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Le grand verger insulaire

01/09/1985
Une carambole.

Taïwan reste durant les quatre sai­sons l'île aux fruits. Avec ces étalages de fruits dans les rues de Taïpei tout au long de l'année. C'est plus vrai encore en été à la fois chaud et humide. Voyez ces pastèques à la pulpe rouge, toutes ces autres variétés à pulpe jaune, ces man­gues, ces papayes, ces noix de coco, ces melons d'Antibes, ces melons sucrés, ces grappes de litchi lourdes d'un ou deux kilos, ce raisin, ces goyaves, ces pêches et ces prunes, traités ou natu­relles, ces ananas, ces grenadilles et ces jolies jameroses si désaltérantes. Les ba­nanes sont omniprésentes et, grâce aux techniques botaniques toutes modernes, tous ces nombreux fruits sont en vente partout. C'est assurément un paradis pour les carpophages (mangeurs de fruits).

Mais justement ce climat sans gelée et toujours doux a d'autres conséquences pour l'environnement arboricole. En effet, les pluies excessives sont inégale­ment distribuées à la fois dans le temps et dans l'espace; il y a les violents ty­phons* de l'été; les douces brises, qui ne sont pas assez froides pour beaucoup de fruits de zone tempérée que l'on vou­ drait voir mûrir, et la moiteur estivale n'est pas assez chaude pour l'aoûtement des fruits tropicaux. Enfin, un tel climat est très propice à la floraison de nom­breuses plantes parasitaires.

Dans ces circonstances, la réussite d'une production d'une immense variété de fruits comestibles de grande qualité par les paysans de l'île est vraiment un triomphe de la technologie agricole mo­derne. En effet, le temps des récoltes, avec ses autres conséquences immé­diates, sont aujourd'hui l'une des princi­pales recherches de l'industrie fruitière de Taïwan.

Tout le monde aura sa part.

Laissé à la nature, l'été serait la grande saison des fruits, pour la plupart d'entre eux, et l'hiver et le printemps au­raient relativement moins de fruits frais. Les paysans ont toujours cherché à distri­buer en toute saison une égale produc­tion afin de maintenir l'offre et la de­ mande tout au long de l'année. S'il y a lieu, une distribution par voie aérienne peut servir un très grand choix de fruits frais de toutes sortes dans les contrées les plus éloignées.

L'hiver dernier, un vague jaune qui dominait les éventaires de fruits révélait l'absence de journées ensoleillées à Taïpei. Toutefois la pénurie hivernale de fruit était tenue en échec. La consommation d'oranges juteuses, de manda­rines et de clémentines était à son comble tandis que les pommes, vertes ou rouges, et les raisins, vert translucide ou violacé foncé, ajoutaient des pointes de couleur et de sel. Et s'il était possible de se fatiguer d'un tel régime fruitier, il ne fallait guère attendre pour qu'avec le printemps, les bibasses dorées et les fraises rouges des montagnes ne débar­quent bien vite en masse sur ces mêmes éventaires. Et l'arrivage quotidien de fruits frais sur le marché qui permet de confectionner des salades de toutes sortes satisfait tous les végétariens, heu­reux de dresser un menu de fraîcheur.

Les carpologues (on dit aussi pomo­logues) ont réussi grâce à leurs méthodes à combattre efficacement les parasites de l'été et à lutter contre les typhons pen­dant toute cette longue saison qui dépas­sent le cycle normal fruitier jusqu'à la véraison. Ainsi, les temps des récoltes, selon chaque espèce de fruits, sont mieux répartis au cours de l'année.

L'«ananas de miel».

Les bananes, les papayes et les ananas furent les pionniers dans ce réa­justement des récoltes. Plus récemment, ce fut le tour des goyaves, des caram­boles, des jameroses, du raisin et des poires qui ont réussi à mûrir hors de leur « saison » naturelle.

Mais c'est le consommateur lui­ même qui a été le plus impressionné par l'essor rapide de l'industrie fruitière de Taïwan. Plus aucun fruit tropical à la fois caressé par le soleil et arrosé par la pluie n'était difficile à produire. Par des hivers plus vifs et des étés baignés dans la vapeur, la végétaion s'étale sur la plaine depuis les côtes jusqu'aux sommets élancés de la Chaîne centrale de Taïwan, les différences climatiques de l'île ont fourni un environnement idéal pour presque toutes les espèces de fruits.

Corossoles.

Avant le lancement de l'industriali­sation amorcé dans les années 60, la plupart des Taïwanais habitaient dans les maisons particulières ou regroupées avec un jardin. Beaucoup se rappellent avec nostalgie ces grappes de raisin qui grimpaient sur les treillis de toits des ter­rasses couvertes, donnant ombre et fruits, et ces jardins tous arrangés de la même façon avec un ou deux goyaviers, bananiers, papayers ou manguiers. Au­jourd'hui dans les rues et venelles de la ville, il y a chaque jour l'appel aux fa­milles du vendeur ambulant, motorisé en nos temps, et nombreuses sont les ménagères qui y répondent en faisant quotidiennement leurs achats pour garnir la corbeille de fruits de la maison ou le pien-tang [ 便當 ]** de l'époux ou des enfants.

Non, ce ne sont pas en effet les fruits qui manquent sur le marché! Malgré l'in­dustrialisation à outrance, l'expansion urbaine, la diminution du domaine rural et l'explosion de la démographie, les fruits locaux sont toujours en grande variété et en toute quantité sur le marché. Voilà la surprise! Si beaucoup croient au miracle, mais la qualité et de la quantité des fruits tout au long de l'année ne sont certes pas de la magie. Elles sont bien issues de l'application de la science et ses techniques.

Les vergers taïwanais ont toujours été de petite taille aux besoins de l'éco­nomie familiale. Les méthodes de récolte en faisaient plutôt des « jardins d'agré­ment », ayant quelque rapport avec le commerce. Le développement de ce commerce local, baptisé industrie frui­tière, fut décidé en commun par le Dé­partement de l'Agriculture, du gouver­nement provincial de Taïwan, et l'Asso­ciation des Paysans de Taïwan. Cette as­sociation avait depuis longtemps grande autorité pour la reconstruction et le dé­veloppement rural de l'île. Elle joue un rôle important pour les fructiculteurs en accordant des prêts, en louant des appa­reils, en distribuant les récoltes et en soutenant les prix sur le marché.

Le département provincial de l'Agri­culture a fortement encouragé les re­cherches dans la fruiticulture. Le Centre de recherches agronomiques de Taïwan s'est ainsi tourné versé l'industrie frui­tière. Resté en contact avec les grands centres agronomiques du monde, ses la­ boratoires ont mis au point les dernières techniques de la greffe, la sélection den­drogénique, le traitement des récoltes, la fertilisation et le contrôle des phytopathologies endémiques. Les expériences sur les citrus au Centre de Tchiayi et sur les mangues à celui de Kaochiong ont retenu toute l'attention des chercheurs et des fructiculteurs. Leur application pratique fut le rôle des carpotechniciens des centres de district répartis dans toute l'île pour une amélioration des méthodes arboricoles. Ils ont pu travailler sur le ter­rain en coopération avec les fruiticulteurs taïwanais, en apportant des résultats inté­ressants pour presque toutes les espèces de fruit.

Les agrumiculteurs ont vu leur pro­duction passer à l'ère industrielle. D'une superficie de 34 000 hectares, les vergers d'agrumes ont aujourd'hui une produc­tion annuelle de 360 000 tonnes de fruits, dont les navels et les mandarines forment la plus grosse part de la produc­tion fruitière de Taïwan. Le fait qu'à Taïwan, le stockage des fruits est depuis longtemps exclu comme une étape pos­sible entre la production et la mise sur le marché, a bien sûr contribuer à l'éléva­tion de la qualité des fruits. Aujourd'hui, pour surmonter les conséquences à long terme de ce problème, comme l'approvisionnement, divers systèmes sont entrés en fonctions.

Dans la culture de l'oranger, les chercheurs ont dressé des plans pour que les orangeraies sur des flancs de col­lines plus frais du nord de l'île possèdent une chaleur douce et l'ensoleillement nécessaires, comme c'est le cas autour de Tchiayi, au centre de Taïwan. Ces dif­férences climatiques assurent aux ména­gères l'approvisionnement désiré de plu­sieurs variétés d'oranges de la mi­-automne jusqu'à la fin du printemps. Selon les principes chinois d'alimenta­tion, la mandarine, à chair plus foncée, est un aliment chaud, alors que la navel plus claire presque jaunâtre a un effet ra­fraîchissant. En hiver, les Chinois con­somment en grande quantité ces deux fruits pour conserver un élan physique et une bonne santé.

La demande intérieure d'agrumes est si importante qu'il n'est pas néces­saire de faire des plans d'exportation. On apprécie d'autant plus la qualité des fruits du terroir. Cependant les agro­nomes et les paysans travaillent sans cesse à améliorer la production. Des serres ont été installées pour la plantation d'espèces moins connues sur le sol taïwa­nais, et les vergers de Floride en sont les principaux fournisseurs. Actuellement, malgré leur courte durée de vie, environ un tiers de celle de leurs cousins améri­cains, les citrus de Taïwan ont plus de vi­talité et une production dont la saveur est beaucoup plus douce.

Derrière la production d'agrumes, il y a celle des bananes. Un ami avait ra­conté qu'il y avait dans une île du Paci­fique vingt-cinq variétés de bananes. Malgré sa grande richesse en diverses es­pèces de fruits, Taïwan doit encore mul­tiplier ses efforts et travailler dur pour di­versifier d'autant ses quelques variétés de bananes. Pourtant, les bananes de Taïwan jouissent depuis de longues années d'une èxcellente réputation sur le marché d'Asie, en particulier au Japon. Et les producteurs de bananes sauront ce qu'il faut faire pour la conser­ver, malgré la toute récente et active concurrence des Philippines.

Une grappe de jameroses.

Les jameroses

Les jameroses*** étaient auparavant un fruit d'été plutôt insipide. Aujour­ d'hui, elles sont non seulement déli­ciauses, croquantes et très juteuses, mais elles arrivent sur le marché six mois plustôt et y reste pendant une période assez longue grâce au système des récoltes éta­lées. Ainsi, on trouve des jameroses depuis la fin de l'hiver jusqu'à la fin de l'été.

Ce changement fantastique n'est pas une manne, si l'on peut dire, mais une application de l'observation et de la technique scientifiques. Selon M. Teng Yung-shing (pron. Teng Yong-ching), du Centre expérimental d'horticulture tro­picale de Fongchan (Fengshan), dans le sud de l'île, les producteurs de jameroses de Pingtong, dans le sud de l'île, avaient bien vite remarqué que certains jamero­siers de leur plantation, victimes du mauvais emploi d'engrais chimiques ou d'inondations de la mer après un typhon, fructifiaient plus tôt que les arbres qui n'avaient subi aucun dom­mage. Le Centre expérimental voisin (Fongchan) qui fit des recherches sur ces déprédations démontra que, si ces « dommages » pouvaient restreindre la croissance naturelle des arbres, ils stimu­laient la fructification.

Pendant ce temps, certains fruiticul­teurs (ou fructiculteurs, ou pomicul­teurs) pleins d'espoir tentèrent eux­ mêmes des recherches en vue de modi­fier le cycle physiologique de la fructifica­ tion de leurs arbres aux moyens d'inon­dations artificielles, d'une sélection des racines et d'autres traitements chi­miques. Mais les résultats de cette jarovi­sation (ou vernalisation, ou printanisa­tion) furent assez variables, avec parfois des productions inattendues, comme le fruit « fantaisie », que l'on a bien vite nommé « perle noire », ou o-tchou [ 烏珠, en pékinois ou-tchou]. D'un rouge carmin très foncé, il est plus petit, ronde­ let et d'une saveur assez douce. Quelques arboriculteurs, croyant à un échec, ont carrément détruit ces arbres.

Mais de tels traitements aussi radi­caux, même si les récoltes sont excellentes, peuvent à la longue endommager considérablement l'espèce. La méthode beaucoup plus satisfaisante à appliquer doit être, d'une part, le contrôle efficace des engrais azotés capables d'empêcher la croissance naturelle et d'augmenter la teneur en sucre et, d'autre part, les soins particuliers et réguliers pendant toute la période de la croissance rtaturelle des jamerosiers. Comme dit M. Teng Yung­ shing, seuls de solides arbres peuvent donner de bons fruits.

Après la mise en oeuvre de la jarovi­sation contrôlée, un jamerosier peut pro­duire jusqu'à six récoltes par an, puisque les fruits ne mûrissent pas tous en même temps. Mais la première récolte, en hiver, est de loin de meilleure qualité.

Le professeur Cheng Cheng-yung (pron. Tcheng Tcheng-yong), de l'Université nationale de Taïwan, a expliqué que la qualité de la récolte d'hiver était due aux températures plus basses qui inhi­baient la croissance végétative. Quand quelques rares feuilles, en générale aucune, bourgeons ou petites branches viennent à pousser, les hydrates de car­bone (ou glucides), une substance riche en sucre, s'accumulent dans le fruit. Comme le sous-produit d'une certaine teneur en hydrate en carbone par des températures plus basses absorbe l'an­ thocyanine (principe colorant bleu des plantes), le pigment de l'épicarpe de­ vient alors d'un très beau rouge carmin. Ainsi, pour lui donner plus de valeur, la température plus froide de l'hiver aide à créer cet équilibre interne des hormones des jameroses d'hiver sans pépins en leur donnant cette si grande qualité.

La qualité améliorée et la grande production dite « hors saison » sont les mérites cette jarovisation des jamero­ siers. Récemment, on lui a porté tant d'intérêt que la superficie des jamerose­ raies (vergers de jamerosiers) a sextuplé dans le hsien de Pingtong.

Les poires

A Taïwan, la poire Nouveau Siècle, une variété de fruit de la zone tempérée, se cultive normalement à une altitude moyenne variant entre 1 et 2 , (d'où l'appellation locale de « poire des hautes montagnes»), car ces poiriers exigent une longue période de température basse pour hiberner. Tandis que la poire des plaines (il s'agit des poires cultivées en plaine à Taïwan), dite « de Hengchan », une autre variété adap­tée, peut se cultiver à moins de d'altitude puisqu'elle reste indifférente à la chaleur quasi-constante.

Cependant dans les vergers de poi­riers des hautes montagnes du centre de l'île, les visiteurs sont maintenant surpris de trouver sur un même arbre des poires jaune pâle ou vertes à côté de poires cou­leur feuille-morte de Hengchan. C'est une autre réalisation de la pomiculture taïwanaise.

Pour parvenir à des fruits de qualité supérieure, il a fallu réduire le nombre des fleurs et des branches en surnombre sur les poiriers de zone tempérée qui sont normalement élaguées à la fin de l'année. Le pomiculteur, M. Chang Jung-sheng (pron. Tchang Jang-cheng), de Tongcheu [Tungshih] (hsien de Tchiayi), avait, par curiosité, ainsi greffé des branches en fleur élaguées de ses poi­riers Nouveau Siècle sur des poiriers Hengchan. Il eut la surprise agréable non seulement d'avoir des récoltes précoces de Nouveau Siècle, mais aussi une récolte abondante de Hengchan.

D'autre part, selon des travaux qui faisaient suite à cela, MM. Kang Yeou-­der (pron. Kang Yô-teu), professeur à l'Université nationale de Taïwan, et de Lin Chia-shing (pron. Linn Tchia-ching), du Centre pour l'amélioration agricole de la région de Taïtchong, avaient obtenu des taux de réussite de cette greffe entre 60% et 90%.

La clé de ce succès fut d'avoir la flo­raison simultanée de ces deux variétés de poirier. Parfois en décembre ou jan­vier, les branches de l'espèce des hautes montagnes, achevant leur hibernation, étaient élaguées et aussitôt greffées à environ aux pousses printanières de l'espèce des plaines. Cette greffe était partiellement faite sur la couronne des pousses, de telle sorte que les scions pouvaient fleurir et donner des fruits en même temps que les pousses naturelles après ligature complète. Et le professeur Kang Yeou-der a ajouté: « Et c'est seule­ment ainsi que l'on peut récolter des poires de hautes montagnes dans les plaines, tandis qu'une pollinisation mutuelle est réac­tivée. »

Grâce à la constitution robuste des poiriers des plaines, les fruits des branches greffées se développent rapide­ment et peuvent être récolté pour la fête de Bateaux-Dragons (le 5 du 5e mois lu­naire chinois), c'est-à-dire dans le courant du mois de juin. En plus des 3 de vergers de poiriers dans le centre de Taïwan, cette technique de greffe fut aussi appliquée dans les hsien de Tchiayi et de Taïnan, dans le sud de l'île.

Les melons

Le sud de Taïwan où la saison sèche est plus longue avec un ensoleillement plus continu, d'octobre à mai de l'année suivante, et beaucoup plus propice à la culture des fruits que le Nord, qui est plus humide. Par ailleurs, certains fruits tropicaux exigeant une température constante beaucoup plus élevée ne sauraient non plus pousser à Taïwan.

C'est peut-être le cas du melon d'hiver (malgré ses apparences et son ap­partenance, on le considère comme un fruit en Chine). Les Chinois le désignent improprement « melon de Khamil » (en chinois, Ha-mi)*, car la région de Khamil, au climat très sec avec d'é­normes différences entre les tempéra­tures diurnes et nocturnes, était autrefoi célèbre en Chine pour la la grande fi­nesse de ses melons d'hiver. En France, on les appelle de la même manière « melon d'Antibes ».

Aujourd'hui à Taïwan, c'est Taïnan qui est devenu le centre de culture des melons d'hiver. Bien sûr, dans une île subtropicale sous un climat complète­ment différent du précédent, on utilise des méthodes dites artificielles pour adapter l'espèce au climat chaud et très humide.

Une couche de feuilles en matière plastique noir argenté est placée au fond de bacs où l'on cultive les melons de Khamil à Taïnan, et des arceaux montés sur les bacs disposés en rangées forment des tunnels sur lesquels on place des feuilles en plastique transparentes en guise de couverture. En plus de élévation de la température, ces couvertures trans­ parentes protègent les bacs de la rosée matinale et de la pluie et conservent le fond humide. Le fond opaque des feuilles de plastique empêche la crois­sance des mauvaises herbes puisque l'en­soleillement ne peut se faire et écartent les pucerons suceurs de sève.

Les melons de Khamil, ainsi cul­ tivés, sont très doux, parfumés et de belle taille et peuvent mûrir assez vite, avant l'arrivée des premiers typhons.

Pour la culture des fraises, on utilise aussi ce même type de feuilles de sol en matière plastique partout dans l'île. L'adaptation du milieu est aussi une mesure de première nécessité pour la lutte contre les parasites et les maladies. Dans la culture des fraises et des bananes à Taïwan, une technique de culture de tissus est généralement employée pour faire croître ces plantes immunisées contre toute bactérie. En effet, de nou­velles plantes ont poussé à partir de bou­tures non affectées dans des milieux de culture; puis après avoir pris racine et même bourgeonné, ces jeunes plants sont disposés sous serre comme semis en bonne santé tout prêts pour les champs ou les vergers. Quant aux fruits qui ne se reproduisent pas aussi facile­ment à partir de bourgeonnements, mais seulement à partir de l'arbre complet, comme les agrumes, ces boutures exemptes de toute maladie sont taillées puis greffées sur de très jeunes et solides plantes cultivées in vitro. Après une période de croissance contrôlée, ces branches sont regreffées sur des plantes cultivées sous serre. Dix mille citrus de cette qualité pourront ainsi être mis en culture à Taïwan dans les deux pro­chaines années.

S'il y a menace de maladie causée par le fusarium, la rotation des fruits des champs et du riz est aussitôt entreprise pour détruire par l'eau les spores toxiques. La méthode phytosanitaire pour protéger les fruits des attaques de minuscules pucerons porteurs de germes est particulière dans le cas des pa­payes qui sont alors cultivées en même temps que le maïs. Comme le jeune maïs pousse et mûrit plus vite que ne fructi­fient les jeunes papayers, les pucerons qui sont attirés par le jaune se jettent d'abord sur le maïs. Puis, même s'ils par­viennent à s'agripper sur les papayes, leurs parties buccales sont alors asepti­sées. Et comme le maïs est résistant aux bactéries végétales dangereuses, les plan­teurs peuvent faire et la moisson du maïs et la récolte des papayes en toute tranquillité; leurs produits sont sains et robustes.

L'ensachage est un autre moyen technique de contrôle de l'environne­ment pour protéger les fruits des insectes et des maladies, ainsi que des oiseaux et des pulvérisations antiparasitaires. La fonction supplémentaire de l'ensachage est la protection de l'épicarpe. Par exemple, le duvet blanc des bibasses (en anglais, loquat) non ensachées peut être soufflé par le vent, et la jolie peau oran­gée se tache alors de noir.

Sont vulnérables aux brûlures du soleil les bibasses, les poires et les caram­boles lesquelles sont toutes ensachées dans des sachets semi-opaques; les ba­nanes sont recouvertes de sacs tintés de bleu pour les aider à mieux jaunir; les ja­ meroses et les goyaves sont tarrément mises en sachets transparents.

Les ananas

Les carpologues ont réussi à produire de nouvelles variétés de fruit, ou hy­brides, de grande qualité grâce à l'apport d'une race « exotique », à l'hybridation, à la sélection phytotechnique, etc. Une réalisation particulièrement heureuse dans le domaine local est sûrement l'a­nanas « Taïnong n°4 » [litt. 'quatrième produit du Département de l'Agriculture de Taïwan'].

Cette variété, produite par le Centre expérimental agricole de Tchiayi, d'un parfum si doux, est si riche en sucre qu'on l'a vulgairement nommé « ananas de miel », ou mi-pa-loua [ 蜜波羅 ]. Tou­tefois, cette variété d'ananas a la particu­larité que n'a pas l'ananas ordinaire: il peut se peler à la main. Sa texture étroite, sa faible teneur en eau et son épi­carpe en forte saillie rende possible le détachement des sections pyramidales de la pulpe juteuse avec les doigts.

Le Taïnong n° attiré l'attention de nombreux spécialistes tant à l'inté­rieur qu'à l'extérieur et a apporté la ri­chesse à ces planteurs. Ainsi, M. Lin Shen (pron. Linn Chenn), planteur de mi­-po-loua à Tchoutchi, village du hsien de Tchiayi, a réussi l'an dernier un bénéfice de 8 millions de yuans taïwanais (env. 200 000 dollars américains).

La sélection des semences est l'ob­jectif essentiel des carpotechniciens pour améliorer la qualité mercatique du fruit. Au début des années 60, la colchicine était déjà en usage pour empêcher les fibres du fuseau et créer un tétraploïde de la pastèque qui, croisé avec le diploïde de la même, permit de produire une pas­tèque triploïde, c'est-à-dire sans pépins.

Aujourd'hui en exposant des goyaves aux rayons radio-actifs, M. Chen Min-hsiang (pron. Tchenn Minn-chiang), du Centre d'horticulture tropicale de Fongchan, tente de modifier les chromosomes de la goyave pour par­venir au même but. Il est déjà parvenu à réduire de moitié le nombre de pépins de ce fruit.

Des travaux en cours comprennent encore l'introduction à Taïwan de fruits « exotiques», tels les pêches tropicales de Floride très juteuses et savoureuses; la culture d'une nouvelle mangue, ayant un parfum différent des mangues locales, d'une texture plus étroite, d'une teneur en sucre plus forte et avec un petit noyau de la mangue « Aï-wen » (en anglais Irwin); et encore l'élimination des pépins de la délicieuse corossole, dit « fruit de çakya » .■

*typhon: de l'orthographe anglaise tyfoon (pron. taïfounn), altération du mot chinois taï-fong [ 颱風 ].

**pien-tang : boîte mélallique ou en plastique dans la­ quelle on dispose un repas complet à emporter.

***Jamerose, ou jambose: (n.f.) fruit du jamerosier, ou jambosier. Cet arbre, originaire du sub-continent indo-malais, porte divers noms, tombé en désué­tude: jambose, jambolin, jambou, jamboul (du malais djambau par le portugais], Le fruit est encore la prune de Malabar ou plus couramment la pomme (de) rose. Au XVIIIe siècle, c'était déjà la jamerose, d'où le nom de l'arbre, le jamerosier. Et par analo­gie, son doublet scientifique, la jambose désigna le fruit, et non plus l'arbre. A Taïwan, on l'appelle liem­bou [ 蓮霧pron. pékinoise lienn-wou ], transcription phonétique du mot malais.

[N.D.L.R.: Khamil, transcril en chinois Ha-mi [ 哈蜜 ], à l'est du Sinkiang (Turkestan chinois), fut longlemps la dernière étape de la Route de la Soie (Via serica) avant d'entrer dans le monde chinois (province de Kansouh). Principauté marchande in­dépendante pendant des siècles, dans le cadre d'un empire aux frontières mouvantes, celle oasis des terribles déserts d'Asie centrale que traversail juste­ ment la Route de la Soie, parcourue surtout par les caravanes perses et turques, a la particularité de pou­voir être irriguée par un château d'eau naturel, le lac de Barkoul (en chinois Tchen-si, ou anciennement Pa-li-kouen), Silué derrière le Karlik Tagh et la chaine de montagne qui la protégeaient des vents dévastateurs du Gobi. Longtemps ville-frontiére d'échanges, celle oasis possédait toute une organisa­tion pour la culture des produits orientaux et occi­denlaux. Le melon, le raisin et d'aulres légumes ou fruits d'origine méditerranéenne purent ainsi être in­troduits en Chine. Si le nom grec du raisin (poutos) se retrouve bien transcrit en chinois [ 葡萄, pou-tao ], le melon d'hiver fin et savoureux, en Chine, «vient » de Khamil, un peu comme en France, il «vient» d'Anlibes.

Marco Polo a baptisé indifféremmenl celte oasis Comil ou Camoul. On trouve d'autres ortho­graphes selon la langue originelle d'appellation (mongol, ouïghour, turc ou chinois).]

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