29/04/2024

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

En quête de beauté

01/09/2006
Les interventions non chirurgicales, comme le lifting selon le procédé Thermacool, sont très appréciées. (Chang Su-ching / Taiwan Review)

>> Alors que les Taiwanais disposent d’un pouvoir d’achat plus élevé, la chirurgie esthétique et les instituts de beauté connaissent ici un essor sans précédent

La chirurgie esthétique n'a cessé d'évoluer. Les interventions sont moins risquées qu'auparavant et sont beaucoup plus accessibles financièrement. Aussi, tant que l'argent peut le permettre, la quête de la beauté touche un public de plus en plus vaste, toutes catégories confondues, des jeunes adultes aux personnes âgées.

L'idée prévaut que l'apparence physique est un facteur de confiance en soi et qu'elle peut, en outre, constituer un véritable atout pour la réussite sociale.

Pour faire face à la demande de soins de beauté ou antirides, l'offre a explosé. Dans les seuls quartiers commerciaux et huppés des avenues Zhongxiao est et Xinyi, on compte au moins 40 centres spécialisés.

L'institut Spring, sur une surface de 9 000 m2 , est un parfait exemple. Tout les équipements, à la pointe de la technologie, ont été importés du Japon, comme la salle d'opération où la poussière et l'électricité statique sont éliminées grâce à des procédés spéciaux. Côté ambiance, tout est fait pour que la clientèle se sente à l'aise. Des lits, des salles de bains ou des salons sont disponibles pour se détendre après le traitement ou refaire son maquillage.

Wang Kuan-chung [王冠中], le directeur du centre, explique que les services dits « cosmétologie de la pause déjeuner », sont ceux qui sont les plus demandés : il s'agit d'un traitement rapide offert à l'heure du repas de midi pour permettre aux patientes de retourner au bureau immédiatement après. La plupart d'entre elles préfèrent des soins antirides et rajeunissants non chirurgicaux, par le biais d'injections de Botox, de peelings ou autres.

La clientèle concernée n'a pas d'âge déterminé. Une femme âgée de 102 ans est venue à l'institut se faire enlever des taches de vieillesse sur le visage. Les femmes actives constituent tout de même la clientèle la plus importante.

La diversité des services offerts témoigne des besoins variés. Les traitements anti-âge ne sont qu'un des multiples aspects du marché, la chirurgie plastique en étant un autre très populaire. Environ la moitié des interventions concerne les paupières et, pour 20%, le nez. La chirurgie de la paupière vise à agrandir l'œil pour lui donner un air plus occidental, tandis que, toujours pour faire plus occidental, le nez est relevé.

Néanmoins, si la beauté façon occidentale reste une valeur sûre, la mode penche ces dernières années vers un type plus « asiatique » ; les canons orientaux de la beauté, ainsi que l'aspect « naturel », font un retour en force après une décennie d'hégémonie du style « poupée Barbie ».

Ce récent revirement trouve notamment sa source dans l'enthousiasme suscité par les acteurs fétiches des séries et films venus de Corée du Sud qui sont très populaires actuellement. On aspire donc à se faire refaire un visage plus… plus « coréen » !

Enfin, indétrônable vedette des instituts de beauté, la silhouette reste une des préoccupations premières de la clientèle. « La minceur est assimilée à la beauté. La plupart des femmes pensent ainsi » , constate Wang Kuan-chung.

Seule la poitrine échappe à ce diktat et, au contraire, est l'objet de tous les désirs d'ampleur ! Le nombre des opérations de la poitrine se monte à environ 5 000 par an dans l'île.

La beauté à petit prix
Le professionnalisme des centres de chirurgie esthétique taiwanais combiné à des tarifs relativement abordables pourrait bien être la recette gagnante. En moyenne, les tarifs à Taiwan sont environ 20% inférieurs à ceux pratiqués en Corée du Sud et 60 à 70% moins chers qu'au Japon ou aux Etats-Unis.

Chen Tien-mu [陳天牧], secrétaire général de la Société taiwanaise de chirurgie esthétique (TSAPS), prend comme exemple le prix d'une opération des paupières. Alors qu'à Taiwan, il faut payer 20 000 dollars taiwanais, aux Etats-Unis, elle tourne autour de 2 à 3 fois ce prix. En outre, les techniques et les équipements employés rivalisent avec ceux des pays développés. Enfin, il y a une importante concentration de cliniques et d'hôpitaux.

Pour Chen Tien-mu, la chirurgie esthétique a le vent en poupe. Auparavant, la demande venait essentiellement des gens du spectacle et des professionnels de la nuit, mais à présent, la clientèle s'est vraiment diversifiée, tant en âge que sur le plan de la profession. Alors que la pratique de la chirurgie esthétique se banalise, il y aussi moins d'inhibitions, et la plupart des gens en ont aujourd'hui une perception plutôt positive, en fin de compte.

Les progrès techniques ont aussi contribué à la popularisation de ce type de soins. La plupart des patients étaient souvent et restent pour beaucoup, anxieux devant les risques que comporte une intervention. Mais Chen Tien-mu répète que l'avenir, c'est l'endoscopie, une technique où l'on utilise uniquement de très petits outils et qui permet une pénétration intracorporelle mineure.

Après les instituts privés et entièrement spécialisés, c'est au tour des hôpitaux et des cliniques de s'y mettre aussi, attirés par les profits juteux. Il est donc de plus en plus courant de voir des établissements plus traditionnels offrir des soins de beauté ou proposer des interventions de chirurgie esthétique.

Tous les grands hôpitaux insulaires sont maintenant dotés de services de ce type, et nombreux sont les jeunes médecins qui choisissent d'exercer dans cette spécialité, y faire carrière étant maintenant considéré comme tout à fait honorable et comme un bon moyen de se faire rapidement un nom. En tout cas, il faut 6 ans d'expérience professionnelle pour un docteur en médecine avant de pouvoir passer l'examen qui lui donnera le droit de pratiquer la chirurgie plastique.

En 1994, Chen Tien-mu s'est associé avec d'autres chirurgiens pour fonder la TSAPS, une organisation professionnelle qui veut fixer des normes et faciliter l'échange des informations dans ce domaine, afin d'améliorer la qualité. Après trois années passées à exercer la médecine, les chirurgiens esthétiques peuvent intégrer l'association. Celle-ci compte 164 membres qui se réunissent régulièrement pour des séminaires.

Quand les hôpitaux s'y mettent
Pour les hôpitaux, le passage de la chirurgie réparatrice à la chirurgie esthétique ne nécessite pas de grands changements ni des investissements démesurés. Les interventions de chirurgie plastique pour les accidentés sont maintenant courantes dans les hôpitaux. Des organismes tels que la Fondation craniofaciale Noordhoff, fondée en 1990 – le Pr Noordhoff est un pionnier dans le genre, spécialiste de l'opération du bec-de-lièvre, qui exerça longtemps à Taiwan –, financent la mise en place d'unités de chirurgie réparatrice dans les établissements hospitaliers. L'hôpital Chang Gung, à Kueishan, qui travaille en étroite coopération avec cette fondation, est connu comme l'un des meilleurs centres de formation en matière de chirurgie plastique. En outre, la création de son unité de chirurgie esthétique remonte déjà à 1985.

Chang Gung avait pressenti l'évolution de la demande et avait été le premier établissement de l'île à s'équiper d'un centre de chirurgie au laser il y a 20 ans.

En outre, les hôpitaux disposent de leurs propres atouts par rapport aux cliniques privées. Les patients y sont pris en charge par une équipe médicale plus importante qui est plus à même de répondre à une urgence éventuelle. Ils ont aussi davantage les moyens de se doter d'équipements onéreux dont les prix peuvent dépasser largement les budgets d'une simple clinique. Ces avantages permettent aux centres hospitaliers de rivaliser avec les cliniques privées, alors que la publicité sur leurs services leur est interdite.

L'hôpital Chang Gung se porte bien. En janvier, l'établissement a ajouté un nouveau centre de cosmétologie aux deux autres qu'il possède déjà à Taipei et dans sa banlieue. Le Centre médical de cosmétologie vasculaire offre des services en chirurgie plastique, dermatologie, soins de la peau et traitements par le biais des médecines traditionnelles chinoises. Il collabore également avec les universités voisines dans le domaine de la biotechnologie, afin de rechercher de nouvelles applications en chirurgie esthétique et soins de beauté.

Sur une superficie d'environ 6 000 m2 , le centre est doté d'équipements dernier cri, ainsi que de spas, et dispose d'un centre d'hébergement et d'installations de gym. Chang Cheng-jen [張承仁], à la tête du département de chirurgie plastique générale à Chang Gung, pense que son emplacement dans la périphérie de la capitale rend ce lieu plus attractif en garantissant plus d'intimité, ainsi qu'un cadre agréable et un environnement de qualité.

Le succès de Chang Gung incite les autres établissements hospitaliers à prendre le même chemin. Ainsi l'Hôpital adventiste de Taiwan, à Taipei, a ouvert son centre de beauté en septembre dernier. C'est devenue une activité importante pour l'hôpital, affirme Liu Ming-wei [劉明偉], l'un des responsables de ce service, puisqu'avec l'explosion de la demande, elle est l'une des sources essentielles de revenus et permet de couvrir les frais des autres services.

Les changements de modalités pour le remboursement des soins pris en charge par l'Assurance nationale maladie (NHI) ont financièrement mis à mal les institutions médicales. Pour compenser les pertes, elles ont commencé à proposer des soins non vitaux payants. La logique, dans le cas de l'Hôpital adventiste, est désormais d'utiliser les bénéfices du service de chirurgie esthétique pour financer l'amélioration de la qualité des soins offerts aux patients inscrits à la NHI.

Voyages et soins de beauté
Liu Ming-wei est également convaincu que la venue de clients étrangers dans les hôpitaux insulaires peut être une source de revenus importante. Il est confiant en la compétitivité à la fois financière et technique dont fait preuve le secteur à Taiwan.

La clientèle pourrait être japonaise, sud-coréenne mais aussi chinoise, estime Chen Tien-mu. En effet, la demande en Chine pour ce genre de services n'a cessé de croître, mais les techniques qui y sont pratiquées ne sont pas toujours au point. L'opportunité est donc là. Une fois que les liaisons directes seront établies de chaque côté du détroit, assure-t-il, un nombre important de Chinois pourra venir visiter l'île. Beaucoup viendront pour effectuer des soins de beauté.

Chang Cheng-jen, quant à lui, remarque que le nouveau centre esthétique de l'hôpital Chang Gung, ne se situe pas si loin que ça de l'aéroport international Chiang Kai-shek, à Taoyuan, ce qui pourrait en faire une halte pratique pour d'éventuels clients étrangers de passage.

Le centre Spring Clinic a commencé à offrir des soins de beauté couplés avec un séjour au Spring City Resort, un hôtel thermal très en vogue. En coopération avec l'agence de voyage International Holiway, basée à Hongkong, des séjours proposent 3 jours et 2 nuits dans l'île, incluant l'hébergement, des traitements tels que des injections de Botox ou de Perlane et une cure thermale. Les tarifs varient entre 657 et 1 355 dollars américains par personne. L'agence de voyage estime que l'offre séduit au moins un millier de personnes chaque année à Hongkong et à Macao.

Tandis que tous les efforts sont déployés pour développer ici le tourisme, voilà donc un nouveau domaine prometteur dans lequel Taiwan ne manque pas d'atouts. ■

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