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A la recherche des origines : la culture de Peinan

01/11/2002
Plus de deux mille sarcophages ont été mis à jour sur le site de Peinan, dans le sud de Taiwan.Cette nécropole préhistorique est la plus importante de tout le Pacifique.

>>Qui étaient les anciens habitants de Taiwan ? Entre 1 000 et 3 000 ans avant notre ère, l’endroit le plus animé et le plus prospère de l’île n’était en tout cas pas Taipei mais un lieu aujourd’hui reculé et bien tranquille, du côté de Peinan, dans le hsien de Taitung

En des temps préhistoriques, l’île abritait plusieurs grands centres de peuplement, au gré des vagues de migration. Le plus ancien semble être celui de la culture de Changpin dont les premières traces remontent à 30 000 ans avant de disparaître il y a 5 000 ans. Viennent ensuite, dans les environs de Taitung, celui de la culture de Peinan, avec le plus grand site funéraire archéologique de tout le pourtour du bassin Pacifique, et, plus au sud, celui de la culture de Tsaohsiehtun dont l’épanouissement marque les débuts à Taiwan de l’ère de l’agriculture. Dans le Nord, la culture de Yuanshan s’était établie dans les environs de Taipei, alors qu’il n’y avait là que des lacs et des marécages. On peut aussi signaler d’autres endroits, d’autres cultures comme celle de Shihsanhang dont les reliques témoignent du passage à la civilisation du fer.

Il n’existe encore aucune étude énumérant précisément les sites préhistoriques découverts à Taiwan. On en compte en tout cas plus d’un millier. Quatorze cultures préhistoriques ont été recensées dans l’île, qui ont laissé des sarcophages, des mégalithes et d’autres vestiges. Rien que sur le site de Peinan, ce sont plus de 2 000 sépultures qui ont été mises à jour jusqu’ici.

Les grands monolithes

Il y a plus de cent ans, des anthropologues japonais avaient déjà observé des rangées de monolithes dans les environs de Taitung, quelques-uns de ces blocs de pierre mesurant plus de 4,5 m. Qui les a dressés là et pour quelles raisons ? Faut-il établir un lien entre ces civilisations des mégalithes et celles que l’on étudie ailleurs ?

En 1945, de premières excavations menées par les Japonais à Taitung ont permis de mettre à jour des restes de structures autour des monolithes. En 1980, lors de la construction de la voie ferrée du sud et de la gare de Peinan, un grand nombre de sépultures et d’objets funéraires ont été découverts. Les datations au carbone 14 ont révélé leur âge : entre 2 000 et 5 000ans.

« Les vestiges de Peinan ont été trouvés dans le plus vaste et le mieux préservé des sites archéologiques de Taiwan. Ils nous fournissent de riches informations sur la façon dont les peuples du néolithique vivaient - un témoignage rare dans le monde », assure Tsang Chen-hua [臧振華], le directeur du musée national de la Préhistoire. Selon ses estimations, le site s’étend sur une superficie de 80 hectares, la partie la plus intéressante couvrant une trentaine d’hectares. Depuis dix ans, les archéologues ont péniblement étudié une dizaine de milliers de mètres carrés (soit un hectare environ). Le reste est encore sous terre. Les fouilles n’ont donné jusqu’ici qu’une idée imparfaite de l’importance du peuplement ancien sur ce site.

C’est l’année dernière que pour mieux mettre en valeur ces découvertes, le musée national de la Préhistoire a été édifié à 4 km de l’endroit où sont menées les fouilles. Le site lui-même a obtenu la protection de l’Etat en devenant le Parc culturel de Peinan.

D’anciens trésors

Les archéologues continuent leurs travaux méticuleux, fouillant les sols couche après couche, afin d’en apprendre le plus possible sur la vie des anciens habitants de Peinan. Ils ont découvert les fondations de constructions, probablement des habitations. De larges plaques d’ardoise utilisées comme revêtement de sol, des murs de pierre, des greniers aux formes arrondies…

Les milliers de sépultures recensées sont un peu plus loin. Les sarcophages d’ardoise sont de taille individuelle et tous orientés dans la direction nord-est/sud-ouest, face au mont Tulan. Les corps reposent étendus, sur le dos. Quelques sarcophages contiennent les dépouilles de plusieurs personnes, jusqu’à quinze - probablement les membres d’un même clan. La plus grande différence d’une sépulture à l’autre réside dans la variété des objets funéraires qu’elles recèlent et qui marquent évidemment une distinction de classes sociales.

Ces objets ont attiré l’attention non seulement pour leur qualité, mais aussi parce qu’ils amènent à se poser de nombreuses questions sur leurs origines, leurs usages. Plusieurs sépultures contenaient des objets de jade, ce qui en dit long sur le niveau d’évolution de la culture de Peinan, aussi bien technique qu’artistique. Des milliers de poteries, d’outils de pierre ont été retrouvés, tirés de terre avec précaution par les archéologues et leurs équipes.

« Quoi qu’on en pense, il ne faut pas sous-estimer la signification de cette ardoise. En effet, elle ne vient pas de cette région littorale mais a été apportée depuis les montagnes centrales de l’île - tout de même assez loin. Cela donne une idée de l’intérêt de ces découvertes », souligne Yang Shu-ling [楊淑玲], une assistante de recherche employée par le parc. Comment ces populations ont-elles pu transporter des pierres aussi lourdes sur des distances aussi grandes ? Probablement par voie d’eau, grâce à la rivière Luyeh qui s’écoule non loin de là, répondent les spécialistes.

Le musée abrite les plus belles découvertes, dont cet ornement de jade qui a la forme de deux silhouettes humaines réunies au niveau de la tête par ce qui pourrait figurer un animal, donnant à penser que ceux qui ont taillé ce bijou croyaient qu’il existait une relation étroite entre les hommes et les animaux. Cette pièce est remarquable par sa qualité et son expression artistique. Des ornements du même type ont été retrouvés dans le nord et le sud de l’île, ce qui tendrait à montrer que les populations de l’île, à l’époque, entretenaient des liens de commerce suivis et se sont peut-être mêlées. Le site de Peinan est riche en articles de jade d’une très grande finesse - bracelets, tubes, cloches, épingles à cheveux…

La préhistoire à chaque étape

Si l’on accède à un point élevé surplombant le site, on peut en avoir une vue étendue. Près de 80 hectares qui recèlent depuis plusieurs milliers d’années les vestiges d’une culture fascinante. On sait grâce aux fouilles que la culture de Peinan s’est épanouie dans cette vallée, en bord de rivière.

C’est cette rivière qui a servi au transport d’immenses blocs de pierre qui ont ensuite été taillés sur place. Les habitants allaient également plus au nord pour chercher le jade qu’ils savaient travailler de manière exquise. Ils vivaient en communauté, fabriquaient des outils de pierre, cultivaient le millet et chassaient. Ils avaient pour coutume de se faire ôter les deux canines qui sont absentes sur 95% des squelettes retrouvés. Ils enterraient leurs défunts dans l’enceinte de l’habitation, afin que leur esprit reste en compagnie des vivants.

Les objets mis à jour ont permis de répondre à de nombreuses questions, mais en ont aussi suscité beaucoup d’autres. Notamment, on ignore toujours l’origine de ces peuplades. Sont-elles liées aux populations aborigènes qui vivent encore dans cette région ? Si oui, cette préhistoire que l’on découvre à travers la culture de Peinan n’est probablement pas seulement celle de Taiwan mais aussi celle de l’ensemble des peuples austronésiens, de Madagascar, à l’ouest, jusqu’à l’île de Pâques, à l’est. ■

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