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Fenêtres sur l’intérieur

01/03/2012
Photo de Miao Chih-shan, tous droits réservés

Miao Chih-shan [苗之珊] vient de se faire connaître avec ce qu’elle a baptisé le « projet des chambres à coucher ». Elle n’est pourtant pas nouvelle en matière de photographie. Elle a simplement mis du temps à trouver sa voie dans ce domaine. Très technique dans son approche qu’elle a débutée au début des années 90, elle tâtonne longuement, abandonne même puis s’y remet « à cause de [sa] fascination pour les gens », et décide de se consacrer au portrait, une technique qui, dès qu’elle sort du studio de photo, se révèle difficile.

Avec ce projet débuté en 2010, elle utilise la photographie pour tenter de regarder l’autre dans sa vérité, le plus simplement et naturellement possible. Elle travaille particulièrement sa relation avec ses modèles pour obtenir ces portraits sans fard. « Ce que je veux éviter, c’est que mes modèles pensent que j’utilise leur image pour me mettre en valeur en tant que photographe », explique-t-elle avec tact, avouant qu’elle abandonne le projet à la moindre hésitation de la personne sollicitée, soit une fois sur deux en moyenne. « J’ai besoin d’une totale adhésion de mes sujets0. »

« J’ai beaucoup plus de facilités avec les femmes qu’avec les hommes grâce à la relation amicale et une certaine forme de complicité que je développe avec elles. Elles ont l’habitude de soigner leur image et n’ont pas peur de l’objectif, à l’inverse des hommes qui sont beaucoup plus réticents de ce point de vue », raconte Miao Chih-shan, qui a toutefois veillé à l’équilibre des sexes dans son projet : 15 hommes et 15 femmes, vivant dans différentes régions de l’île. « Je ne sollicite que des célibataires d’abord parce qu’ils sont plus disponibles, mais surtout parce que leur chambre à coucher est parfois encore liée à leur enfance ou alors reflète très bien leur personnalité parce quelle n’est pas partagée par un conjoint. Elle est surtout tellement révélatrice de leur mode de vie, de leur style et donne un éclairage parfois surprenant sur une dimension intérieure souvent différente de leur personnage social, poursuit-elle. Ils sont tous salariés, bien insérés à différents niveaux de la société, avec des fonctions parfois importantes. » Ces images sont donc une véritable fenêtre ouverte sur la société taiwanaise et sur des aspects qui sont rarement vus ou montrés. 

Sur le plan technique, Miao Chih-shan, qui se dit très influencée par le travail de la photographe hollandaise Rineke Dijkstra, n’utilise que des pellicules de format 120. « Je n’ai pas recours au numérique parce que mes modèles exigeraient que je retouche toutes les photos et finiraient par prendre le contrôle artistique de mon œuvre. La pellicule permet de couper court à la tentation de refaire la photo indéfiniment jusqu’à ce qu’elle plaise au modèle. C’est un gage d’authenticité. »

A regarder ces cubes de vie, ces fenêtres ouvertes sur l’intimité de ces célibataires, de plus en plus nombreux dans la société taiwanaise, on prend conscience de la dimension sociologique du travail de Miao Chih-shan, une démarche encore rare dans la photographie moderne à Taiwan.

Photos de Miao Chih-shan, tous droits réservés





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