02/05/2024

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

La tour prend garde

01/04/2007
Un employé du centre de sismologie de la Météorologie nationale montre l'enregistrement de deux tremblements de terre d'une magnitude de 5,9 qui ont secoué la région d'Ilan le 6 mars 2005.

>> La tour Taiepi 101 est peut-être une merveille de l'architecture moderne, mais elle s'élève au-dessus d'un champ de mines geologique. Rien à craindre cependant, assurent ses architectes!

Taipei n'est pas le meilleur des sites pour bâtir le plus haut building du monde, ni aucun autre endroit à Taiwan d'ailleurs. Située sur le Cercle de feu du Pacifique, la région de la planète où l'activité sismique est la plus intense, Taiwan est à la frontière entre deux plaques tectoniques. La subduction de la plaque de la mer des Philippines sous celle de l'Eurasie est à l'origine de la formation de la chaîne de hautes montagnes qui constitue l'épine dorsale de l'île.

Les secousses sont quotidiennes, même si, la plupart du temps, on ne les ressent pas. En 2006, par exemple, le centre de sismologie de la Météorologie nationale a enregistré plus d'une centaine de tremblements de terre dont l'épicentre se trouvait entre Pingtung, dans le sud, et Yilan, dans le nord.

Avec une telle instabilité, on peut s'étonner que le plus grand gratte-ciel du monde ait été construit à Taiwan. « L'idée était de construire un bâtiment qui devienne un symbole pour la ville », dit Wang Chung-ping [王重平], vice-président de C.Y. Lee and Partners, le cabinet d'architecte qui a dessiné la tour. Atteignant 508 m de haut, Taipei 101 est visible de pratiquement partout dans la capitale.

Techniquement parlant, l'édifice est le plus haut du monde dans trois des quatre catégories prises en compte par le Conseil international des bâtiments élevés et de l'habitat urbain (CTBUH) : élévation du sommet de la structure, du dernier niveau habité et de la partie supérieure du toit.

« Les ingénieurs [qui l'ont conçue] croient qu'ils sont les meilleurs au monde et que la tour résistera au prochain grand séisme, dit Chen Yue-gau [陳于高], professeur de géologie à l'université nationale de Taiwan, à Taipei. Personnellement, je n'aurais pas choisi de construire un bâtiment aussi élevé à Taiwan. »

Il rappelle qu'on a détecté à Taiwan 42 failles actives, c'est-à -dire des endroits où des mouvements de surface interviennent fréquemment. « Les failles ne sont pas concentrées dans une seule région, il y en a partout. » En fait, les recherches menées par Chen Yue-gau ont montré que les cinq tremblements de terre les plus meurtriers que l'île a connus au cours des cent dernières années - en 1906, 1935, 1946, 1951 et 1999 - ont tous pour origine une faille différente. « Nous n'avons jamais vu la même faille en causer deux. »

Il n'y a pas d'activité sismique actuellement à l'emplacement de la tour Taipei 101. « Tout du moins, on n'en a pas détecté », précise le géologue. Comme la partie septentrionale de Taiwan s'éloigne de la zone de subduction, Taipei ne devrait pas être la région la plus atteinte en cas de fort événement sismique. Toutefois, souligne Chen Yue-gau, un tremblement de terre dont l'épicentre serait au nord et qui se propagerait vers Taipei pourrait voir ses effets magnifiés par le fait que la ville est construite sur un bassin alluvial.

Et il y a bien une faille - la faille de Taipei - dans les environs de la tour, à 200 m de distance. « C'est vrai, il y en a une, confirme Shieh Wen [謝文], directeur des relations publiques de Taipei 101. Mais elle est tout de même relativement éloignée, et elle n'a pas bougé depuis plus de 10 000 ans. »

Ce qui n'est pas le cas de bien d'autres failles, très actives celles -là. Le 26 décembre dernier, par exemple, l'île a tremblé deux fois à 8 mn d'intervalle. Les deux secousses ont atteint 6 sur l'échelle ouverte de Richter. Elles ont malheureusement fait deux victimes, mais la tour, à 358 km de là, n'a subi absolument aucun dommage. « Pas une fenêtre ne s'est brisée », souligne Shieh Wen.

Pourtant, Taipei 101 n'est pas à l'abri des répercussions des séismes éloignés. Cela a été le cas le 31 mars 2002, lorsqu'un tremblement de terre d'une magnitude de 6,8 a interrompu sa construction. L'épicentre était en mer, à 44,3 km à l'est de Hualien, mais les secousses sismiques se sont tout de même propagées par vagues jusqu'à Taipei, où la plus forte a atteint 5 sur l'échelle de Richter. Deux grues en fonctionnement au 55e étage de la tour qui était alors le point le plus haut du chantier ont été précipitées dans le vide, l'accident tuant cinq personnes.

« Nous avons constaté par la suite que ces grues étaient âgées, que l'acier avait souffert d'une utilisation répétée, affirme Wang Chun-ping. Des grues neuves auraient résisté à un tremblement de terre de cette force. »

« Les dommages ont été superficiels, poursuit-il. La structure de la tour n'a pas souffert. » Six mois plus tard, les travaux ont donc repris.

Selon Wang Chun-ping, Taipei 101 pourrait résister à un tremblement de terre d'une très forte magnitude, grâce à sa « mégastructure ». Ses fondations reposent sur 380 piliers de béton armé s'enfonçant à une profondeur de 80 m sous terre. La tour est elle-même divisée en sections entourées chacune d'une superstructure. Ainsi, explique l'architecte, en cas de tremblement de terre, la tour se comporte comme une succession de bâtiments de 11 étages, et c'est la superstructure qui absorbe les secousses.

Pour construire l'immeuble le plus élevé du monde, les concepteurs de Taipei 101 se sont entourés des meilleurs professionnels dans leur domaine. On y trouve donc l'ascenseur le plus rapide du monde qui, dit fièrement Wang Chun-ping, est « un bolide » : il peut dépasser la vitesse de 60 km/h et atteindre la plate-forme d'observation, au 88e étage, en 37 secondes. L'édifice abrite aussi le plus gros système d'amortissement de vibrations du monde, celui-ci ayant pour fonction d'absorber la force des rafales de vent qui autrement pourraient faire balancer la tour lors des typhons, très fréquents à Taiwan.

Les ascenseurs de Taipei 101 sont par ailleurs équipés de détecteurs de secousses sismiques. En cas de danger, les câbles se bloquent, afin que les passagers puissent se réfugier dans des abris prévus à cet effet tous les dix étages, dans lesquels vivres et équipements de première nécessité sont stockés.

La tour est donc totalement sûre, du moins si la terre ne s'ouvre pas sous elle, assure Wang Chun-ping.

« Les codes du bâtiment ont pour objectif de protéger des oscillations, dit Chen Yue-gau, mais lorsqu'on est au-dessus d'une faille, les ingénieurs ne peuvent rien faire. Ils doivent se contenter de regarder. »

C'est justement ce qui s'est passé le 21 septembre 1999, lorsque Taiwan a été frappée par un séisme d'une magnitude de 7,3 qui a causé la mort de 2 415 personnes et fait plus de 8 000 blessés. Le tremblement de terre a fait date, au point que pour en parler, on utilise à Taiwan les chiffres 9-2-1 en référence au jour où il s'est produit, le 21 septembre.

Jusque là, les sismologues pensaient que la faille responsable, celle de Chelungpu, n'était pas très active. Le 9-2-1 a pourtant ouvert une ligne de rupture de 90 km de long dans la partie centrale de l'île et entraîné des déplacements verticaux de 2 à 8 m de haut, indique un rapport à la rédaction duquel Chen Yue -gau a collaboré. « Les immeubles qui s'élevaient sur son tracé ont été complètement détruits », dit-il.

« Certaines failles se déplacent d'un centimètre par jour, mais n'entraînent jamais de tremblement de terre, continue-t-il. D'autres, comme celle de Chelungpu qui a causé celui de 1999, restent inactives pendant 300, 400 ans et, un beau jour, elles font un bond d'un kilomètre. C'est ce genre de faille qu'il nous faut identifier. »

Par chance pour la communauté scientifique, l'épicentre du 9-2 -1 était situé dans une région où se trouvent plusieurs stations de surveillance de l'activité sismique. Les sismologues ont donc pu enregistrer avec précision l'ensemble de l'événement - une première. « C'est une occasion vraiment rare, souligne Chen Yue-gau, d'avoir tout un équipement déployé exactement au bon endroit. » Le 9-2-1 est ainsi devenu un sujet d'étude majeur pour les sismologues du monde entier, ajoute-t-il.

Au-delà de ces considérations scientifiques, le séisme fut bien évidemment un désastre, en particulier pour les habitants de Chichi, dans le district de Nantou. Là, sur le site d'une école détruite a été construit le musée du Séisme de Taiwan.

A Wufeng, dans le district de Taichung, le pont Wuhsi a lui aussi été sévèrement endommagé, alors qu'il était censé résister aux tremblements de terre, ironise Chen Yue-gau. « Il est impossible de prédire les mouvements géologiques, dit-il. Nous sommes dans une zone où la sismicité est dense - et la nature est imprévisible. »

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