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La vie à fond, ici et dans l’au-delà !

01/02/2008
Le quotidien du défunt est récréé dans ses moindres détails.
De confortables transats sous les palmiers, une villa japonaise meublée et équipée d'un spa, une salle de sport dernier cri, un vanity-case débordant de produits cosmétiques, des assiettes de sushis... Il ne s'agit là que d'un bref aperçu de ce que propose Skea Design dans ses rayons. Mais aucun de ces objets emblématiques de notre mode de vie moderne n'est disponible à une taille normale: ce sont des miniatures en papier destinées à accompagner les défunt dans l'autre monde, au moment de leur incinération.

Avec sa gamme de produits hétéroclites et son nom très tendance, Skea Design pourrait passer pour une énième boutique de gadgets. Mais non, l'équipe de designers de Skea tire une fierté particulière dans le fait qu'elle réinterprète une tradition chinoise ancienne : « Nous croyons sincèrement que ce que nous fabriquons sera utilisé par nos proches et nos amis dans l'autre monde », affirme Yean Han [韓灩], la directrice de l'entreprise.

Lors des obsèques, les maisons miniatures, ainsi que la reproduc tion de la plupart des objets qui font la vie quotidienne du défunt, seront brûlés à titre d'offrandes, afin que, conformément aux croyances populaires chinoises, le disparu puisse en bénéficier dans l'au-delà. « Le principe qui sous-tend cette pratique est que nous devons traiter les morts comme nous traitons les vivants », explique George Chen [陳繼功], directeur de la société de pompes funèbres De-Yuan.


La vie à fond, ici et dans l’au-delà !

Certains rêves pourront peut-être se réaliser dans l'autre monde.

Il explique que la règle fondamentale qui préside à l'organisation des obsèques, dans la tradition, est d' « empêcher la manifestation des mauvais esprits et favoriser la bonne chance ». C'est pour cette raison, note-t-il, que les pompes funèbres sont notamment chargées de déterminer la journée adéquate pour une telle cérémonie. Il est aussi vital que du sel et des grains de riz soient jetés sur le cercueil chaque fois que celui-ci est déplacé. « Chaque opération, très compliquée, a un sens », souligne-t-il.

Il n'est pas étonnant que ces cérémonies aient atteint des sommets de complexité, puisqu'elles sont aussi le résultat d'une évolution des rites, inspirés de traditions bouddhistes, taoïstes et confucianistes vieilles de plusieurs centaines d'années, remarque-t-il. Il précise cependant que la pratique consistant à brûler des effigies en papier n'a pratiquement pas évolué depuis la dynastie des Tang, (618 -907 ap. J.-C.).

Ce qui est le plus important dans ce rite funéraire, c'est l'attention portée au détail, estime Yean Han. « Nous investissons notre énergie dans leur création, parce que nous sommes persuadés qu'ils auront une utilité pour les morts. Nos clients partagent cette conviction avec nous », note-t-elle en soulignant que les matériaux utilisés dans la production de ces objets sont écologiques.

La création de la société, raconte Yean Han, remonte à 2006 et à la disparition de son grand-père. Sa famille n'était pas satisfaite des maisons en papier fournies par les pompes funèbres. Malgré leur importance dans le rite funéraire, le design et la personnalité de ces objets en papier ont été sacrifiés pour des considérations économiques. « Ils sont aujourd'hui fabriqués dans des usines en Chine ou dans les pays d'Asie du Sud-Est, avec des formes standardisées et des matériaux de mauvaise qualité », dit Yean Han. Avec quelques amis, celle-ci a donc décider d'en confectionner elle-même. Il leur a fallu deux jours et deux nuits pour trouver le bon papier et fabriquer une reproduction fidèle de la maison japonaise dans laquelle son grand-père avait toujours voulu vivre. « A sa vue, le visage de ma grand-mère s'est éclairé d'un sourire », se rappelle-t-elle.

« C'est à cet instant que j'ai pris conscience du sens de mon geste. La disparition d'un être cher est toujours douloureuse, et ce que nous faisons permet de donner du confort à l'être disparu comme à ceux qui restent ici », dit-elle.


La vie à fond, ici et dans l’au-delà !

Le kit pour bébé proposé par Skea Design.

A peine un mois après le lancement de la boutique, le chiffre d'affaires de Skea Design était très satisfaisant. Les commandes affluent. Un des derniers produits de Skea Design, un iPhone, est tellement bien imité qu'il a provoqué l'étonnement.

Yean Han explique comment l'équipe de Skea Design invite ses clients à participer au processus de création des objets, les incit ant à évoquer le souvenir du disparu, à parler de ses goûts alimentaires ou de ses habitudes, par exemple.

C'est avec ce souci que Skea Design développe ses affaires et table maintenant sur Internet pour mieux se faire connaître. Sur le site est mentionné l'esprit qui préside à l'action de la société : celui d'un mode de vie responsable. Dans la section consacrée aux funérailles pour fœtus avortés, l'équipe recommande ainsi de traiter l'événement au même titre que ceux organisés pour des adultes disparus. « Un sentiment excessif de culpabilité augmente le risque d'être exploité par des bonzes peu scrupuleux », prévient le site. « Heureusement, déclare Yean Han, nous n'avons pas reçu beaucoup de commandes pour nos ensembles pour bébés ».

Certains pourraient objecter que la manière dont la boutique égaye des cérémonies où le recueillement devrait primer par na ture n'est pas très orthodoxe, mais chez Skea Design, on a une conception très noble de sa tâche, à savoir établir une communi cation avec les défunts.■

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