07/05/2024

Taiwan Today

Accueil

La ville déconstruite

01/04/2011
J’aime appréhender la ville taiwanaise et la photographier sous cet aspect éclaté, épars, sans cesse en activité. Buildings flambant neufs, bâtiments délabrés ou petites maisons aux toits colorés parsemés de grosses citernes d’eau. Autant de styles architecturaux qui se côtoient et s’entrechoquent. Je recherche les terrasses des immeubles pour photographier ce magma urbain qui s’étend bien souvent jusqu’aux collines alentour. Il forme une mosaïque étonnante et tentaculaire à laquelle s’ajoute la présence obsédante des innombrables blocs de climatisation qui décorent l’extérieur des façades.

Artiste et designer, j’ai toujours privilégié la notion de fragments. A l’aide de différentes expressions esthétiques (rupture visuelle, juxtaposition ou morcellement de matériaux et de couleurs) je cherche à exprimer une certaine facette de la réalité, comme la discontinuité, la crise de l’unité ou encore l’entre-deux.

Depuis une quinzaine d’années que je la côtoie, j’ai voulu approcher cette île et sa culture à travers le dessin et la photographie plasticienne. Je suis parti à la découverte d’un pays riche de son histoire et de ses contrastes pour m’intéresser progressivement à la ville taiwanaise.


Quartier de Datong, à Taipei. Dans la capitale plus qu’ailleurs, l’apparition abrupte de certains codes urbains (constructions, signalétique) associés à cette richesse visuelle crée une forme de tension permanente, d’unité morcelée.


Quartier de Shida, à Taipei.La notion de fragment n’est pas seulement source de chaos, j’apprécie ces poches de quiétude que forment certains lieux typiques de Taipei. Cafés insolites, maisons de thé pittoresques ou librairies originales s’affichent dans une ruelle anodine à quelques mètres d’une artère bruyante. J’aime les répertorier et les présenter de la façon la plus graphique possible.


Hengchun, dans le district de Pingtung. J’aime représenter la rue comme un espace collectif de consommation à ciel ouvert. Ici, la façade se résume à une interminable devanture donnant sur la rue, où le store, tiré au maximum, protège du soleil les étalages remplis de fruits et de légumes. Accablées par la chaleur, de frêles silhouettes apparaissent et disparaissent.


A Taipei, la multiplicité et la diversité des façades offrent un cadre idéal à une réflexion sur la pratique de l’assemblage. L’association de fragments hétérogènes participe à l’élaboration d’un tout singulier, atypique, façonnant une forme nouvelle d’homogénéité. Ainsi, une de mes séries porte sur la frontalité des façades pour mieux en restituer l’impact sur le visiteur. Ici, se mélangent et s’entrechoquent l’influence de la période coloniale japonaise du début du 20e s. et les constructions fonctionnelles supportant de larges enseignes publicitaires.


Certains lieux en périphérie de la ville illustrent cette fragmentation de l’espace. Vers Shilin, un quartier de Taipei, le tissu urbain devient moins dense et le regard se focalise sur des éléments architecturaux distincts : building, axe routier, intersection, etc. Derrière ces panneaux, on devine une plongée dans les travées commerçantes des marchés de nuit. Une horde de scooters et de voitures disposés au premier plan sont là pour confirmer la sentence immuable : à mesure que le soleil se couche, le rythme urbain s’accélère.

Les plus lus

Les plus récents