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Sciences Po Taiwan

01/05/2010
Aurélie Nugues s’est inscrite à l’Université Soochow, à Taipei. (ALEXANDRE DUVAUCHEL)
«Taiwan ! De par son histoire et sa situation géopolitique mais aussi pour la qualité de vie qu’elle offre, cette île est passionnante », déclare Manon Laurent, étudiante en deuxième année à l’Institut d’études politiques (IEP) de Bordeaux. La jeune française, actuellement en échange pour un an à l’université nationale Sun Yat-sen (NSYSU), à Kaohsiung, a le ton assuré.

Cette année en dehors des murs de l’IEP, offerte aux étudiants de deuxième année, est censée les enrichir intellectuellement et humainement, explique Margaret Dalrymple, administratrice du service des relations internationales de l’IEP de Bordeaux. Et cela semble être le cas pour la jeune étudiante, elle qui avait, un temps, envisagé de partir en Chine. Cependant, l’Université de Nankin, seul établissement chinois à posséder des accords avec l’institut bordelais, ne disposait pas de programme d’échange en anglais.

« Avec seulement six mois de chinois derrière moi, il m’était impossible de suivre des cours à Nankin. En m’intéressant à Taiwan, j’ai été rapidement attirée par la NSYSU qui, en plus de proposer des programmes d’échange en anglais, est reconnue pour la qualité de ses enseignements en sciences sociales et politiques », explique la jeune étudiante.

Margaret Dalrymple confie que ce sont les mêmes raisons qui ont poussé l’IEP, il y a quelques années, à tisser des liens avec l’université taiwanaise. « Leurs programmes permettent à nos étudiants à la fois de suivre des cours de sciences sociales en anglais et des cours de chinois pour améliorer leur niveau de langue. De plus, choisir Taiwan pour un échange universitaire en sciences politiques, c’est s’ouvrir sur le monde asiatique à travers l’une de ses composantes les plus attractives et internationalisées. »

« Au premier semestre, confie Manon Laurent, j’ai opté pour des cours d’urbanisme, d’économie de la Chine, de politique taiwanaise et de philosophie. J’essaie de profiter au maximum de mon année ici pour me spécialiser dans les domaines de la politique et de l’économie chinoise. En parallèle, j’ai la chance d’assister à des cours qui ne me seraient pas proposés à Bordeaux et qui apportent un plus à ma formation. »

Après huit mois passés sur l’île, l’étudiante affirme que Taiwan est, à ses yeux, devenu bien plus qu’une simple alternative à la Chine : « J’ai la chance, grâce à l’IEP, de bénéficier d’une expérience à l’étranger dès ma deuxième année et je suis maintenant convaincue que venir à Taiwan était la meilleure option. J’ai approfondi mes connaissances de la géopolitique du détroit de Taiwan et j’ai probablement trouvé mon futur terrain d’étude. »

Détour taiwanais

Parmi les quatre instituts de sciences politiques français qui possèdent des accords d’échange bilatéraux avec des universités taiwanaises, on trouve Sciences Po Paris ainsi que les IEP de Strasbourg, de Lyon et de Bordeaux. Du côté taiwanais, il s’agit de l’Université nationale Chengchi, de l’Université nationale de Taiwan (NTU) et de l’Université Soochow, à Taipei, de la NSYSU, ainsi que de l’Université chrétienne Chang Jung, à Tainan.

Stéphane Corcuff est maître de conférence et responsable des études chinoises et des échanges académiques avec le monde chinois à l’IEP de Lyon. Egalement chercheur à l’Institut d’Asie orientale spécialisé sur l’histoire et la géopolitique taiwanaise, il est depuis longtemps persuadé que Taiwan ouvre une perspective inédite sur la Chine. Il a ainsi commencé, en 2006, à créer des ponts entre l’institut lyonnais et divers établissements insulaires. « L’objectif est d’offrir une connaissance informée, mais qui garde une distance critique, sur la Chine : c’est l’intérêt de ce “détour taiwanais” pour mieux comprendre la Chine depuis la marge taiwanaise. »

 

Pour Manon Laurent, étudiante de l’IEP de Bordeaux en échange à la NSYSU, Taiwan s’est révélé « la meilleure option ». (AIMABLE CREDIT DE MANON LAURENT)

En 2006, la NSYSU est le premier établissement taiwanais à ouvrir des accords avec l’IEP de Lyon. Depuis, elle accueille chaque année de jeunes étudiants lyonnais. « Je voulais que les étudiants soient en marge du centre – mais la marge, c’est tout près – pour observer celui-ci avec un autre regard. C’est une métaphore mise en pratique de ce que je perçois du regard taiwanais sur la Chine, que j’appelle, dans mes travaux récents, la “liminalité taiwanaise”. » Le choix des universités partenaires, Stéphane Corcuff le justifie aussi par les rapports privilégiés qu’il entretient avec les chercheurs et responsables qu’elles abritent : ainsi, à la NSYSU, Liao Dachi [廖達琪], directrice du département de Science politique, et à Soochow, le francophone Wu Chih-chung [吳志中], le « brillantissime » Luo Chih-cheng [羅致政], ou encore le « vénérable » Huang Mo [黃默].

A la rentrée de septembre 2010, six étudiants de l’IEP rejoindront les bancs de ces deux universités. Depuis 2004, Stéphane Corcuff a étoffé, à l’IEP de Lyon, le programme d’études chinoises et taiwanaises et a ainsi pu former des étudiants sur la durée. Si le détour taiwanais nourrit beaucoup de recherches sur la Chine, certains de ses étudiants décident de prendre Taiwan comme objet d’étude. « Leur priorité n’est ni le chinois, ni la Chine, mais comprendre Taiwan. » Dans cette optique, Stéphane Corcuff prépare de nouveaux accords avec l’Université chrétienne Chang Jung pour permettre à ses élèves d’intégrer dès 2011 un département d’Etudes de Taiwan.

Filières locales

Il n’y a pas que dans le cadre d’échanges que des étudiants viennent ici se frotter aux sciences politiques. Grâce aux initiatives des responsables universitaires et aux multiples bourses proposées par le gouvernement taiwanais, de nombreux étudiants français désireux d’effectuer une partie de leurs études supérieures sur l’île viennent, hors échange, intégrer l’enseignement taiwanais.

Après une licence de LEA anglais-chinois, Aurélie Nugues fait un séjour linguistique en Chine. Elle a ensuite l’opportunité, au cours de sa première année de master LEA affaires internationales, d’étudier à Taiwan pour un semestre en tant qu’étudiante d’échange. C’est ce séjour qui va définitivement la décider à se réorienter vers les sciences politiques. Elle fait alors une demande de bourse et obtient, en 2009, deux ans de financement pour faire un master en sciences politiques à l’Université Soochow.

« Mon expérience en Chine a renforcé mon intérêt pour cette région mais il était alors impensable, selon moi, d’y entreprendre des études en sciences politiques. Taiwan m’a semblé, au contraire, un cadre idéal pour affirmer mon choix et me lancer dans la recherche. J’aime les langues et quitter la France pour faire sciences po à Taiwan représentait un challenge qui m’enthousiasmait. »

Nicolas Muguet, après une première expérience d’un an en échange à Taiwan, a décidé, en 2009, d’intégrer un master de sciences politiques dans la même université. Pour lui qui prépare un mémoire sur l’influence du confucianisme et de la pensée chinoise dans les relations entre la Chine et Taiwan, être à Taiwan, c’est pouvoir suivre un enseignement spécialisé et être au contact de son objet d’étude à travers la presse et la littérature scientifique. C’est également bénéficier d’un réseau de chercheurs francophones sur place avec, notamment, l’antenne de Taipei du Centre d’étude français sur la Chine contemporaine, un institut rattaché au Centre national de la recherche scientifique français (CNRS) qui rassemble des chercheurs en sciences sociales et politiques spécialisés sur le monde chinois.

« Je compte finir mon master à Taiwan mais si je me lance dans un doctorat je rentrerai en France », explique Nicolas Muguet. Comme lui, Aurélie ne veut pas s’isoler de la communauté scientifique française. « Le master est le moment idéal pour se familiariser avec son objet d’étude et nouer des contacts. Mais en ce qui concerne le doctorat, le diplôme français reste la meilleure option. »

Taiwan est un avant-poste de la recherche sur la Chine pour ces jeunes chercheurs et étudiants d’échange, mais pas seulement, et beaucoup vous le diront, une fois qu’on y pose le pied, cette île ne vous lâche plus, à moins que ce ne soit l’inverse. « En général, l’accueil fait aux étrangers est marqué par la bonté, la sincérité et l’hospitalité. Je n’ai jamais vu de pays aussi émouvant que cette île », confie Stéphane Corcuff.

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