Ainsi, Kilong était Quélang. De cette prononciation, on note des orthographes variées selon les auteurs et les langues. Quimaurri, par la description qui en est faite, est très probablement l'altération de Kimpaouli, ancien nom de Kinchan, près de Kilong. Quant à Tayguan, c'est l'altération d'un nom mal défini ou rapporté. Il ne peut s'agir de Taiwan puisqu'à l'époque, l'île se nommait Formosa (ou Hermosa) et que Tayoan (Taiwan) était le nom du site portuaire du fort Zeelandia, d'après le nom de ses habitants indigènes. Enfin, on a remarqué que le terme Indiens désigne à l'époque en espagnol tous les peuples indigènes des terres lointaines, baptisées les Indes. Ce ne sont ni des habitants de l'Inde ni des Peaux-Rouges. (NDLR)

15. L'auteur a écrit Paulo Tridenius. D'autres sources historiques écrivent Paulus Traudenius. (NDLR)

16. Pampagos est le terme espagnol. De pampago, indigène (à cette époque) de la pro­vince de Pampaga, c'est-à-dire le nord de l'île de Luçon, créée en 1571. Aujourd'hui, la province de ce nom (capitale San Fernando), au nord-ouest de Manille, est de dimension beaucoup plus réduite. (NDLR)

17. Batavia, fondée en 1619 sur les ruines d'un ancien site javanais, Yakatra ou Djakarta, est la capitale des Indes néerlandaises de 1619 à 1949 et, depuis, de l'Indonésie sous son nom originel, Djakarta. Elle tire son nom des Bataves, habitants des Pays-Bas reconnus par les Romains. Ce nom a orgueilleusement rappelé la présence néerlandaise (hollandaise) dans cette région du globe. (NDLR)

18. L'auteur écrit Enrique de Aruse (style espagnol). D'autres sources historiques mentionnent Hendrik Harrousse. (NDLR)

19. Macassar, port dans les Célèbes. Siège d'un sultanat, il fut plusieurs fois attaqué par les Néerlandais qui finalement s'en emparèrent en 1667. Aujourd'hui Makasar, en Indonésie orientale. (NDLR)

NB. Pour référence, nous donnons les listes de gouverneurs coloniaux de l'île de Taiwan au XVIIe siècle. (NDLR)

 

Gouverneurs espagnols du fort San Salva­dor (Kilong) 1626-1642

Antonio Carreño de Valdes

1626-1630

 

Juan de Alcarazo

1630-1634

 

Alonso García Romero

1634-1639

 

Palomino

1639-1640

 

Gonzalo Portillo

1640-1642

Gouverneurs espagnols du fort Santo Domingo (Tamsouï) 1630-1640

Luis de Guzmán

1630-1637

 

Francisco Hernández

1637-1640

Gouverneurs néerlandais du fort Zeelandia (Tainan) 1624-1662

Marten Sonk

1624-1625

 

Gerardus de Witt

1625-1627

 

Pieter Nuyts

1627-1629

 

Hans Putmans

1629-1636

 

Johan van der Burg

1636-1640

 

Paulus Tridenius

1641-1643

 

Maximilian Le Marie

1643-1644

 

François Caron

1644-1646

 

Pieter Overtwater

1646-1650

 

Nicolas Verburg

1650-1653

 

Cornelis Caesar

1653-1656

 

Fredrik Coyett

1656-1662

 

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